Alors que la papauté monnaye ses grâces pour affermir sa puissance politique, Amélie de Bourbon-Parme dresse le portrait romanesque et intime d'un homme d'Église au destin éblouissant, qui inspira à Stendhal « La Chartreuse de Parme ».
Quelques mots sur « L'ambition » :
Rome. XVe siècle, au coeur de la Renaissance italienne. Alessandro Farnese, jeune aristocrate provincial promis à une carrière ecclésiastique, met son ambition au service d'une seule religion : sa famille.
Projeté dans les jeux de pouvoir entre Florence et Rome, soutenu par Laurent de Médicis, il compte sur l'influence de sa soeur, la sensuelle Giulia, maîtresse du pape Rodrigo Borgia, pour devenir cardinal. Usant de l'audace, de l'opportunisme et de l'élan amoureux, Alessandro s'impose au sein d'une papauté corrompue et licencieuse sans se compromettre.
Il profite de l'extraordinaire effervescence humaniste, artistique et politique qui règne dans la péninsule italienne pour poser les fondations d'une aventure humaine et familiale qui le conduira au sommet de l'Église et de l'Europe.
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Mes yeux, puisqu'empêchés éternellement
vous êtes de voir ce Soleil qui illuminait
votre cheminement obscur et réconfortait
votre vue, pleurez maintenant pour toujours.
L'allègre printemps en hiver cruel
s'est changé, et le moment que j'espérais
le plus heureux et tant désirais,
m'est plus insupportable : je saisis ce qu'est Amour !
Si m'apparut doux le premier trait,
si suave fut ma première blessure,
et si au premier combat j'eus un grand bonheur,
toute joie maintenant s'est muée en malheur :
par une plaisante voie me voici tombé
en une forêt obscure, où il me faut brûler.
Je suis avec passion ce qui me déplaît le plus ;
pour vivre davantage souvent je désire ma fin ;
pour fuir la mort, la mort j'appelle ;
je cherche le repos là où jamais il n'y eut de paix;
je poursuis ce que je fuis et qui fait ma ruine ;
plus que moi-même j'aime mon ennemi ;
de mets amers je ne cesse d'avoir faim ;
je veux être libre et aime la servitude.
La glace dans le feux, l'ennui dans le plaisir,
dans la mort la vie et dans la paix la guerre
je cherche ; et à fuir ce à quoi je m'attache.
Sur une mer agitée je guide mon navire :
il ne sait aller à terre ni rester sur les flots ;
la peur est chassée par trop d'incertitude.
Abandonne ton île bien-aimée
abandonne ton beau royaume,
déesse de Chypre, et viens vers le ruisseau
qui baigne l'herbe verte et menue.
Viens à l'ombre, à la douce brise
qui fait murmurer les arbustes,
aux douces chansons d'un oiseau amoureux ;
choisis donc pour patrie ce lieu.
Si tu viens parmi ces eaux claires,
que t'accompagne ton cher fils,
car l'on ne connaît pas ici sa force.
Enlève à Diane ses chastes nymphes,
libres elles vont sans aucun péril,
peu sensibles au pouvoir de l'Amour.
Si cruelle fut la première blessure,
si sauvage et violent le premier trait
que, si l'espoir ne nourrissait pas mon coeur,
la mort certes me fût parue douce.
Certes l'âge tendre point ne refuse
de suivre Amour, mais souffre chaque jour davantage ;
volontiers il suit son doux malheur,
puisque son destin lui a fixé ce sort.
Mais toi, Amour, puisque sous ton étendard
tu veux que je sois prêt, fais en sorte
qu'à nul autre je n'enseigne mon mal.
De ton serviteur tu auras miséricorde ;
fait qu'en cette dame altière règne
un feu tel qu'elle éprouve les peines des autres.
Ces beaux yeux aimables, qui à Amour
donnent à leur gré pouvoir et impuissance,
m'ont fait et font tant haïr la paix,
que je la juge de mes tourments le pire.
