Laurent Tillon - Les fantômes de la nuit : des chauves-souris et des hommes
Parce que nous avons besoin d’énergie, nous développons l’éolien en partie décarboné, ambition louable qui n’a finalement rien à voir avec l’enjeu climatique mais qui impacte la biodiversité, induisant comme dans une boucle de Möbius la dégradation de notre principal puits de carbone, la forêt.
Il semblerait qu'une seule heure de promenade en forêt réduise naturellement notre stress pour plusieurs jours.
Que nous le voulions ou pas, il faut se rendre à l'évidence, pour régler le problème climatique et arrêter de nous confronter à certaines maladies émergentes pouvant tuer des millions de personnes en peu de temps et susceptibles de bloquer nos économies à l'échelle mondiale en quelques jours, il faut que les chauve-souris se portent bien. Qu'on prenne soin d'elles, d'une manière ou d'une autre. p239 - Note de bas de page.
Comme à chaque fois, un rouge-gorge semble vouloir avoir le dernier mot, comme s’il devait assumer une transition immuable entre le monde des vivants diurnes aux couleurs chatoyantes et les fantômes de la nuit tout en nuances de gris.
L’imagination prend souvent une place importante pour la réussite d’une opération scientifique avec les chauves-souris arboricoles. Elle implique aussi des heures et des heures de prospection, dans le froid, la nuit, souvent seul, au calme. J’aime ces moments, qui servent aussi à l’ introspection.
Pour résumer plus encore le paradoxe auquel notre société se confronte toute seule, [...] : les éoliennes tuent les noctules, qui régulent habituellement les hannetons, qui ont alors le champ libre pour manger les grands arbres feuillus, surtout les chênes, le chêne étant un régulateur climatique indispensable dans le contexte global.
[...]
Considérer l'enjeu climatique indépendamment de l'enjeu de la biodiversité est donc une aberration qui finit par nous coûter collectivement très cher, car on fait primer l'enjeu carbone sur l'enjeu de la biodiversité, alors que, comme on le voit ici, ils sont interdépendants.
p183
Ainsi, plus il y a de biodiversité, et moins il y a de chances qu'une zoonose apparaisse. D'ailleurs, il suffit de lire les cartes présentant les zones d'émergences des zoonoses et de les comparer aux cartes des forêts tropicales puis de la biodiversité estimée : un rapide coup d’œil montre facilement que les forêts tropicales les mieux préservées et les plus riches en biodiversité sont inversement corrélées à l’émergence des maladies infectieuses d'origine animales sauvage. p210
L'idée de prendre soin de ces vivants implique de prendre soin des habitats qui les hébergent et de tous les êtres vivants, quels qu'ils soient. En appliquant cette règle, alors ces animaux iront bien, et nous ne ferons que nous en porter mieux. Le principe associé est lui aussi très simple : si on prend soin de la santé de notre environnement, on s'offrira les meilleures conditions pour notre propre santé. Cette approche à un nom, One Health, une santé. p222
La nature est une artiste dont l'imagination est sans limites.
Nous imaginer capables de contrer le développement pandémique uniquement par une gestion des effets à l'aval de l'émergence est une utopie qu'il faut abandonner. p221