Tout l’exercice de la consultation philosophique consiste à dramatiser et à dédramatiser. Dramatiser d’un côté pour ne pas cacher la souffrance que nous ne voulons pas voir, dédramatiser d’un autre côté car la cause de cette souffrance est de plus banales. Elle est liée à notre condition d’être imparfait et fini en quête de perfection et d’infini !
On peut lire passivement pour ne pas vivre. On peut lire pour fuir, pour se réfugier et se mettre à l’abri d’une réalité jugée trop difficile. On peut aussi lire pour prendre le temps de questionner, pour se mettre en retrait, pour ne plus se perdre et s’éparpiller dans l’urgence, on peut lire pour mieux agir et assumer.
L’homme est un être qui ne cesse de choisir et qui ne peut pas échapper à ce choix. Si bien que lorsqu’il ne veut pas choisir, il choisit encore de ne pas choisir ! Le lycéen peut très bien décider de ne plus retourner au lycée, même si cela entraîne des conséquences. Mais souvent il préfère se mentir à lui-même et faire comme s’il n’avait pas le choix. Cela le rassure de penser qu’il n’a pas la liberté de faire autrement et qu’il ne choisit pas, alors il se rend au lycée en rechignant. Il choisit de ne pas choisir et c’est au prix de son insatisfaction.
Nous refusons obstinément de nous reconnaître dans le portrait que peint de nous le donneur de leçons, dont nous moquons l’air docte et sérieux. L’ironiste, moins austère mais plus dérangeant, fait aimablement mine de nous entendre et de nous suivre pour mieux nous faire vaciller. C’est qu’il pousse notre logique jusqu’à son extrémité pour en montrer l’absurdité. Il nous met en porte-à-faux et, avec lui, nous nous percevons à la fois de l’intérieur et de l’extérieur.
Dire qu’il ne faut pas juger, c’est encore porter un jugement ! Le jugement est une de nos activités principales, car il est consubstantiel au langage. Les animaux, qui ne sont pas dotés de cette faculté, ne jugent pas, et c’est peut-être principalement pourquoi certaines personnes apprécient tant leur compagnie.
Ce n’est pas un défaut d’instruction qui empêche de penser mais plutôt la croyance en l’infériorité de son intelligence ou, à l’inverse, en la supériorité de son intelligence. Dans un cas comme dans l’autre, nous ne sommes pas en mesure de soumettre à l’intelligence de l’autre ce que nous pensons.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’exercice de l’intelligence n’est pas dépourvu d’émotions, mais ce sont des émotions d’un ordre particulier, car elles s’accompagnent d’un sentiment de liberté et de pouvoir sur soi, et non de soumission et d’impuissance.
Pourquoi nous efforcer de masquer notre ignorance, de faire croire que nous savons, alors que c’est justement cette ignorance qui donne du sens et permet de penser ?
Être ami de tous c’est n‘être ami de personne. L’amitié est un lien rare qui demande d’y consacrer du temps et de l’attention.
Nous sentons nos capacités prendre forme et se développer au contact de ce qui leur résiste.