Bien qu'à la damnation éternelle je pense
et au temps changeant et fugace,
à l'espérance cruelle, vaine et fallacieuse,
je ne perce pas encore cette ruse manifeste.
Mais je vais suivant mon destin fatal
et ne m'arrêterai point, à moins que ma dame ou la mort
ne me fasse changer de chemin.
Les heures de ma vie brèves ou longues
je les lui consacrai, parce que mon pauvre
coeur ne trouve pas ailleurs d'autre réconfort.
Combien est veine toute espérance,
combien trompeurs nos desseins,
combien le monde est gonflé d'ignorance :
la Mort, maîtresse du Monde, le sait bien.
On vit entre les chants, les danses et les joutes,
on poursuit de nobles fins,
on méprise le monde et ses oeuvres,
on dissimule ce que l'on éprouve.
Vaines pensées et divers soucis
qu'en sa diversité procure la Nature
sont aperçus toujours en ce monde d'erreur.
Tout est éphémère et fugace,
tant la Fortune en ce monde est inconstante :
seule demeure et dure toujours la Mort.
Une cruelle pensée parfois m'occupe
et sur les autres prend pouvoir ;
si elle dure, je meurs ; si je la chasse,
une autre fois elle revient plus fort.
Elle me dit que sont faux l'espérance,
l'amour et la foi de ma dame ;
elle me narre les pensées que j'eus avant
qu'Amour en elle mît tout mon bonheur.
Y songeant, pour mon réconfort la mort
j'appelle ; miséricordieuse elle m'écouterait alors ;
mais Amour, qui sait que je me plains à tort ;
me montre ces beaux yeux ; face à eux
fuit toute pensée sombre, toute douleur,
comme les ténèbres devant l'aurore.
Heureuse campagne, où séjourne celle
qui dans ses mains tient mon coeur,
en sorte qu'à son gré j'éprouve joie et douleur,
et meurs et vis mille fois en une heure.
Tantôt elle me tourmente, tantôt me réconforte,
tantôt triste est mon âme, tantôt joyeuse ;
ainsi tient-elle mon coeur anxieux
dans l'allégresse et dans les pleurs, entre vie et mort.
Plus que toute campagne tu es heureuse,
car tu vois chaque jour se lever deux soleils,
dont l'un est si clair que l'autre l'envie.
J'ai vu quant à moi six lunes revenir
sans apercevoir la lumière qui m'apaise,
mais je suivrai mon Soleil, comme fait le phénix.
Comme la lampe à l'heure matinale,
lorsque manque la substance qui entretient le feu,
paraît éteinte, puis se rallume, et que s'élève
sa flamme, puis elle va vers sa fin ;
de même, en mon esprit vague et incertain,
lorsque manque la substance de mon espoir ancien,
si une flamme plus ardente se maintient,
c'est que de mon malheur approche la fin.
Je ne crains donc plus ton nouvel assaut
et le brasier ardent plus ne m'épouvante,
venu que je suis à la fin des désirs et des dédains.
Ma belle Méduse plus ne me transforme
en marbre, ni Sirène ne m'endort,
car à son amour véritable le ciel me conduit.
De la vie je fuirais la douce lumière
pour cette vie qu'on nomme la mort,
mais la mort aujourd'hui est si gente et belle,
que - je crois - les dieux voudront mourir.
Gente est la mort, car elle est venue à celle
qui or est au ciel l'étoile la plus brillante ;
moi, qui ne veux de douceur dès lors qu'elle
est morte, je vivrai des années cruelles.
Toujours pleureront mes yeux, et mon triste coeur
soupirera au coucher de son beau soleil,
de lui privés, et de tout son espoir mon coeur.
Avec moi pleureront doucement Amour,
les Grâces et les soeurs du Parnasse :
et qui ne pleurerait avec elles ?