Venez découvrir notre interview de Laurent Malot ! Interview réalisée par notre apprentie libraire Claire pour le rayon jeunesse.
- Tu vois, Kévin, avec les Anglais, c'est toujours le même problème : ils ne peuvent rien faire comme tout le monde. On ne comprend rien à leurs pounds, leurs feet, leurs smiles, aux règles du polo ou du cricket, ils font de la bouffe que personne ne peut avaler et ne veulent pas entendre parler de l'euro, mais ils restent persuadés d'avoir raison. C'est comme leur humour british ! Nous autres, bouseux de Bretagne, on parle d'absurde ou de dérision ; erreur, il y a des nuances qu'on est trop cons pour comprendre.
- On a aussi décidé, et à l'unanimité, que tu serais notre coach, a dit Antoine. De toute façon, il n'y a que trois épreuves et on est quatre.
- Comment ça, votre "coach" ?
- On participe aux épreuves, tu nous coaches.
- Et pourquoi ce serait moi qui sauterais ?
Ils se sont regardés, encore plus gênés. Cette fois, aucun des trois ne trouvait le courage de m'expliquer.
- On tire le coach au sort, ai-je proposé.
Ils ont secoué la tête.
- Ma mère t'a vu courir, ce matin, a dit Kévin. Il paraît que tu avais une tête de daurade échouée sur la plage.
- Ah oui ? Et qu'est-ce qu'elle s'y connaît, ta mère ?!
- En sport, rien, mais en poisson, elle est incollable. Elle n'a pas pu se tromper.
" Prêt pour ton Hunger games breton ? " (...)
" J'ai pris six kilos de muscles depuis hier, ça va être une boucherie, âmes sensibles s'abstenir."
" Quoi de mieux qu'un peu de sang dans ce monde idyllique. Et quel est l'enjeu ?"
" Dix vierges et notre poids en fraises Tagada."
Je lui ai raconté qu'on m'avait traité de minable, qu'on s'était moqué de mon allure et qu'on m'avait fait comprendre que je n'étais pas au niveau pour intéresser une fille comme elle.
- C'est comme ça que ça marche et que ça marchera toujours, a dit mon père. Tu peux faire tout ce que tu veux, au mieux, tu gagneras des batailles, mais la guerre, ce sera toujours les riches qui en sortiront vainqueurs.
- Tu plaisantes, là ?
- Non.
- Laisse tomber, c'est la banquise, cette fille, et toi, t'es un rafiot qui va se faire broyer si tu t'approches trop près !
J'aimais bien les métaphores de Kévin, mais celle-ci me faisait mal pour deux raisons : la première, c'est qu'en tant qu'ami il aurait pu m'encourager plutôt que m'enfoncer. La seconde, que j'ai ignorée malgré l'évidence, me rappelait qu'on ne mélange pas les serviettes avec les torchons, Camille étant le must de la serviette, Versace Home pour palace et hôtels grand luxe, tandis que j'étais le torchon le plus basique, un euro quatre-vingts le lot de trois chez Auchan.
Louise [ma sœur] a attaqué bille en tête en se plaignant que j'allais encore lui foutre la honte. J'ai demandé des explications sur le "encore", elle a répondu que je savais très bien de quoi elle parlait, j'ai dit que non, elle a pris son petit air de fouine pour rappeler que j'avais choisi mon camp en allant vivre avec notre père, ce qui équivalait à une trahison et à une infamie qui rejaillirait sur nos descendants pendant plusieurs générations. Ma sœur a toujours eu le sens de la mesure.
- Ils s'habillent tous comme toi, en Angleterre ?
J'ai prêté attention aux vêtements que j'avais mis machinalement le matin - richelieus en cuir fleuri marron clair, pantalon slim orange, col roulé et veste pied-de-poule Pepe Jeans - , puis je les ai regardés, lui, les autres. J'étais le seul à porter des couleurs un peu criardes, on aurait dit Homer Simpson à un enterrement mormon.
- Parfaitement ! a répondu le Baron qui avait l'air d'avoir un coup dans le nez. C'est sûrement pas vos cuisses qu'on a envie de tâter ! Nous ce qu'on aime, c'est la soie et la dentelle, les couleurs qui font rêver, les parfums qui donnent envie de partir à l'autre bout du monde. On a aussi un petit faible pour les ronds de jambe et la galipette, ce que vous autres, vieilles carnes, appelez du vice. Si seulement, un jour, vous aviez su jouer de certains instruments ou simplement osé porter une tenue un peu affriolante, vous auriez le droit de causer, mais l'art de la culbute vous étant aussi étranger que la vie militaire ou le cancer de la prostate, je me permet de vous donner un conseil, celui de fermer vos claque-merdes !
On m'accuse d'être responsable du foutoir qui a régné en ville au printemps dernier; je plaide pour le concours de circonstances. (...)
C'était il y a quatre mois et les vrais responsables sont le printemps et mes hormones. Et Camille d'Arincourt, qui n'avait qu'à pas être la plus belle fille du monde.
On ne corrompt que ceux dont on a peur.