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Citation de Charybde2


Les feuilletons personnels n’avaient jamais été aussi nombreux – et à un certain niveau, ici, dans la ville narrative, ils n’avaient jamais été aussi aboutis. La nuit tombait, et comme à chaque nuit, c’était le grand travelling qui commençait ; ainsi, l’on allait d’hélicoptère en hélicoptère entre chaque homme, entre chaque incarnation, entre chaque, non pas point de vue – car il aurait fallu être bien naïf pour ne pas avoir compris, depuis le temps, que le seul et véritable point de vue était celui du travelling même et de son roi – mais entre chaque élément sciemment torturé de la fresque ; et cela constituait un divin montage alterné, une constellation de plans aériens où les habitants ne nécessitaient aucune présentation. Tout le monde les connaissait déjà. Les rues, souvent, portaient leurs noms.
De ce fait, pour beaucoup, la tentation était trop forte ; pour beaucoup, la ville se résumait à cet instant précis au cœur de la nuit, lorsque l’ivresse et la fatigue réunies s’accordaient pour mieux suggérer, à l’oreille du voyageur hébété, qu’il laissât derrière lui toute identité et, mieux, abandonnât aux bras de l’obscurité le secret le plus fondateur de sa vie ; pour beaucoup, indubitablement, la ville, c’était cet instant-là, exprimé éternellement. La fin de la nuit ivre, conclue sur l’abysse de l’être, où l’on ne songeait pas juste à vendre son âme, mais où l’on se risquait à ne même plus la retenir. Parce qu’ici, plus que n’importe où ailleurs, une âme, ça se retenait, et quiconque ayant traversé au moins une fois ces terres l’avait forcément éprouvé avec chaleur et avec force ; ici, la nuit engloutissait tous les remords et les non-dits, elle était l’œuvre, où le roi attendait que l’on tombe, elle était le royaume, où l’on abandonnait d’être un monde, et c’était bien cela de quoi la nuit vivait : des mondes, que les corps avaient fini par lâcher.
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