Laure Catherine - Les enfants frapperont-ils encore ?
Camille haussa les épaules, prit son ton de youtubeur. Le livre illustrait la peur des parents d’être dépassés par leurs enfants, d’une part, et de les voir se retourner contre eux, d’autre part, par lassitude d’avoir été considérés uniquement comme des objets, voire des extensions d’eux-mêmes.
Ravagée par la pauvreté, les tentes, les bouts de tôle, de tissu et de plastique, la clairière y avait peut-être gagné une autre beauté, mais la trouver nécessitait de creuser un peu : c'était la beauté du désastre, la splendeur bancale conférée par la volonté de survivre et l'immense contradiction entre la nature si majestueuse et les constructions précaires, presque risibles, qui la piétinaient allègrement.
Les graffitis étaient apparus le matin même : le lendemain de son retour, le jour même de la mort des cygnes.
Sa mère lui faisait des recommandations pour la journée - les brocolis à préparer ce midi, les fenêtres et les volets à ouvrir à tel étage et à telle heure selon l’ensoleillement, le livre qu’elle lui avait acheté pour lui permettre de s’avancer dans le programme scolaire... Des trucs de caserne...
Chaque personne que tu rencontres mène une bataille dont tu ne sais rien. Sois toujours gentil.
Où commençait la folie qui découpait des cadavres en rondelles, en fait, et combien de dingues étaient considérés comme de gentils excentriques par leurs voisins jusqu’au moment où ils décidaient de faire un carnage à la kalach?
C’était une banlieue minus, les Charmilles, une banlieue Groland. Mais on s’y ennuyait comme dans le 93 et on y était encore plus méprisé. Des paysans qui se la jouaient. Ils voulaient tous faire comme à Bobigny. Ridicule.
On ne pouvait pas tout avoir. L’amour avec un grand A, la sécurité et la liberté étaient mutuellement exclusifs.
Tout le monde restait entre soi, comme ça tout le monde avait l’impression d’avoir raison.