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4.22/5 (sur 27 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Né en 1964, Léo Cairn est originaire de Rennes et vit aujourd’hui en région parisienne. Psychiatre, il a consacré sa thèse de médecine à l’écriture du corps et de la maladie dans l’œuvre d’Henri Michaux, et ne cesse d’explorer les relations entre création artistique et psychopathologie dans des articles destinés à des revues médicales. Il a exercé à plusieurs reprises dans des zones de conflit. Une thérapie est son premier roman.

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Citations et extraits (9) Ajouter une citation
C’est que c’est tellement prétentieux que de vouloir aider les gens. Alors avoir le projet, l’ambition de les soigner... Avec le temps, beaucoup de temps, j’ai compris que c’est ce que j’ai fait dès le début avec Emma. J’ai tout confondu : le désir que j’avais pour elle, et cette empathie qu’elle m’inspirait et que je ne contrôlais absolument pas. D’une certaine façon, je l’ai presque traitée comme l’une de mes patientes, si ce n’est que je ne couche pas avec mes patientes. Elle me bouleversait, pas parce que je l’aimais (même si je l’aimais, bien sûr, à la folie, cela j’en suis à peu près sûr), mais parce que j’aimais aussi, surtout peut-être, le rôle que je m’étais attribué, et qui était de la sauver d’elle-même, ou quelque chose de cet ordre-là. Et bien évidemment cela est vite devenu insupportable pour elle, la présence de cet homme qui essayait en permanence de réparer ce qu’elle avait subi dans son passé comme s’il se sentait responsable ou coupable de ses blessures, de cet homme qui aimait tout ce qu’elle détestait en elle, tout ce qu’elle voulait oublier, et qui lui rappelait qu’elle était toujours celle qu’elle ne voulait plus être, et que c’était cette femme brisée, blessée à laquelle il s’était attaché, qu’il aimait jusqu’à en perdre la raison, alors qu’elle essayait de se convaincre que cette femme du passé était morte, et qu’elle la haïssait.
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C’est douloureux, infiniment, parce qu’elle est là devant nous, devant moi, comme je sais qu’elle ne le sera jamais plus, alors que j’aurais souhaité moi-même ne pas être là devant vous pour ne plus avoir à la revoir en la convoquant ainsi comme quelque chose de vivant, moi qui n’existe plus pour elle, moi qui suis déjà mort.
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J’ai toujours attaché une importance excessive à l’écriture et aux mots, et c’est l’un de mes principaux défauts que de penser que tout le monde est comme moi. Emma, très vite je l’ai recouverte de mots, étouffée sous les mots, enterrée sous les mots. Mes mots d’amour en premier lieu, mais aussi des mots d’écrivains, de poètes, de chansons… Je la bombardais littéralement, tout le temps. Tout ce qui faisait sens pour moi dans ce que j’essayais de construire avec elle, je le lui assénais sans me rendre compte que cette volonté de partage correspondait aussi au déferlement d’une puissance morbide (parce que froide et figée, sans vie), que j’exerçais sur elle sans pouvoir la contenir.
Car les mots sont des choses mortes. Les mots ne ressuscitent pas les cadavres, les sentiments, les souvenirs quand ils ont disparu, ils ne changent pas le sens du monde, ne réparent rien. Les mots ne font pas d’enfants. Cela peut vous sembler paradoxal dans la bouche d’un homme tel que moi qui ai choisi le métier que vous savez, mais je vous ai déjà expliqué que mon travail m’a aussi permis de beaucoup me taire. Ce n’est pas si contradictoire que cela. Je suis à la fois avide de mots et de silence, qui ne sont rien d’autre que les deux faces de ce qui n’est plus vivant.
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Actuellement, les mots ont brusquement disparu après une brève réapparition, et il va falloir de nouveau créer les conditions de leur retour. D’où mon choix de parler à la place de mon patient, y compris un peu de moi, pour que mes mots appellent les siens, pour qu’ils se frottent les uns aux autres, pour que des petites étincelles ainsi créées surgissent les crépitements d’une pensée engourdie, les flammèches qui pourraient la réchauffer, en veillant à ne pas rallumer un incendie incontrôlable qui détruirait tout sur son passage.
Ce travail d’équilibriste, de souffleur de braises, de chercheur d’or des mots perdus, c’est aussi cela mon métier, et c’est un métier difficile quand on essaie de bien le faire.
