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Critiques de Lenka Hornakova-Civade (102)
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Un regard bleu

Lenka Hornakova-Civade raconte en post-face comment elle a été happée par un tableau exposé à la galerie des Offices à Florence, le portrait d'un vieillard assis et son regard profond et lumineux empli d'une humanité généreuse. Un tableau sans titre, ni signature, peint dans les années 1660, attribué depuis peu au grand Rembrandt. Il est communément admis qu'il serait le portrait de Comenius, philosophe humaniste et pédagogue morave, ancré dans la conscience collective tchèque ( dans chaque commune, au moins une école porte son nom ). Leur rencontre est hautement probable, Comenius vivant à partir de 1656 à Amsterdam dans le même quartier que le peintre.



L'auteure a rêvé une merveilleuse conversation entre ces deux grands hommes. Elle nous fait pénétrer dans l'atelier de Rembrandt et imagine ce qu'ils se disaient lors des longues séances de pose qu'exigeait le maître hollandais. De sa plume ciselée, elle décrit des face-à-face passionnés, intimes et inattendus, presque un combat entre l'ombrageux et colérique Rembrandt plein de l'orgueil du démiurge et le doux utopiste Comenius dont le mystère résiste à la perspicacité du peintre qui semble s'épuiser à lire dans le regard bleu transparent de son insaisissable modèle.



Pourtant, on comprend bien ce qui les unit, animés de la même soif : tracer un chemin vers la vérité et l'universel afin de trouver l'humain. Rembrandt empruntera la voie artistique dans son extensionnalité quand Comenius se fera chantre acharné de la paix, possible selon lui par une éducation commune à tous les Européens, hommes et femmes, optimiste persuadé que l'homme est perfectible à mesure qu'il progresse dans la connaissance. Dans une alternance de points de vue qui glisse de l'un à l'autre, les deux hommes finissent par baisser la garde et se dévoilent plus intimement, leurs doutes en tant qu'homme et père, leurs méditations sur la mort, le deuil et l'immortalité, presque un bilan de vie pour deux hommes à l'âge déjà fort avancé.



Le XVIIème siècle est une période passionnante que Lenka Hornakova-Civade explore avec intelligence à travers la rencontre Rembrandt-Comenius. La modernité est en marche sans que ce soit pour autant le siècle des Lumières. L'homme s'émancipe mais les contours de l'Europe reste incertain avec les derniers soubresauts des guerres de religion. Les traités de Westphalie de 1648 ont enfin instauré la paix mais l'Allemagne est émiettée en principautés catholiques et protestantes, l'Europe centrale est la grande perdante dominée par les Habsbourg. Comenius incarne la figure du migrant, lui le tchèque protestant chassé de son pays par la noblesse catholique triomphante, exilé tour à tour en Pologne, Angleterre, Suède, Hongrie puis Pays-Bas.



Au-delà de toutes ces qualités, ce que j'ai le plus apprécié dans ce roman, ce sont les magnifiques passages sur la peinture. L'auteure y déploie une large palette de mots plein de sensibilité pour laisser voir le peintre au travail avec son modèle.



« Je vais le redresser mon modèle, poser ses coudes sur les accoudoirs, joindre ses mains, travailler son regard. Et sa barbe. La barbe est aux hommes ce que la coiffure est aux femmes. La sienne esr blanche, trop blanche pour être vraie. Je vais l'arranger un peu, lui donner plus de panache, du mouvement. Il faudra que je lui dise un jour quel soin je prends de lui. Au bout de quelques minutes, ma main oeuvre au rythme de sa respiration, même si je ne perds pas de vue mes précédents dessins et tout mon travail préparatoire. Je fais son portrait, pas le mien.

Je pourrais le peindre jeune.

Oui, je pourrais le rajeunir, au moins de quelques années ou de quelques voyages, ou de quelques morts dont il ne veut pas me parler que je sens présents. Rien que cette barbe avec ses reflets de terre de Sienne, puis ce dos qui devient plus droit ... Assez de vieux et de vieilleries aujourd'hui. Le médecin n'a pas fait preuve de la même délicatesse que moi. Il est plus cruel que le peintre. Il n'a pas modifié, arrangé la réalité, ma réalité. Sa sincérité était trop évidente, je me suis vu tel que je suis, approchant de la mort. Il parait que je dois remercier Dieu d'être arrivé à mon âge, avec mon caractère et ma singulière manière de vivre ? Tiens, Comenius est plus courbé que moi, voilà qui me rassure. En le redressant, je me redresse. »



Et c'est un grand plaisir de lire tout en admirant les toiles évoqués : le portrait de Comenius évidemment, mais également les portraits de Saskia la première épouse de Rembrandt, ceux des riches négociants Margaretha de Geer et Jacop Trip ou encore de Siméon dans le temple.
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Un regard bleu

A Amsterdam en 1656, alors que, fulminant, Rembrandt assiste à la saisie de ses biens par ses créanciers, il croise un obsédant regard bleu dans la foule venue assister à sa déconfiture. Contre toute attente, ce premier contact avec le philosophe et pédagogue tchèque Comenius, contraint à l’exil par la Guerre de Trente Ans, initie une relation amicale entre les deux hommes, qui, au fil de leurs discussions dans l’atelier où Rembrandt s’évertuera à capturer sur sa toile le regard qui l’a tant troublé, en viendront insensiblement à s’apprécier chaque fois un peu plus.





C’est en tombant à la Galerie des Offices à Florence sur une toile, sans titre ni signature, mais récemment authentifiée comme un portrait de Jan Amos Komensky, dit Comenius, par Rembrandt, que Lenka Hornakova-Civade a eu l’idée de ce roman. Ce tableau suggérant que les deux hommes se sont sans doute côtoyés à Amsterdam, elle a imaginé leur dialogue, dans une confrontation de leurs visions du monde, l’un peintre majeur de notre histoire, l’autre penseur ancré dans la mémoire collective tchèque.





Peu connu en France, ce dernier s’avère d’une modernité étonnante – en particulier au regard de l’actualité récente -, lorsqu’en véritable visionnaire dans l’Europe à feu et à sang du XVIIe siècle, il propose, seul contre tous, un programme digne de l’UNESCO : éducation pour tous grâce un système scolaire international, coordination politique européenne pour le maintien de la paix entre nations, réconciliation des Eglises au sein d’un christianisme tolérant. Belle utopie à une époque qui en était encore, notamment, à juger pernicieuse l’éducation des filles, aux capacités intellectuelles d’ailleurs communément admises inférieures à celles des garçons, et où chaque souverain tentait d’imposer sa religion dans une Europe déchirée par des guerres incessantes entre catholiques et protestants.





De ces deux géants investis d’un génie en nette rupture avec leur temps, Lenka Hornakova-Civade réussit à nous faire toucher du doigt les extraordinaires personnalités, dans une mise en scène qui, pour être imaginaire, se nourrit avec naturel d’une solide documentation et nous fait découvrir, de manière passionnante, aussi bien les réflexions philosophiques de l’un, que l’infinie exigence artistique de l’autre. Sur ce dernier plan, elle a l’avantage de sa propre expérience de peintre, qui, de manière évidente, contribue à nous rendre palpable le travail de l’artiste, du capharnaüm tout en odeurs et jeux de lumière de son atelier, jusqu’à ses humeurs et le plus précis de ses gestes. Au fil des pages, c’est comme si le lecteur pénétrait l’intimité de la demeure du peintre, en même temps qu’il se sent transporté dans l’un de ces tableaux représentant la florissante Amsterdam du XVIIe siècle, alors entrepôt du monde au carrefour de toutes les routes commerciales, mais aussi creuset culturel et artistique à son apogée.





