Déjà la 7e édition pour le Prix Bête Noire ! L'équipe de cette collection des éditions Robert Laffont se mobilise pour vous présenter en détail les 4 livres retenus dans la sélection. Rendez-vous le 10 juin prochain pour connaître le lauréat...
Retrouvez les livres de la sélection sur Babelio
'Le Jardin des anatomistes' de Noémie Adonis : https://www.babelio.com/livres/Adenis-Le-Jardin-des-anatomistes/1604639
'Ingrid et Lola enquêtent : Périlleuses Pyrénées' de Dominique Sylvain : https://www.babelio.com/livres/Sylvain-Ingrid-et-Lola-enquetent--Perilleuses-Pyrenees/1592695
'Les Dames de guerre, tome 1 : Saïgon' de Laurent Guillaume : https://www.babelio.com/livres/Guillaume-Les-Dames-de-guerre--Saigon/1590261
'Bandit' de Jean-Charles Chapuzet : https://www.babelio.com/livres/Chapuzet-Bandit/1600332
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On parle souvent à tort et à travers face à un interlocuteur mutique.
- N’y a-t-il pas moyen de les civiliser, même un peu ?
Bremond éclata de rire. Les Méos qui se reposaient se tournèrent vers eux et rirent de concert sans pour autant comprendre les raisons de l’hilarité de l’officier.
- Surtout pas ! Ce foutu fantasme de la civilisation, cette obsession de rendre meilleurs les sauvages afin qu’ils soient compatibles avec nos valeurs… Quelle arrogance ! Les civiliser, comme vous dites, ce serait les affaiblir, les rendre débiles. Et si je vous disais que pour moi ce sont eux les civilisés et nous les barbares. Avez-vous la moindre idée de ce que font nos troupes pour recueillir des renseignements sur les prisonniers ennemis ? Eh bien je vais vous le dire, moi : on ne fait pas moins que ce que faisaient la Gestapo et les Kempeitaïs. Et le Vietminh n’en fait pas moins lorsqu’un des nôtres est fait prisonnier. Cessez de voir de l’honneur dans la guerre, c’est l’endroit qui en est le plus dépourvu.
Pour survivre, les Méos échangent l’opium contre du riz, des armes, des munitions, des médicaments, des vêtements et des bijoux parfois, poursuivit Ferrari. Après tout, eux aussi ont bien le droit à la coquetterie. Sans opium, ils ne pourraient pas tenir dans les montagnes, ils devraient descendre dans la plaine, se soumettre aux Laotiens, aux Annamites, aux Vietminhs. Mais eux préféreraient mourir. Ils sont fiers, Elizabeth. Ce sont les guerriers des montagnes. C’est pour cela qu’on les appelle les seigneurs aux pieds nus, et voilà pourquoi nous allons leur rendre leur foutu opium. Pour qu’ils puissent rester dans leurs foutues montagnes.
Dans un état proche de l’hébétement, elle descendit les quelques dizaines de mètres qui la séparaient du gros de l’hécatombe. Le lieutenant marchait devant, son fusil à pompe négligemment posé sur l’épaule. Il y avait des corps partout, allongés dans les postures grotesques dans lesquelles la mort les avait pris. Et soudain, la guerre devint pour elle une réalité tangible, de cris de souffrances, d’odeurs infectes et de peur si intense qu’elle flottait au-dessus des corps martyrisés comme un nuage aigre. La guerre à l’état brut, sans le filtre esthétisant d’Hollywood ou des journaux télévisés. Sans même le filtre familier et rassurant du viseur de son Leica.
Si les Viets ont attaqué la région de Lao Cay en 49 et en 50, ce n’était pas pour des raisons stratégiques militaires, c’était pour s’assurer de la récolte d’opium du pays thaï. Alors vous voyez, on est loin des grands discours. À la guerre, tout le monde ment. Tout le monde se parjure.
Si Petit Phénix cédait à cette mode de la poudre et du projectile, il prendrait certes moins de risques, en préservant une distance de sécurité et en s’épargnant les giclées d’hémoglobine qui pouvaient le trahir. Mais il ne parvenait pas à se résoudre à l’utilisation de ces armes indignes, seulement bonnes pour les paresseux. Dans sa conception d’honorabilité du métier de tueur, on devait aller au contact de la cible dans une quasi étreinte intime et non pas l’abattre de loin dans le dos, comme un lâche.
Et soudain, la guerre devint pour elle une réalité tangible, de cris de souffrances, d’odeurs infectes et de peur si intense qu’elle flottait au-dessus des corps martyrisés comme un nuage aigre. La guerre à l’état brut, sans le filtre esthétisant d’Hollywood ou des journaux télévisés. Sans même le filtre familier et rassurant du viseur de son Leica.
À chaque pas,ses brodequins s’enfonçaient dans la fange, puis faisaient un bruit humide de succion lorsqu’il les en dégageait. Des rebords de son chapeau de brousse coulaient des filets d’eau comme des gouttières. La pluie tombait en abondance depuis trois jours sur la colonne de parachutistes coloniaux français qui progressait dans ce foutu marécage couvert d’eulalie, la fameuse » herbe à éléphants » haute de plusieurs mètres.
Ferrari était un ancien de la BCRA, le Bureau central de renseignement et d’action (clandestine) de la France libre. Un héros sans gloire. On n’entrait pas dans les services spéciaux pour parader dans des salons moites, la poitrine épinglée de breloques scintillantes. Les coups fourrés, le danger, l’adrénaline, les combines étaient une récompense en soi.
Les reporters qui, quelques instants auparavant, baissaient les yeux, honteux, riaient de cette donzelle manucurée et pomponnée sur un théâtre de guerre. Pour qui se prenait-elle, cette mannequin tout droit sortie de la Cinquième Avenue pour leur assener son caprice puéril, et devant le patron en plus ?