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Il considérait que les livres étaient en quelque sorte des êtres vivants, comparables à nos patients d’une certaine façon, les voyant comme des enveloppes pleines d’histoires parfois belles, parfois terribles, qui ne demandaient qu’à surgir lorsqu’on savait les convoquer. La vie secrète qu’il voyait dans chacun des livres qu’il possédait expliquait, comme pour les femmes, sa difficulté à s’en séparer. Dans un cas comme dans l’autre, le risque était d’interrompre le cours d’un récit en perpétuelle évolution et par essence infini, et de sonner le glas d’une histoire toujours à venir qui nourrissait son existence, et la justifiait aussi.
L’abandon était au-delà de ses forces.
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Et je me demande pourquoi je vous raconte tout cela, qui peut vous sembler parfaitement secondaire. Pourquoi je m‘attarde autant sur de tels détails, que j’ai déjà passés et repassés dans ma tête des milliers de fois, pourquoi je cherche désespérément du sens là où il n’y en a pas, des réponses dont je sais que je les connais. C’est comme si je redoutais de me confronter de nouveau à la vérité à laquelle je suis déjà parvenu il y a quelques semaines, et qui m’a conduit là où vous savez. J’ai beau tourner et retourner le problème dans tous les sens, je retombe toujours sur la mème succession de non-évènements, sans vouloir admettre que les derniers mois passés près d’Emma, j’étais déjà seul, seul comme je ne l’avais jamais été, occupé à disséquer chacune de ses paroles, chacun de ses silences, le moindre de ses gestes et leur absence quand elle ne faisait rien, et j’interprétais tous ces signes qui n’en étaient pas vraiment, et je ne retirais rien de probant de ce travail stérile et épuisant de ma pensée, rien que les fragments tranchants d’une vérité comparable à un cristal qui se serait échappé de mes mains pour se briser en mille morceaux, et je m’écorchais sans fin aux arêtes de ce cristal.
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Une phrase m’est revenue récemment en mémoire. Je l’aime beaucoup, elle est attribuée au marquis de Sade, et extraite d’une lettre écrite à sa femme. « Vous m’avez fait former des fantômes », lui dit-il. C’est très beau. J’ai toujours trouvé ça très beau. Et cette phrase, quand elle a resurgi sans prévenir dans mon esprit, telle une pensée que j’aurais moi-même produite, je l’ai instantanément associée à vous et à nos entretiens. Ce que je veux dire, c’est que tout ce que je vous raconte, toutes ces histoires de personnes qui étaient mortes pour moi, eh bien tout cela qui m’était devenu interdit, raconter, me permet de les ranimer, et en parler, les ramener à la vie de cette façon-là, m’oblige aussi à sortir la tête de l’eau pour assister à cette métamorphose. Je respire de nouveau, encore difficilement. De temps en temps je ressens de grands râles de langage cherchant à s’arracher de ma gorge - vous savez, à la manière de ces noyés agités de spasmes au moment où ils retrouvent leur souffle. C’est douloureux, un peu comme une seconde naissance, car on sait bien que ça fait mal une naissance, quand les alvéoles de l’enfant se déplissent sous la pression de l’air, juste avant le premier cri.
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Notre dernier entretien a fait revenir le plus intense de ma vie passée, les moments d’union, au plus près de son corps, avec l’être que j’aimais le plus au monde. C’est comme si j’avais retrouvé Emma l’espace de quelques instants pour mieux la perdre à nouveau. Cela m’a ébranlé, je pense que tout le monde ici s’en est rendu compte. Je m’en excuse auprès de votre équipe et de vous, on a dû me trouver désagréable, et ce n’était pas mon intention. Pendant quelques heures, j’étais avec un fantôme, vous n’existiez plus, plus personne n’existait (même pas moi puisque j’étais avec un fantôme, ça n’existe pas les fantômes, ou alors si on est avec eux, c’est qu’on est déjà mort).
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On voit parfois au cinéma des enfants qui s'entaillent les poignets pour mêler leur sang en signe d'une amitié idéfectible. Emma et moi, nous nous étions contentés de frotter nos cicatrices, les siennes contre les miennes et inversement, dans l'espoir peut-être qu'elles n'en forment finalement plus qu'une que nous aurions portée ensemble. Et ce frottement produisait une sorte de petite musique douce que nous étions seuls à entendre.
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