Alors, si, comme Ernst van de Wetering, l’historien d’art néerlandais qui certifia comme un Rembrandt ce fameux tableau resté sans nom ni signature, vous vous demandez avec curiosité ce que deux génies aussi atypiques que Rembrandt et Comenius ont bien pu se dire pendant les séances de peinture qui les tenaient assis l'un en face de l'autre, il ne vous reste plus qu’à entreprendre cet immersif voyage dans le temps que nous offre ce roman, à tous égards recommandable.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Un regard bleu

"Omnia sponte fluant, absit violentia rebus"



"Que tout s'écoule spontanément, qu'il n'y ait aucune violence en quoi que ce soit" était la devise de Jan Amos Komenský, dit Comenius. Tout comme le peintre Rembrandt van Rijn, ce fut un esprit exceptionnel qui a dépassé son époque, et l'idée que ces deux hommes auraient pu se connaître est séduisante. Voire assez probable.



Le célèbre peintre - esprit rebelle dans la ville la plus libre du 17ème siècle - est maintenant officiellement considéré comme l'auteur de la toile anonyme de la galerie des Offices, qui représente un vieillard charismatique... Homère, le poète aveugle, créateur d'Ulysse.

Bien des indices laissent supposer que son modèle fut l'humaniste, philosophe, écrivain, réformateur et pédagogue appelé "enseignant des nations", Comenius.

Cette toile jamais achevée, qui demandait sûrement de longues séances de pose, aurait eu une importance toute particulière pour Rembrandt, qui traversait alors des temps difficiles.

Selon des sources historiques, Comenius habitait le quartier de Westenmarkt à Amsterdam dans le proche voisinage de Rembrandt, et les deux hommes fréquentaient la riche famille de Geer, dont les membres étaient souvent peints par le second. C'était avant tout Marguerite de Geer qui finançait les travaux de Comenius, l'invitait dans la maison familiale, et discutait avec lui en compagnie des notables d'Amsterdam.



Lenka Horňáková-Civade n'a pas résisté à la tentation d'imaginer la rencontre des deux génies qui avaient beaucoup en commun, même si tout les opposait au premier regard. Rembrandt le peintre orgueilleux, bon vivant, tout feu tout flamme, qui n'a jamais quitté Amsterdam, qui vivait ici et maintenant, et qui n'avait que faire de spéculations philosophiques et des utopies sur un monde meilleur... et Comenius, force tranquille, éternel exilé qui a dû renoncer à tout, sauf à sa foi en Dieu et en un monde meilleur. Un artiste en blouse couverte de peinture, qui transcende le monde ordinaire sur la toile à sa façon et selon sa conscience, et un philosophe-théologien en sombre habit des Frères Moraves, qui recourt au papier et à la plume pour faire, après tout, la même chose.

A quoi aurait pu ressembler leur relation ? de quels sujets auraient-ils pu discuter ?



On a ici un double portrait original, qui reflète les lieux et l'époque appelée "l'âge d'or d'Amsterdam". La Hollande, puissance pragmatique basée sur le commerce, régnait alors sur les mers et sur un bon bout de monde, et sa tolérance en matière d'opinions était réputée.

Le livre commence par la scène de saisie des biens de Rembrandt par ses créanciers, dont Comenius devient par hasard le témoin. Un regard bleu dans la foule... On est en 1656, la guerre de Trente Ans est sur le point de se finir, mais pour la Bohême c'est le début d'une longue période noire. La signature des traités de Westphalie a mis fin à tous les espoirs des protestants de revenir un jour de l'exil, et Comenius est contraint de passer le reste de ses jours en Hollande.



Ne vous attendez surtout pas à une double biographie détaillée. Certes, lors des séances de peinture, les deux hommes se racontent mutuellement leur vie et leurs peines privées ; on parle aussi de la peinture. Mais le but de ces entretiens imaginaires est avant tout de pénétrer leur pensée. Leurs opinions sur le monde, sur la vie, sur Dieu. Sur les grandes oeuvres qui mènent à l'immortalité. Sur l'exil, l'identité, l'Europe :

"Ulysse sillonna le monde connu de son temps sans avoir la moindre notion de l'Europe. Pour lui, l'Europe, c'est une belle jeune fille venue d'Asie sur un taureau blanc, Zeus lui-même. En accomplissant son retour mythique, Ulysse pose la première pierre de l'Europe. Tu as raison, Rembrandt, nous prenons racines dans les mythes que nous connaissons tous. J'ai compris, lors de mes voyages, qu'Europe est réelle. Europe n'est pas un mythe, dans sa diversité elle existe", dit le Comenius du roman. En précisant que pour un avenir meilleur, il faut commencer par une éducation de bonne qualité, accessible à tous, et dès la petite enfance.

Le lecteur comprendra donc rapidement que le modèle du portrait prend l'avantage sur le portraitiste, malgré l'espace relativement équilibré donné aux deux personnages.

Ce n'est certainement pas par hasard que le livre est sorti en 2022, quand la République Tchèque se rappelait l'héritage de Comenius à l'occasion du 430ème anniversaire de sa naissance, et il représente aussi, à sa façon, une réaction à la multiple crise européenne.

Je n'ai vraiment découvert Comenius qu'en ouvrant par curiosité "Le labyrinthe du monde et le paradis du coeur", son titre le plus notoire, que peu de gens ont lu vraiment. Outre le tchèque baroque absolument splendide, j'ai trouvé aussi un esprit qui, depuis, n'arrête pas de m'étonner. Ses manuels scolaires illustrés pourraient servir encore aujourd'hui. Ses propositions de réformes pour le bon fonctionnement de la société sont simples, claires et pertinentes (pourquoi chercher encore, puisque tout est déjà parfaitement détaillé dans "De rerum humanarum emendatione", 1662 ?), et je suis d'accord avec le "comeniologue" professeur Floss que si la mordante satire du "Labyrinthe" était poussée encore d'un cran au-dessus, la Bohême aurait pu avoir son propre Rabelais. Mais Rabelais n'était pas contraint à l'exil permanent, et les aspirations de Comenius étaient différentes.

Les puissants du 17ème siècle s'arrachaient le pédagogue réformateur, et ce sont les Lumières qui l'ont ensuite relégué à l'obscurité. Jugé trop "mystique" (ce qu'il fut incontestablement aussi, avec ses penchants rosicruciens, sa foi dans le prédicateur illuminé Mikuláš Drabík, et ses ouvrages ésotérisants comme "Via Lucis" - vous ne trouverez d'ailleurs pas ces choses dans le roman !), il n'a pas trouvé sa place dans l'Encyclopédie, et ses idées clairvoyantes sont tombées dans l'oubli. Je pourrais longuement continuer sur son sujet... je pourrais mentionner par exemple l'anecdote où le jeune Comenius se ruine à Heidelberg pour acheter un manuscrit des calculs de Copernic - sans être d'accord avec le livre, il sentait qu'il devait être d'une importance majeure - et sans un sou, il rentre ensuite en Bohême à pied, le précieux ouvrage "hérétique" dans son sac. L'histoire de l'incendie de Leszno en Pologne, où il a perdu en quelques secondes le dictionnaire de la langue tchèque, fruit de trente ans de travail, ou encore sa rencontre mitigée avec Descartes.

