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Critiques de Laurence Tacou (2)
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Georges Simenon - Les Cahiers de l'Herne

A commander très vite, cette formidable somme sur l'immense Liégeois globe-trotter, travailleur et artisan infatigable (1903-1989) : parue en 2003 et dirigée humblement par Laurent DEMOULIN.



Grand format, 287 pages, 39 € : on en a vraiment pour son argent !



Les moments les plus formidables ?



Peut-être l'interview de Jacques DE DECKER, "Simenon, romancier de la compassion et du gros plan". On y comprend après coup pourquoi les adaptations cinématographiques du grand Georges font si pâle figure, malgré les belles illustrations qu'offrirent en leurs temps respectifs "Panique" de Julien DIVIVIER, "Monsieur Hire" de Patrice LECONTE ou "Betty" de Claude CHABROL - et dans une moindre mesure, "Le Chat" ou "La veuve Couderc" de Pierre GRANIER-DEFERRE....



L'analyse fine de Michel CARLY, "Simenon : que savent-ils de la douleur d'écrire ?", sorte de panorama mouvant des 117 "romans durs" (vivant leur vie propre auprès des 75 "Maigret" également attachants).



Même "Comprendre et ne pas juger", procès-verbal de la "fameuse" 'interview de G.S. par ce vieux renard de lecteur que fut Bernard PIVOT pour son émission "Apostrophes" (1981) reste émouvant et "vrai"... même s'il parait aujourd'hui presque anecdotique et nous gêne par l'impudeur des deux humains se faisant face. A "La disparition d'Odile" [1971] venait en effet s'ajouter celle de la fille de l'auteur, se suicidant par arme à feu en 1978 (sans le joli "happy-ending" de la fiction citée, où le frère sauve la soeur in extremis)... Marie-Jo était âgée de 25 ans et nourrissait une dangereuse et exclusive admiration amoureuse pour son père. Tragédie intime venant s'ajouter aux "tragédies de l'homme nu" de ses fictions.



Allons, affirmons à nouveau tranquillement - et sans la moindre inhibition - que : " TOUT est bon dans Simenon, tout ! "

Et pour ce "Cahier de L'Herne" ? pareil...
Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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Cahier Cioran

Critique de Claude Arnaud pour le Magazine Littéraire



Les textes des écrivains impliqués dans l'aventure fasciste sont souvent accablants ; le bellicisme de Marinetti, vociféré jusqu'en 1944, comme les injonctions à la Virilité du Drieu doriotiste témoignent de faillites intellectuelles. Cioran a beau délirer, en appeler aux élans les plus irrationnels, il est pourtant déjà le styliste que son Précis de décomposition fera connaître. Il aime se contredire, n'oublie pas le nihiliste qu'il fut, se regarde volontiers écrire et rend tout personnel, jusqu'à l'horreur. Jeune, Cioran contribua à l'élaboration d'un fascisme à la roumaine. Nul doute là-dessus. Perpétua-t-il honteusement cette lèpre après guerre, comme l'affirmait Alexandra Laignel-Lavastine dans Cioran, Eliade, Ionesco, l'oubli du fascisme (PUF, 2002), ou chercha-t-il sincèrement à s'en guérir, comme le soutenait Patrice Bollon dans Cioran, l'hérétique (Gallimard, 1997) ? Les textes de Cioran que publie L'Herne ne répondent qu'en partie à ces questions (plutôt dans le sens de Bollon), tout en en soulevant de nouvelles. L'écrivain n'ayant accepté qu'au prix de nombreuses coupes la ressortie à Bucarest de Transfiguration de la Roumanie, son ouvrage si contesté de 1936, fallait-il republier aujourd'hui in extenso un écrit aussi marqué par son antisémitisme ? Au vu du Cahier remarquable consacré au Roumain, comprenant des articles qu'il écrivit à Berlin pour la revue Vremea et jusqu'aux rapports de la Securitate concernant l'exilé parisien, on serait tenté de répondre oui, presque toutes les pièces du dossier étant cette fois réunies.

Une évidence s'impose : Cioran fut de 1933 à 1940 un ardent fasciste. D'abord indifférent au politique, aussi pessimiste à 18 ans qu'il le sera à 50, l'apprenti philosophe est emporté par l'enthousiasme qu'Hitler lève chez les Allemands, lorsqu'il arrive en 1933 à Berlin. Boursier d'une Roumanie qui ne pèse rien, le jeune Cioran croit trouver dans la mystique nazie les ressorts du réveil qui pourrait faire entrer son petit pays dans l'histoire, après mille ans d'occupations hongroise, « allemande », ottomane ou russe. Proche de la sinistre milice, la Garde de fer, convaincu que les grands peuples sont destinés à l'affrontement, il croit dans les vertus régénératrices de la guerre. Quiconque doute ou ironise devra être arrêté, prévient le jeune barbare, qui approuve la « Nuit des longs couteaux » et condamne le rôle dissolvant des Juifs de Roumanie, au point d'en appeler à leur mise à l'écart politique, si ce n'est physique. Hystérisé par sa mégalomanie, le timide se fantasme en héros purificateur, mais suggère déjà son impuissance à passer à l'acte comme à se laisser fanatiser jusqu'à l'imbécillité. Tout en rêvant d'une méga-Roumanie, il pressent que la grenouille ne pourra se faire boeuf sans éclater ; le moraliste pointe sous le fanatique, le suicidaire sous le barbare, l'écrivain sous le possédé.

Les étapes de son revirement, à partir de 1940, restent à éclaircir, mais il n'est pas douteux que son installation à Paris, puis sa conversion au français, ait enclenché un réel processus d'autodénazification : « Je ne serai plus jamais complice de quoi que ce soi », dira l'essayiste qui, revenu à son scepticisme naturel, se demandait comment il avait pu sérieusement croire qu'il existât une issue concrète à « l'inconvénient d'être né ». Les fondamentaux de sa pensée demeurèrent pourtant : les peuples restaient gros d'une façon d'être et de penser sur l'échiquier hégélien du monde - les Français n'étant que nuances, ironie et manducation, les Russes souffrant d'un destin impérial historiquement programmé, les Espagnols... Des catégories qui paraissent suspectes, mais que Cioran agença en virtuose. Après s'être imaginé allemand, Cioran l'exalté s'assimila à une autre culture impériale, d'abord en lui reprochant sa décadence (cf. De la France, pour la première fois édité), puis en savourant toutes les nuances de son scepticisme via Mme du Deffand et Chamfort, dont il prolongea brillamment le style. Le fils du pope de Sibiu rêvait d'être le prophète d'un grand pays ; il ne fut - Dieu merci ! - que le moraliste de ses propres impasses. Les pulsions contraires sont inextricablement liées dans le ça, avait prévenu Freud.
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