Laurent Copet

— Juste un exemple, pour te montrer que les gens oublient. Ils ne pensent qu’au présent, rêvent de l’avenir, et s’empressent d’oublier le passé. Quelques saisons avec des cordées de vingt, et les gens penseront qu’il en a toujours été ainsi. Ou plutôt, ils ne penseront pas, ils se contenteront de poursuivre l’ascension.

— Tu veux dire que…

— Une fois que le Néant aura effacé nos traces sur la Falaise, il aura aussi effacé les mémoires. C’est notre plus grande chance. Oh, certains garderont de vagues souvenirs du temps des cordées réduites, mais personne n’osera en parler. Tout au plus, quelques anciens se laisseront aller à la nostalgie. Quant aux plus jeunes, ils n’auront connu que cela. 

Il soupira. S’accorda un nouveau temps de réflexion. Comme s’il s’efforçait de mettre du poids et de l’honnêteté dans chacun de ses mots. « Nous devenons… ce que nous sommes. Ce que nous avons toujours été. Ils ne sont pas les mauvais et nous ne sommes pas les bons. »

Six kilogrammes d'emmerdes. C'est ce que je me suis dit en voyant la tête déposée sur mon paillasson. Comme si le premier chien venu m'avait offert sa crotte. L'idée m'a bien fait rigoler.