Mais je vais m'arrêter là, en vous recommandant le livre.

La seule chose que je pourrais lui reprocher, c'est son style parfois trop didactique. Autant que Rembrandt s'y incarne en chair et en os, autant ce Comenius littéraire manque quelque peu d'humour et de mordant que l'on trouve dans ses propres textes. Mais c'est une agréable lecture, sage et pleine d'intérêt.

Le siècle des Lumières nous a appris à avancer vite, en regardant droit devant. Il ne serait peut-être pas inutile de s'arrêter, parfois, faire une pause, et lever le regard de la terre vers le haut. Même Rembrandt le savait bien, tout en affirmant le contraire...

4/5... et continuons à lire, à observer et à apprendre !

“Les riches sans sagesse sont-ils autre chose que porcs engraissés par le son ? Les pauvres qui ne comprennent rien, que sont-ils, sinon des ânes malheureux condamnés à porter la charge ?”



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Giboulées de soleil

«  On est des bâtardes de mère en fille, comme certains sont boulangers ou rois . »



«  Dans ma tête je chante ,presque joyeuse, que je ne suis pas pauvre, que je ne suis pas une pauvre fille, que je suis Libre, Libre, .



« Il n'y a que la Liberté qui compte . »



Deux extraits significatifs de ce roman remarquable!

Trois portraits émouvants , au sein de cet écrit polyphonique porté par une histoire d'enfants illégitimes dans une société façonnée uniquement par / et pour les hommes, mères, grands- mères et petites filles pétries d'amour et de non - dits , qui, des années 30 à l'aube des années 80 traverseront l'histoire de la Tchécoslovaquie, un demi - siècle de la grande Histoire...l'annexion nazie, la montée du communisme et la fin de l'hégémonie soviétique pour Eva...



Ces quatre femmes , reliées par le fil de cette broderie qu'elles pratiquent avec un art consommé ne baisseront pas la tête, courageuses et fières.



Cette lignée de femmes , passionnées et férues d'indépendance, ne s'en laisseront pas compter, assumeront leur handicap avec dignité, feront de lui une Force ...

Marie, bienveillante et généreuse, Magdalena fraîche et fougueuse , robuste, Libuse et Eva résisteront au regard des autres, affronteront leur statut de Bâtarde.



Face aux regards curieux et accusateurs , inventeront leur destin âpre, avec modestie et ingéniosité, s'adapteront au changement , garderont « la tête Haute. »

Cette fresque familiale , une saga, au style enlevé, fluide et poétique , au ton juste et clair est un récit lumineux , à l'équilibre presque parfait ente « La Grande histoire », dans un pays bousculé de toutes parts, personnelle et individuelle , universelle ,...

Je remercie quelques ami(e)s qui se reconnaîtront de m'avoir fait acheter ce livre même si j'ai tardé ...

«  Que de vies basées sur le mensonge et les non- dits.

Et tout ça drapé dans les beaux discours des adultes et des politiques , sur la vérité . ... »
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Giboulées de soleil

Giboulées de soleil, j'ai lu ce livre à l'occasion de la sélection du prix Cezam 2017.

Je m'en suis rappelé à l'occasion d'un voyage à Prague effectué en mai 2018. Au cours de ce voyage de quelques jours j'ai appris le décès de ma mère. Elle était très âgée, malade. Le voyage a donc été écourté. Sur le vol du retour je pensais à plein de choses qui se bousculait, plus tard je ne sais pas pourquoi, le récit de ce livre m'est revenu comme une lueur, comme un lien. L'image de ma mère, très féministe jusqu'à ses quatre-vingt-douze ans, était présente, elle qui avait connu la seconde guerre mondiale, côtoyé de près des résistants, portée l'enfant, - ma sœur aînée -, de l'un d'eux fusillé à l'âge de vingt ans en avril quarante-quatre, trois jours avant la naissance de ma sœur... Je me suis dit que ce roman était très beau, lui ressemblait, en tous cas, il y avait un lien invisible, un je-ne-sais-quoi, quelque chose que je lui dédie aujourd'hui... Puisse-t-elle m'entendre ou lire ceci, puisque cette histoire lui ressemble un peu...

Giboulées de soleil est le premier roman de Lenka Hornakova-Civade. C'est l'histoire d'une lignée de femmes bâtardes en Tchécoslovaquie de 1930 à 1980.

Elles s'appellent Magdalena, Libuse et Eva et partagent le même destin : de mère en fille elles grandissent sans père. C'est donc une saga.

Les sagas en général, je n'aime pas trop, surtout lorsqu'il y a beaucoup de personnages. Or ici le récit se comprend facilement, les personnages peu nombreux sont magnifiques.

Puis vient l'écriture, belle, aussi belle que les personnages, qui donne la parole à ces trois femmes.

Ce roman parle de la mémoire, des souvenirs, du poids des secrets, des non-dits. Ce roman qui se situe en Tchécoslovaquie, pourrait se situer autant ailleurs, mais il y aussi le poids de l'histoire, le nazisme, le communisme, des engagements, quelque chose de militant que j'ai aimé dans la trajectoire de ces femmes.

J'ai trouvé l'écriture très belle. le ton est très juste. Ce livre a été pour moi un moment merveilleux.

Contrairement à ce que j'ai lu ici ou là, ce livre n'est pas uniquement dédié aux femmes. Pourquoi d'ailleurs le serait-il ? Ce livre parle tellement d'amour...
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Giboulées de soleil

« Giboulées de soleil » donne la parole à trois femmes d’une même lignée, trois femmes tchèques, Magdalena, Liba et Eva qui donneront naissance à leur premier enfant hors mariage, une famille de bâtardes.

«On est des bâtardes de mère en fille, comme certains sont boulangers ou roi. »

Avant elle, Marie, elle-même fille-mère et qui, comme un pied de nez, est devenue sage-femme dans la campagne de Moravie où elle s’est exilée.

Il faut se souvenir qu’au début du XXème, un enfant sans père reste un bâtard même si ce père a souvent lâchement fui, et le mépris, voire la haine, ébranle leur enfance comme leur vie adulte, la ligne du père sur les papiers d’identité restera vide à jamais.

Mais ces quatre femmes de caractère reliées par le fil de la broderie qu’elles pratiquent avec art conservent la tête haute, fières, courageuses, elles affrontent le regard des autres, se construisent avec cette différence. Leurs vies s’entremêlent, Elles deviennent expertes en adaptation, goûtent chaque petit éclat de bonheur, rai de soleil au cœur de la giboulée :

« Les moments de grâce sont de cette nature, furtifs, insaisissables. »

Leurs existences sont aussi inscrites dans l’Histoire de leur pays, la proximité attirante de l’Autriche, le nazisme, la montée du communisme et l’arrivée des soldats russes installant l’autorité soviétique.

