VILLEMIN
Cour d'assises de Dijon, suite du
procès de Jean Marie VILLEMIN. Il comparait pour le
meurtre de son cousin, Bernard LAROCHE, qu'il soupçonnait d'avoir tué son fils, Grégory. le petit Grégory VILLEMIN, 4 ans, avait été retrouvé assassiné dans la Vologne le 16 octobre 1984.Aujourd'hui deux
journalistes, Isabelle BAECHLER d'Antenne 2 et
Laurence LACOUR d'Europe 1 ont été entendues pour...
« Le Chemin est-il pour ceux qui souffrent une réparation ? Non, je ne le pense pas, mais quelque chose qui les relève, ça oui. » Sébastien Ihidoÿ, curé de Navarrenx entre 1981 et 2001
L'assassinat du petit garçon a révulsé le village de Lépanges. Dans la rue principale, des mères pressent leurs enfants au retour de l'école. Bar de l'Est, dans les effluves de vin et de café refroidi flottent des relents de vengeance. Là, Un grondement secoue le bistrot, jailli d'hommes et de femmes parlant à tort et à travers d'un drame dont ils ignorent tout. Bientôt, nous ferons comme eux. A 18 heures, Europe 1 diffuse ces réactions viscérales, faute de pleurs familiaux car j'ai aussi renoncé à ma visite chez les grands-parents. J'ai envie de fuir. Denis aussi. Hélas, la consigne de nos rédactions a changé en quelques heures : il faut rester sur place jusqu'à l'arrestation de l'assassin. Et, si possible, le chercher soi-même.
[...] ... - " Je vous en prie ..." [dit M° Garaud, avocat des Villemin.] "Certains d'entre vous ont des enfants. Supposez que l'un de vos enfants ait été tué, je pense que vous ne voudriez pas qu'on vous assaille de la sorte !"
A ces mots, la jeune femme fond en larmes et se réfugie contre l'épaule de son mari. Tous trois sortent du palais de Justice sous un feu constant de flashes et de projecteurs. Plus tard, la photo prise à cet instant servira, une fois recadrée sur Christine en pleurs, à illustrer la sortie d'interrogatoires supposés difficiles face au magistrat instructeur. ... [...]
[...] ... La presse en général et celle dominée par les Bezzina en particulier est déçue que Lambert ait reculé devant l'inculpation [de Christine.] La faute retombe sur Christine, suspectée d'avoir simulé son malaise pour se soustraire à la justice. Dans ce cas, ce serait, selon Dominique Jamet, du "Quotidien de Paris", "le dernier subterfuge d'une criminelle de grand sang-froid et d'un grand cynisme." L'éditorialiste, capable de disserter un jour sur la Nouvelle-Calédonie, un autre sur Jean-Luc Godard et le troisième sur les gueules noires, explique que Christine a gagné un sursis "au bénéfice de la décence et non à celui du doute." Débarrassés de leurs périphrases ambiguës, les articles associent désormais des mots hier encore tabous. "Le Parisien Libéré" estime que, en tant qu'auteur présumé de la lettre, on peut la soupçonner "d'être l'assassin de son fils." Ami de Lionel Raux [journaliste à "L'Est Républicain" et hostile à Christine Villemin], Pierre Georges, du "Monde", dérape en avalisant dans le style brillant qui est le sien les rumeurs et les interprétations des Bezzina. L'envoyé spécial du plus prestigieux des quotidiens français ignore tout de la Vologne. Mais sur place, entre Garaud de "Légitime Défense" [mouvement pro-peine de mort] et Welzer, de la Ligue des droits de l'homme, le journaliste choisit son camp. ... [...]
« Beaucoup de couples en difficulté font ce Chemin pour tenter quelque chose, un dépassement seul et à deux. La difficulté majeure entre les êtres, c 'est la communication et les montagnes de non-dits qui les séparent. Parler de la pluie et du beau temps, tout le monde peut le faire. Mais dire comment un comportement, une réflexion peuvent vous blesser, comment un rêve s’est brisé, c’est tout autre chose.. » Sébastien Ihidoÿ, curé de Navarrenx entre 1981 et 2001
« Nous sommes dans un monde de dispersion culturelle et personnelle. Or, les gens vivent individuellement cette dispersion et personne ne les aide à la vivre. La société est muette face aux souffrances intimes. J’en ai vu beaucoup pleurer sous le poids de ce qu'ils portaient. Ils attendent d’être en tête à tête avec moi pour parler. » Sébastien Ihidoÿ, curé de Navarrenx entre 1981 et 2001
Au dernier soupir de l’aube, le sol scintillait d’améthystes que le soleil allait métamorphoser en tapis de brillants. En clignant des yeux éblouis, elle bénit la froidure de l’avoir jetée si tôt dehors pour se réchauffer en marchant encore et encore. Envolé d’un pan de ruine, un rapace la souffla de son immense enveloppe portant son cœur à la chamade. Longtemps, il tournoya au-dessus d’elle à la recherche menaçante de quelque proie. Elle resta saisie par cette vision magique du lever du monde. Un paysan, tombé de nulle part, tint à lui serrer la main pour lui souhaiter buen camino. Parfois, des bords du sentier, le vent lui apportait ce refrain, buen camino. Et les épiciers souriaient en lui tendant la pomme ou le morceau de fromage qu’elle venait d’acheter. « Buen camino. »
« Pourquoi vous y allez à pied ? » Elle y allait à pied pour, de ses pas répétés, fendre la gangue qui l’emprisonnait depuis dix ans et s’extraire de son passé par un acte puissant, corporel, inscrit pour toujours dans la mémoire de sa chair. Ainsi creusait-elle patiemment un fossé irréductible de milliers de kilomètres de large entre elle et la jeune femme qui, un jour, s’était vomie tellement fort qu’elle en avait recraché son enfant.
Aux inévitables chagrins et déceptions qui l’attendaient - qu’advenait-il de l’enfant prédit? -elle opposait une énergie rayonnante et sa lumineuse acquisition du sens de l’existence. L’une après l’autre, elle en avait trouvé les clés qui ouvriraient désormais la voie à ses actes et à ses choix.
De cette expérience puissante découlaient de simples évidences auxquelles son cheminement avait redonné toute leur clarté. La vie s’y était révélée telle qu’en elle-même, un humble trajet solitaire confondu dans l’infini et tendu vers un terme atteint grâce aux repères hérités des autres.
Au lieu de subir sa vie, l’homme debout parvenait à l’accomplir en conscience, pourvu qu’au bord il s’en trouvât régulièrement un autre qui lui tende une main, de l’eau, un fruit ou son cœur. Ce mouvement perpétuel supposait l’engrenage parfait de trois volontés, celles de qui montrait le passage, de qui l’empruntait et de qui l’éclairait. À quelques kilomètres de ce point mythique, elle ressentait l’immense bonheur d’y avoir conquis sa place.