Le promoteur avait un peu survendu la résidence avec les images de synthèse qui montraient une large perspective sur des parcs arborés, des pistes cyclables, des jeux d’enfants. Une fois les trois arbres plantés, la piste cyclable tracée, la cage à poule et l’unique tourniquet installés, l’ensemble paraissait étriqué, plus gris, pas très différent des quartiers populaires de notre enfance. Les voisins étaient comme nous : des trentenaires qui avaient remisé leurs rêves d’ados au placard et refusaient de le reconnaître. Lors de la crémaillère de l’immeuble, les filles riaient trop fort et les types éclusaient du whisky de duty free en parlant d’opportunités, de management et de frais kilométriques. J’avais cassé ma tirelire et emprunté jusqu’au dernier centime à la banque pour qu’on vienne s’encroûter dans ce miroir aux alouettes de la société de consommation. Mais ma princesse avait son château. (Pascale Pujol, « Ma vieille Martin »)