Lenka Hornakova-Civade trouve le ton juste et l’équilibre parfait entre l’histoire personnelle, individuelle et la grande Histoire qui est évoquée et rappelée subrepticement, sans lourdeur. « Giboulées de soleil » est un superbe premier roman qui fourmille d’idées lumineuses malgré l’âpreté des destins, trois portraits émouvants de femmes dignes et passionnées qui passeront leur existence à tenter d’inventer leurs vies et à se battre face aux regards accusateurs.



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Une verrière sous le ciel

Une verrière sous le ciel, est-ce la verrière de la gare de l'Est , est-ce la verrière de l'atelier d'Albert, est-ce tout simplement là où Ana se devait d'être, elle qui a refusé de rentrer à Prague, qui sur le quai a dit Non et non je ne monterai pas dans le train qui devait la ramener à Prague derrière le rideau de fer..Dire Non quelle prouesse , dire Non le jour de ses 18 ans il fallait oser et Ana l'a fait.

Guidée par l'écriture lumineuse de Lenka Hornakova-Civade j'ai suivi Ana avec elle je me suis retrouvée, après avoir beaucoup marché, à arpenter les allées du Père-Lachaise, j'y ai rencontré Grofka, moitié fée-moitié sorcière mais qu'importe je l'ai suivie et ma route s'est trouvée tracée. Bernard, Jacob et Yacoub, le Russe, Albert et Etienne ..

Une rencontre de pur hasard qui me laisse ravie. Une écriture de toute beauté sert un texte où les mots claquent et font mouche. Une auteure à découvrir si ce n'est déjà fait.





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Giboulées de soleil



Premier roman superbe et inspiré ! L'auteure , d'origine tchèque, vit en France depuis un certain temps.



Nous suivons plusieurs générations de femmes tchèques, depuis l'après deuxième guerre mondiale, en 1946 , jusqu'aux années 1980. Leur particularité ? Nées de père inconnu...ou plutôt non reconnues .



Depuis Marie, la mère de Magdalena jusqu'à sa fille Libūse et la petite dernière, Eva, elles vont connaître un destin difficile, rythmé par les soubresauts de l'histoire tchèque, entre départ des allemands et l'occupation russe, l'instauration du régime communiste. Un destin féminin rude et passionnant, dans la campagne où elles seront montrées du doigt en tant que bâtardes .



Passionnées, fières, indépendantes dans ce monde peu fait pour les femmes seules, elles vont cependant réussir à survivre, et même à s'imposer.



Ce ne sera pas sans douleurs, angoisses, et non-dits empoisonnants, prêts à exploser.



Dans un style enlevé, fiévreux, poétique très souvent, l'auteure nous emporte dans une saga familiale prenante, entrecroisant vies féminines particulières et Histoire tourmentée d'un pays. Depuis que je suis allée à Prague, ville au charme fou, je suis friande de lire les auteurs de ce pays. Et ce livre a comblé mes attentes. Je le recommande!
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La symphonie du Nouveau Monde

« La Symphonie du Nouveau Monde » est un roman singulier.

Singulier par son ton et par le biais qu’il prend pour aborder la période de la 2e guerre mondiale.

J’ai beaucoup aimé ce roman à la construction non linéaire, qui entrecroise deux destins, en nous faisant passer d’une époque à une autre, de 1938 à 2002, sans jamais nous perdre.

Les deux personnages principaux de ce roman ont un statut social bien différent.

Ils vont vivre en France, en mode résistance et survie.



Lenka Hornakova-Civade convoque la mémoire d’un diplomate tchécoslovaque, Vladimir Vochoc, qui a réellement existé, et qui a parfois été comparé à Oskar Schindler (se rappeler du célèbre film - La liste de Schindler-).

L’histoire de Vladimir Vochoc était totalement tombée dans l’oubli, jusqu’à ce qu’en 2016, il reçoive à titre posthume le titre de « Juste parmi les nations ».

Il est mort à Prague en 1985 à l’âge de 91 ans, dans la pauvreté la plus totale.

Ancien consul tchécoslovaque en poste à Marseille entre mai 1938 et mars 1941, il a délivré des centaines de passeports tchécoslovaques à des réfugiés juifs leur permettant de rejoindre les Etats-Unis, et ainsi de fuir le régime de Vichy et la menace allemande.

Il avait une haute idée de sa mission, et se sentait obligé d’agir.

Il n’avait pas peur d’enfreindre les règles, quitte à être plus tard accusé de trahison !

Il faut dire qu’il a joué son rôle de consul dans des circonstances quelque peu floues, puisque de fait, la Tchécoslovaquie avait cessé d’exister : la région des Sudètes ayant été annexée par le Reich qui occupait le reste d’un pays alors dénommé Protectorat de Bohème et Moravie.

Vladimir Vochoc a fait preuve de beaucoup de loyauté pour son pays, la Tchécoslovaquie.

Il était habité par la conviction de se battre pour sa patrie.

Il a fait figure de héros dans cette période historique bien difficile et dangereuse.

Avec ce roman, Lenka Hornakova-Civade rend un bel hommage à cet être d’exception.

Et on ne peut qu’être en admiration devant cet « homme ordinaire qui avait sa part d’extraordinaire » !



L’autre personnage, en quête de nouveau monde, c’est Bojena, une jeune pragoise, ancienne vendeuse de tissus dans un grand magasin, en route pour l’Amérique avec son mari, vendeur de bicyclettes, bloquée sur le point d’accoucher à Strasbourg.

Mais l’Amérique est loin, et les accords de Munich en septembre 1938, qui livrent la Tchécoslovaquie à Hitler, scellent le sort de la paix en Europe.



L’histoire est vue à travers les yeux d’une poupée de chiffon qui appartient à Josefa, la fille que Bojena a volée, bébé, à une émigrante juive morte en couche, et qu’elle a élevée comme son propre enfant. Cette poupée avec

« une étoile à la place du cœur » porte le secret des origines et la mémoire d’une épopée qui ira jusqu’à Vence et au maquis de la Creuse.



Les destins de Vladimir Vochoc et de Bojena, confrontés à cette époque troublée, vont se croiser.

Ils illustrent chacun à leur manière la quête d’un Nouveau Monde, qui est le thème de la symphonie d’Anton Dvorak, qui donne son titre à ce roman.

Bojena, qui a envie de partir dans le nouveau monde, espère réaliser ses rêves, peut-être fous, peut-être provoqués par cette symphonie dont elle a entendu la musique et qui donne des ailes !

Mais ce Nouveau Monde, n’est-il pas simplement le lieu où trouver refuge ?



Lenka Hornakova-Civade arrime sa fiction à l’histoire secouée du pays où elle est née, liée depuis longtemps à celle de son pays d’adoption, la France. Le français, cette « langue de culture », comme la défendra Josefa, devenue grand-mère, est la langue d’écriture de l’auteure.



De courts chapitres se succèdent.

La narration est très dialoguée, l’écriture est dynamique, et les dialogues sont savoureux.

Les deux personnages principaux sont très attachants.

Comment ne pas les aimer, ces personnages malmenés par la guerre, ballotés par l’exil, mais qui résistent et gardent l’espoir envers et contre tout !

Et quelle belle idée de la part de l’auteure de faire raconter le parcours de ces deux personnages principaux par la poupée de chiffon de la fille adoptive de Bojena ! C’est assurément un beau parti pris narratif ! Cela apporte au récit une jolie touche de poésie, de la tendresse, et beaucoup d’émotion.



