La France est-elle complice du génocide rwandais?
[…] Dès la fin de cet après-midi [du 4 octobre 1990], les premiers légionnaires du 2º REP débarquent au Rwanda. L'opération a même un nom de baptême, « Noroît », il est emprunté à la langue de la marine pour désigner un vent qui vient du nord-ouest, la position de la France par rapport au Rwanda. Les parachutistes sont portés par ce vent pour secourir le pays des mille collines contre l'ennemi qui le menace.
Comme souvent, les symboles parlent pour nous et les livres leur répondent. Nos militaires n'ont pas lu Victor Hugo en choisissant ce nom, ils n'avaient pas en tête L'homme qui rit, ils auraient dû, ils y auraient découvert cette prophétie : « Entendre cette cloche dans la tempête, quand le noroît souffle, c'est être perdu. Pourquoi ? Le voici. Si vous entendez le bruit de cette cloche, c'est que le vent vous l'apporte. Or le vent vient de l'ouest et les brisants d'Aurigny sont à l'est. Vous ne pouvez entendre la cloche que parce que vous êtes entre la bouée et les bri- sants. C'est sur ces brisants que le vent vous pousse ». Notre imprudence, notre impudence et notre ignorance jusque dans le nom donné à cette opération. p.57.
Écoute Hubert Védrine. Lui-même reconnaît que ces livraisons ont « continué après le début des massacres ». Toutefois, c'est pour ajouter aussitôt : « mais bien sûr ceux-ci [les massacres] n'ont pas eu lieu avec des armes françaises ». […]
Voilà, livrer des armes, selon Hubert Védrine, malgré les exactions des forces armées, les proscriptions, les obstacles, le climat social puis le déclenchement du génocide, ce n'était pas un problème car « bien sûr », les tueurs se sont, selon lui, bien gardés de les utiliser contre les Tutsis réfugiés dans les églises, les écoles, les stades, les centres de santé !
Sérieusement, imagines-tu les gendarmes, les militaires de la garde présidentielle, les FAR, les miliciens prendre soin, avant d'attaquer les Tutsis, de trier les balles, les grenades, les fusils, les mortiers livrés par la France pour ne pas les utiliser? p.114.
Les miliciens se sont écartés, ils ont ouvert les barrières formées de cadavres pour nous laisser passer. Je n'ai pas caché ma tête sous la bâche [du camion], je voulais voir ce qu'il se passait autour de nous, sur le trajet, c'était épouvantable, rien ne m'avait préparé à cela. Kigali s'était transformé en abattoir public de Tutsis, il y avait des morts partout, des maisons pillées, des barrages faits de corps entassés les uns sur les autres, les assassins applaudissaient à notre passage, ils lançaient des gestes amicaux en direction des militaires du convoi, ils brandissaient et agitaient des drapeaux français. Témoignage d’Étienne, p.106.