« La Symphonie du Nouveau Monde » est un très beau roman tout en sensibilité, sur la nostalgie du pays perdu, sur l’exil, sur la transmission, et le désir de liberté.

Un beau moment de lecture, un livre intéressant qui captive, et qui est l’occasion d’en savoir plus sur l’histoire mouvementée de la Tchécoslovaquie.



Vladimir Vochoc, en collaboration avec Varian Fry, un journaliste américain âgé de 32 ans en 1940, réussira à délivrer des passeports et à permettre la fuite à plus de 2 500 personnes parmi lesquelles de nombreux intellectuels tels que Alma Mahler, Franz Werfel, Hannah Arendt, André Breton, Leonhard Frank, … pour ne citer qu’eux.



« Quiconque sauve une vie, sauve l’univers tout entier ».

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La symphonie du Nouveau Monde

Déjà le troisième roman de Lenka Hornakova-Civade, dont j'ai découvert la plume aux tous débuts de l'aventure des 68 premières fois. Son premier livre, Giboulées de soleil avait enthousiasmé les participants, moi la première. Puis ce fut Une verrière sous le ciel, ambitieux, révélant le regard d'une artiste mêlant avec talent ses deux passions, la peinture et la littérature. A chaque fois, des voix fortes et surtout un thème central, la quête de la liberté, révélant de bouleversants parcours de femmes. Avec ce nouveau roman, il est encore question de liberté mais cette fois, c'est une figure masculine qui domine. Un personnage bien réel, ancien consul de Tchécoslovaquie à Marseille pendant la dernière guerre mondiale, que l'auteure fait ici revivre et que j'ai adoré rencontrer.



Il y en a eu tant, des individus comme lui qui ont œuvré à leur niveau, sans bruit, simplement parce qu'ils avaient un idéal de liberté chevillé au corps, une certaine façon de concevoir leur devoir. Vladimir Vochoc était un fonctionnaire de la toute jeune Tchécoslovaquie (créé en 1918) dont l'encre de la constitution était à peine sèche lorsque, en 1938, il est nommé Consul pour le sud de la France et Monaco, basé à Marseille. A ce moment, son pays fait face à la convoitise du voisin allemand qui se montre de plus en plus pressant, on connait la suite à commencer par les désastreux accords de Munich et l'inertie du reste du monde. Vladimir est au service d'un idéal de liberté et de démocratie auquel son tout jeune pays sert de laboratoire : melting-pot d'origines et de confessions appelées à cohabiter harmonieusement et sans restriction. La guerre et l'occupation nazie dont on connait les thèses viennent rompre cette harmonie, l'après-guerre et la mainmise soviétique n'arrangeront pas les choses...



Lenka Hornakova-Civade nous plonge dans ces années charnières et dramatiques à travers le destin croisé de jeunes tchécoslovaques qui se retrouvent sur le territoire français pour différentes raisons. Parmi eux, Bojena, en route pour l'Amérique avec son mari, en escale à Strasbourg le temps de mettre au monde son enfant. Piégés par l'embrasement mondial, ils se retrouvent à Marseille où Vladimir maintient coûte que coûte l'activité de son consulat afin de fournir des papiers à ceux qui tentent d'échapper aux rafles nazies. Il s'agit de sauver des vies, malgré le cynisme et le désintérêt des hiérarchies de l'administration française après la signature de l'armistice. Secrets, fuites, séparations, emprisonnement, résistance... L'auteure nous emporte dans un tourbillon où le noir côtoie la lumière et où les destins sont irrémédiablement transformés.



Il souffle dans ces pages, toute la détresse d'un pays à l'Histoire déjà très chahutée (cf l'Empire austro-hongrois), le désespoir des idéaux broyés par la convoitise, la barbarie ou l'indifférence. La musique, déjà présente dans ce beau titre, les traverse, par les chants yiddish qui se transmettent de mères en filles et bercent les veillées des fugitifs. L'auteure donne à Vladimir l'élégance des êtres d'exception que l'on ne peut qu'admirer. Et elle trouve, en faisant raconter une bonne partie de l'histoire de Bojena par la poupée de chiffon qui traversera les années aux côtés de son enfant puis de sa petite-fille, un formidable ressort à la fois dramatique et poétique.



J'ai trouvé ce roman superbement émouvant et je souhaite à de nombreux lecteurs de faire un bout de chemin avec Vladimir Vochoc qui trouve ici un bien bel écrin. Merci beaucoup, Lenka, pour ce récit lumineux.
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Un regard bleu

L'inspiration peut naître d'un même regard à des siècles d'écart. Un regard bleu croisé dans les allées d'un musée au 21ème siècle, qui transperce la toile par la volonté et le talent du peintre qui croisa ce même regard au 17ème siècle à Amsterdam. Le peintre s'appelle Rembrandt, le modèle est Comenius un célèbre philosophe et théologien tchèque. Pour Lenka Hornakova-Civade dont l'écriture se nourrit des arts autant que de l'Histoire, cette rencontre ne peut que déboucher sur un roman, sans qu'elle se doute à cet instant combien son texte allait entrer en résonance avec l'actualité.



Le dialogue que l'autrice imagine entre ces deux hommes se déroule sur une quinzaine d'années entre 1656 et 1669 date de la mort du peintre. Amsterdam est alors une ville en plein essor, très cosmopolite et véritable laboratoire d'idées dans de nombreux domaines, sur un continent meurtri par les guerres de religions. C'est d'ailleurs ce qui a chassé Comenius de sa terre natale. La guerre. Le grand projet du philosophe est celui de l'éducation du plus grand nombre qu'il considère comme le meilleur moyen d'éviter les guerres. Et peut-être d'unifier ce vaste territoire derrière une bannière commune. Rembrandt, échaudé et revenu du genre humain ne jure que par l'excellence et rechigne à adhérer à l'aspiration universelle de Comenius. Leur dialogue, passionnant, prend tout son sens autour du projet de livre illustré conçu par Comenius : associer les mots à l'image pour favoriser la reconnaissance et l'apprentissage de tous. L'exigence artistique peut-elle être compatible avec une large diffusion ?



Il sera question du pouvoir de l'art, de celui de l'artiste ou encore de la force des idées. De l'inné et de l'acquis. En toile de fond, les prémisses d'une volonté d'Europe, de faire cesser les guerres déclenchées au moindre prétexte. Une utopie en quelque sorte, qu'il faudra plus de trois siècles pour voir enfin aboutir même si l'on se dit aujourd'hui que les protections paraissent bien faibles face aux humeurs belligérantes. "La guerre est facile. Radicale et tranchante. La paix est difficile à établir, fastidieuse à cultiver et épuisante à maintenir" constate Comenius, l'exilé meurtri, plus décidé que jamais à miser sur l'éducation des masses. Mais le savoir est un pouvoir, et qui veut partager le pouvoir ?



Avec ce quatrième roman, Lenka Hornacova-Civade poursuit son exploration de l'Histoire tchèque à travers son appartenance à l'Europe. Sa plume est irriguée par son regard d'artiste qui saisit avec acuité le geste du peintre, sa palette, son œil et les restitue avec la finesse de celle qui manie le pinceau autant que le stylo. Pierre après pierre c'est une œuvre cohérente et passionnante qu'elle construit. Rencontrer Vladimir Vochoc dans La symphonie du Nouveau monde fut un honneur, être invitée à la table de ces deux grands hommes en est un autre. Des rencontres qui éclairent, enseignent. Et, je l'espère, inspirent.
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La symphonie du Nouveau Monde

Alors que je peste régulièrement sur des titres qui tombent à côté ou n'ont aucun rapport avec le contenu du roman, celui-ci est vraiment bien choisi.

Pour les novices en musique classique, c'est le titre d'une symphonie de Anton Dvorak qui a pour thème la conquête de l'Amérique au début du XXème siècle.

Et ce thème se retrouve dans ce roman, où l'on suit la destinée de deux tchèques, en quête de nouveau monde chacun à leur façon et qui vont se croiser dans les tourments de la seconde guerre mondiale.



D'un côté nous avons un consul fraîchement nommé à Marseille, qui s'accroche à ses tampons et ses formulaires, pour faire vivre le consulat d'un pays qui n'existe plus, car annexé par les allemands. Pourquoi cet acharnement administratif me direz-vous ? Eh bien c'est tout simplement une forme de résistance. Car pendant que d'autres se battent avec des armes, lui il offre des visas, des passeports à tous les tchèques, juifs, et plus si affinité, afin de leur permettre de partir et de rejoindre éventuellement l'Amérique. On n'avait pas autant aimé l'administration tchèque depuis le Procès de Kafka. C'est d'autant plus original et intéressant que le personnage a réellement existé.



Et de l'autre côté, nous avons Bojena, jeune mère tchèque, en transit en France sur la route de l'Amérique. Cette partie de l'histoire est racontée de manière originale : c'est la poupée de la petite fille qui en est narratrice. Petit regret que ce principe narratif n'ait pas été un peu plus exploité. Il reste un gout de reviens-y.



Outre l'intrigue que je vous laisse le soin de découvrir, ce roman est joliment écrit, avec ce supplément d'âme slave. Les personnages sont comme des roseaux qui ploient sans jamais casser. Ce sont des marcheurs inlassables ; leur façon de se battre contre l'adversité n'est pas un sprint mais une course de fond. Petite page de vocabulaire :en tchèque marcheur se dit "chodek".

Et il se dégage de ces vies un peu du spleen tchèque : la litost, définie par Kundera dans le livre du rire et de l'oubli comme "un état tourmentant né du spectacle de notre propre misère soudainement découverte."

C'est beau. Et même si l'action se déroule principalement en France, on a l'impression d'être à Prague. Comme si les silhouettes du Pont Charles se reflétaient dans la Méditerranée.



Alors, faut-il le lire ? Oui. Et écoutez la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak et partez en week-end à Prague. Je précise que je ne suis pas payée par l'Office du tourisme et de la culture Tchèque...



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Giboulées de soleil

Quatre générations de femmes tchèques, pour une famille à la particularité rédhibitoire, qui les poursuivra sans cesse, d'être sans pères officiels de mères en filles : voici Marie, Magdalena, Libuse et Eva.



A travers elles, et leurs destins, certes individuels mais dramatiquement semblables, nous pénétrons de plain-pied, sans fard, dans la Tchécoslovaquie des années 1930 à 1980, des conséquences de la Seconde Guerre Mondiale à la chute du Mur, en passant par le communisme soviétique post-guerre. Nous ressentons pleinement la dureté de leur condition, la force implacable dont elles font preuve pour la dépasser, et ainsi vivre, plus que simplement survivre, dans un monde qui a bien du mal à les accepter, même les années avançant.



Un roman lumineux malgré la noirceur des temps évoqués, et pour la Tchécoslovaquie, et plus encore pour la condition des femmes tchèques, surtout quand elles sont en dehors des attendus sociétaux. Une belle lecture que je n’oublierai pas de sitôt.
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Giboulées de soleil

A travers les trois portraits de femmes qui forment l'ossature de ce très joli premier roman s'écrit l'histoire de l'ex Tchécoslovaquie, au sortir de la seconde guerre mondiale. Magdalena, Libuse et Eva sont à la fois les héritières d'une histoire familiale et les témoins des profonds changements politiques et sociétaux du siècle dernier, qui ont influencé leurs vies. De mère en fille, elles assument l'absence de père, dans des circonstances certes différentes et subissent souvent pour le pire, le mépris voire la violence d'un beau-père qui préférerait ne pas avoir à assumer cette entorse à sa lignée. Pourtant, à chaque étape, de façon subtile, ces femmes progressent, belles et fières dans leurs choix, prêtes à tout pour survivre et donner une meilleure chance à la suivante, quitte à sacrifier leurs propres aspirations.



En filigrane se dessine aussi le destin d'une Tchécoslovaquie, orpheline de l'empire austro-hongrois, passée de l'invasion nazie à la main mise communiste avant que l'étau ne se desserre en même temps partout en Europe. Pour ces femmes, il s'agit de s'adapter comme toujours, à la grande Histoire et à la petite, façonnées toutes deux par les hommes. Magdalena rêvait de Paris comme un symbole de lumière et de liberté, sa petite fille, Eva, réalisera son rêve des décennies plus tard, aidée en cela par l'ouverture des frontières et par la littérature.



C'est un récit très personnel que nous livre Lenka Hornakova-Civade, un récit poignant duquel émerge la figure d'une quatrième femme, Marie, sorte de matriarche, mère de Magdalena et arrière-grand-mère d'Eva. Une femme forte, décidée à ne pas se laisser dicter sa conduite ni imposer aucune volonté. Une femme dure, traversée parfois de rares éclats de tendresse. Un sacré personnage, difficile à oublier.



Un très beau roman sur l'héritage, la transmission, les origines et la filiation, porté par de magnifiques voix de femmes courageuses et ambitieuses.
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Giboulées de soleil

Un très beau livre.



Pour le résumer, les mots de l'auteur à la fin du livre pour parler de son œuvre expriment parfaitement et magnifiquement ce que j'ai ressenti :

"Une lignée de femmes inscrite dans l'histoire de la Tchéquoslovaquie de sa création jusqu'aux années 1980. Chacune d'elle doit assumer son destin, toutes espèrent vivre loin de la politique et du tumulte de l'Histoire. Mais le monde les attrape, les rattrape, et leurs vies en sont ébranlées. Pourtant, si tragique que cela ait pu être, rien n'est irrémédiable, même dans les moments les plus sombres.

C'est une histoire de mères, de grand-mères, de filles et de petites-filles, d'amour et de non-dits qu'elles voudraient protecteurs ; une histoire de racines et d'identité, de famille et de bâtardise fatalement transmises de génération en génération. De cette différence, ces femmes feront une distinction."



J'ajouterais : Une histoire de broderie. De paysannes. De la couleur rouge, celle du sang et celle de l'étoile communiste. D'une vache qui s'appelle Vache. D'âmes cristallines. De jeunesse pleine d'espoir, et de désillusions. D'un pays rongé par le communisme. De libertés perdues, espérées, et réinventées.



La plume de l'auteur est très belle. C'est d'autant plus impressionnant qu'elle n'écrit pas dans sa langue maternelle, mais en français, car elle "ne pouvait exprimer qu'en français ce qui reste indicible dans [sa] langue maternelle".

C'est peut-être néanmoins pour cela que certains passages ont manqué de clarté pour moi, j'ai senti comme un léger décalage entre ce que je comprenais et ce que l'auteur cherchait à exprimer, et du coup un léger manque de fluidité dans la lecture. Cela m'a surtout gênée pendant la première partie du livre, celle avec Magdalena (le livre est divisé en 3 parties, pour chacune des trois héroïnes). C'est cette partie qui m'a le moins plu, je ne parvenais pas à franchir cette distance entre moi et cette jeune femme, à m'identifier à elle et à "vivre" le récit.

Ce ressenti s'est complètement démenti dans les deux parties suivantes, où je me suis énormément attachée aux deux nouvelles narratrices. Est-ce en raison de leur plus jeune âge, qui donnait une écriture plus naïve et franche ? Je ne sais pas, mais ces parties ont comme coulé de source en moi, je les ai dévorées et je me suis souvent émerveillée de la tournure des phrases et de la poésie des réflexions que se faisaient ces héroïnes.

Il y reste une part de mystère, de passages où on n'est pas sûr d'avoir tout saisi, mais c'est pour mieux s'éclairer à la fin, dans un final haut en couleurs.



Que dire d'autre ? C'est une belle manière de découvrir la campagne tchèque, et l'histoire de ce pays vue par ses citoyens ruraux, ceux qui ne sont pas les plus versés dans la politique, qui ne comprennent pas toujours les tenants et aboutissants de tous ce qui se passe à l'échelle nationale et internationale, mais pour lesquels les conséquences de ces événements qui les dépassent sont bien réels. Comme eux, on peut manquer d'une vision claire sur les événements historiques qui les bousculent (surtout si, comme moi, vous avez de grosses lacunes en histoire d'Europe de l'Est), mais je vais de ce pas combler ces lacunes avec quelques recherches, et c'est beau aussi de voir tout ce tumulte de l'Histoire avec des yeux neufs, candides et voilés.



Une lecture que je recommande, et si le début ne vous convainc pas, n'ayez pas peur de persévérer...
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Giboulées de soleil

Ce roman est triste et beau à la fois. Ils nous parle de trois générations de femmes, toutes des "bâtardes", des femmes fortes et déterminées pour qui l'amour compte plus que tout au monde.

À travers leur destin, nous découvrons l'histoire de leur pays, la Republique Tchèque, avec l'arrivée du communisme, la collectivisation des terres etc.

Nous découvrons les envies d'ailleurs de ces femmes, leurs interrogations, leurs craintes ainsi que le poids des secrets. Je les ai trouvé touchantes, dans leurs failles et leurs gestes d'amour maladroits.

Petit bémol : j'aurais bien suivi un peu plus les personnages, fouillé plus en profondeur certaines scènes, notamment les histoires d'amour qui m'ont paru beaucoup trop rapides et qui arrivaient un peu trop soudainement à mon goût. J'ai aussi été quelque peu désorienté par l'espace-temps à un moment, me perdant dans la narration.

Mais cela en reste un bon roman qui s'intéressent à des thèmes qui me touchent beaucoup : des destins de femmes et l'histoire de leur pays.



**Box littéraire**
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Une verrière sous le ciel

"La verrière, le lieu d'ailleurs, le plafond en verre pas très propre, en attente d'une grande douche ; en levant le regard, aucune idée d'où nous nous trouvons, dans quelle gare, dans quel pays ; et entre le ciel et nous, un filtre, un sfumato pour arranger les contours du monde."



Après la force et le souffle de son premier roman, Giboulées de soleil, j'attendais avec une certaine curiosité le nouveau livre de Lenka Hornakova-Civade... ce fameux passage réputé si difficile au second roman lorsque le premier a ému, enthousiasmé et même reçu les lauriers du Renaudot des Lycéens. Ce qui surprend c'est un abord presque assagi, une écriture plus assise, plus confiante aussi. Là où primait la passion des Giboulées de soleil, on trouve à présent un regard presque apaisé, toujours aux aguets mais tourné vers l'essentiel, le regard d'un artiste. Une verrière sous le ciel ... comme pour se protéger des Giboulées de soleil sans se priver de la lumière ni de la chaleur.



Ana a tout juste 18 ans lorsqu'elle refuse de monter dans le train qui, depuis la Gare de l'Est doit la ramener en Tchécoslovaquie avec le groupe organisateur de cette colonie de vacances patronnée par le "parti frère". Nous sommes en 1988 et personne ne devine encore que bientôt sonnera la fin du bloc de l'est. Livrée à elle-même, sans argent et sans réel vocabulaire français, Ana va rencontrer la mystérieuse Grofka au Père Lachaise où ses pas l'on conduit puis trouver refuge dans un café, auprès de Bernard, le patron et surtout des clients, fidèles ou de passage. Parmi eux, Jacob et Yakoub, le vieux juif et le vieil arabe qui parlent tous les jours du soleil de la méditerranée mais également Eugène et Albert. Ce dernier, artiste peintre fait d'Ana son modèle sous la verrière qui lui sert d'atelier.



Dans l'esprit d'Ana, à travers son regard se mêlent les cultures, les souvenirs et les aspirations. La réalité vient corriger certains rêves mais également en susciter d'autres. De Prague à Paris, les images s'assemblent, se métamorphosent et la jeune fille avance en tentant de réconcilier les mondes et de s'adapter à celui qui s'ouvre à elle. Elle regarde, observe, écoute et façonne le début d'une autre vie.



"Est ce que chaque personne trouve son propre poème ? Ou même plusieurs ? Pour les jours tristes, pour les jours heureux, pour les jours d'hésitation, d'amour, de doute et de colère ? Je voudrais confier aux nuages voguant dans le ciel de France un message qu'ils transporteraient jusqu'à Prague, je voudrais que ce soient les nuages qui fassent le pont."



Il est question de liberté dans ce livre, lorsque la liberté devient un apprentissage, que l'on en mesure le potentiel autant que les limites. Un apprentissage qui trouve dans l'art un moyen d'expression autant qu'un vecteur de transmission. C'est fait avec beaucoup de poésie et de finesse dans la construction pour parvenir à faire passer ce que représente cette alchimie complexe qui conduit à la découverte de soi par le prisme du monde qui nous entoure.



C'est une fois refermé que l'on mesure l'extraordinaire richesse de ce livre, construit comme une sorte de kaléidoscope. Et qui se lit comme on décrypterait ce que raconte un tableau... Oui c'est ça. Quelque temps après, cette lecture m'a fait penser à une visite thématique que j'avais eu la chance de faire au Louvre avec un spécialiste d'Histoire de l'Art qui nous avait "raconté" les tableaux et révélé leur sens au-delà de la simple reproduction. C'est exactement ce que j'ai ressenti avec ce livre. L'impression de lire un tableau. Alors chapeau l'artiste !
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Giboulées de soleil

Les pères sont absents: Marie, la mère, travaille chez un médecin gynécologue dont elle aura Magdalena, elles vivent à Vienne dans un certain confort mais le médecin est juif et fuit Vienne avec sa famille (dont Marie ignorait l'existence) sans un adieu. Tchèques, elles quittent la ville pour retourner dans leur pays. Marie se marie avec Aloïs et aura une petite Rose, le beau-père envoie Magdalena dans une grande ferme, flanquée d'une biscuiterie. La jeune fille tombe amoureuse du fils du patron, passion partagée, semble-t-il mais l'Histoire va s'en mêler encore: le patron et sa famille sont expulsés: trop riches! La réforme agraire s'impose et tout doit revenir à la coopérative. Josef ne saura même pas qu'il est père. Le bébé n'a pas de nom puisque c'est au père de décider;elle deviendra Libuse; élevée par Marie, elle découvre tardivement que sa mère est Magdalena , cette dernière devant partir chercher du travail.On va la marier mais au frère de celui qu'elle commence à aimer: Franta.; elle épousera le boiteux lequel est violent tant avec Magdalena que Libuse. (qui avait été traitée de monstre à deux mères et bien sûr de bâtarde)

L'Histoire intervient encore: le bistro que tenait Marie est réquisitionné car elle a refusé sa carte du Parti (c'est la 2ème fois qu'on l'humilie: il y avait eu la réquisition de Vache, celle qu'elle avait acheté avec l'argent du docteur juif et que Magdalena traitait comme une amie: pour qu'elle ne soit pas embarquée, Marie l'avait abattue)

.De nouveaux voisins sont arrivés avec deux fils Antonin et Petrik. A côté est arrivée une mystérieuse dame seule.

En 61, on apprend la construction du mur à Berlin.

Puis on passe en 68, Rose est enceinte de...Franta. Cela se passe mal et Marie (sage-femme sans titre mais beaucoup d'expérience) sauve la situation: bébé Olga est née mais Rose n'aura plus d'enfant.

Un jeune soldat soviétique est là, apparemment perdu: les russes ont envahi la Tchécoslovaquie. Libuse va faire l'amour avec lui mais le Boiteux surgit et la viole.

Petrik, le poète, allait devenir boucher ainsi en avait décidé le Parti; il se suicidera.

Liba après l'amour et le viol se rend chez Antonin qui, à son tour,lui fera l'amour et proposera de fuir ce pays envahi par les "camarades" russes La mort de son frère l'en dissuadera. Rose semble avoir couché avec le russe, elle aussi et veut fuir mais en Union soviétique avec le soldat russe.

Une dernière partie sera consacrée à Eva, fille de Liba; elle passe un examen d'entrée à l'école; on lui reproche d'utiliser sa main gauche (signe des temps mon mari et moi avons été des gauchers contrariés: c'était très mal vu d'utiliser la main gauche dans les années 50, en France!)

Elle est acceptée dans cette école moderne; la suite, ce sont les Etincelles, les Pionniers, , la jeunesse communiste et enfin le Parti mais Eva refusera dès les Pionniers...A quinze ans Eva va avoir des papiers, le livret rouge mais la ligne intitulée "nom du père" est vide.

"je m'en fous de porter le nom de jeune fille de ma mère, de ma grand-mère et de mon arrière grand-mère. J'en suis même fière"

Eva aura le mot de la fin grâce à sa cousine Olga et la mystérieuse Madame Gabriel qui leur a appris le français.

Je ne suis pas arrivée à mettre entre crochets, du coup tout y est ou presque.

J'ai beaucoup aimé l'histoire de ces quatre femmes (et non trois) toutes mères célibataires quand c'était très mal vu; Marie sait accoucher les femmes, élever une vache, cultiver des légumes et tenir un bistro et toutes sont d'excellentes brodeuses; elles traversent l'Histoire avec courage.





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Une verrière sous le ciel

Un peu de mal de décrire cette lecture qui a un parfum de conte. D'emblée j'ai adoré le style, le personnage qui sait dire NON ! Et a choisi de s'émanciper le jour de son anniversaire de ses 18 ans, c'était un heureux hasard car ce jour, elle se trouvait sur le quai de la gare de l'EST pour prendre le train qui la ramenait vers son pays et sa famille. "la gare, ce lieu de nulle part, j'en sors à peine. C'est un endroit où on n'est pas encore tout à fait arrivé, ni encore reparti vers n'importe quelle destination. Comme si elle appartenait à un autre pays, à la lisière du dehors et du dedans."



C'est pour elle un nouveau départ, une nouvelle vie, une liberté enfin acquise. Son passeport en poche, c'est aussi un passeport pour le droit d'aller ailleurs et surtout de quitter son pays.

L'ambiance, les personnages, qui entoure Ana font que ce petit monde est fort charmant notamment , Bernard le barman, les deux grand-pères Jacob et Yacoub ils sont adorables. Ils parlent de météo, celle de leur pays, celle d'un autre temps. "C'est la mer de l'enfance pleine de tendresse même par un temps d'orage." "En entrant, ils virginisent l'espace pour pouvoir parler seulement de l'essentiel, de la lumière du matin au bord de la Méditerranée, de la couleur du désert qui s'invite régulièrement à la table et dans les cheveux des gens, d'un pays où le temps flemmarde gentiment."



C'est à l'image de ce livre, pleine de tendresse, de silence, et de solitude et pourtant tellement d'espérance, de solidarité, d'amour entre les personnages.

Ana, est comme une icône, elle reste silencieuse, gardant son secret pour elle. On l'accepte comme elle est. Et puis, il y a Albert et sa verrière, l'artiste, la muse , la somme d'une histoire.



On est transporté à la lecture de ce conte, arrivé à la fin, une envie de revenir au début comme pour rester enfermer dans cette bulle, sous cette verrière et puis aller chez Bernard, prendre un petit noir accoudé au zinc et se laisser emporter par les souvenirs de Jacob et de Yacoub.

Il y a comme ça, des mots qu'on aimerait qu'ils s'animent, qui auraient le pouvoir de nous enchanter à jamais.

Très belle lecture et un style admirable.

Je n'ai pas encore croisé le premier roman de cette auteure, je compte bien le trouver.
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Giboulées de soleil

Dans ce roman à la composition singulière est porté un lumineux récit de femmes dont les voix se révèlent être les résistances d’un phénomène héréditaire persistant, presque pathologique, qui se fait le motif d’une empreinte familiale et l’indice d’une histoire tchécoslovaque, l’inconscience d’un époque. Lenka Hornakova-Civade brode alors méticuleusement une contagion qui échoit trois générations de femmes à l’existence chargée d’intime. Un premier roman très réussi.



Le récit, divisé en trois tableaux, trois romans, narre l’histoire de Magdalena, Libuse et Eva qui partagent la même plaie, celle d’être des « bâtardes », des femmes de pères absents, inconnus. À la proue familiale se hisse Marie, origine endémique, qui se caractérise par une brutalité nécessaire, presque touchante et dont l’esprit de fronde se diffuse dans chacun des destins des générations suivantes. L’agrément d’une exaspération, de la révulsion des regards accusateurs. Lenka Hornakova-Civade offre, dans une prose délicate et sans emphase, une œuvre consistante, peut-être l’occasion de restituer un reflet du monde, d’une époque. Cette mise en perspective échappe justement à l’épuisement, malgré son systématisme, car l’histoire s’approprie la mémoire d’existences dans ses détails et ses affres, émancipées par le choix narratif de la première personne.



Lenka Hornakova-Civade capte la débâcle de l’existence, la pesanteur de l’héritage, des racines sans dénonciation accablante mais dans une prose alerte et nuancée. Giboulées de soleil est un enchantement incandescent.
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