Gérard Gavarry Comment j'ai rencontré Paul Otchakovsky-Laurens - où Gérard Gavarry tente de dire quand et comment il a rencontré Paul Otchakovsky-Laurens, -à l'occasion de la parution de son livre "Jojo" chez Hachette/P.O.L- et où il est notamment question de Georges Perec et de l'Oulipo, d'Allada et du Bénin, de Michel Bézard et de Jacques Jouet, de Patrick Lapeyre et d'Emmanuel Hocquard, de poésie et de roman, de Warren Motte et de "The Review of Contemporary Fiction" (Fall10 Vol XXX N 3), de la rue Galliera et de la rue Jacob, de Carine Toly et d'Emmelene Landon, de Marcel Duchamp et de Fred Leal, de Léon- Gontran Damas et d'Aimé Césaire, d'être nègre et d'être juif, à Paris le 10 janvier 2022.
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Nous les gueux
nous les peu
nous les rien
nous les chiens
nous les maigres
nous les Nègres
Nous à qui n’appartient
guère plus même
cette odeur blême
des tristes jours anciens
Nous les gueux
nous les peu
nous les riens
nous les chiens
nous les maigres
nous les Nègres
Qu’attendons-nous
les gueux
les peu
les rien
les chiens
les maigres
les nègres
pour jouer aux fous
pisser un coup
tout à l’envi
contre la vie
stupide et bête
qui nous est faite
à nous les gueux
à nous les peu
à nous les rien
à nous les chiens
à nous les maigres
à nous les nègres

SOLDE
Pour Aimé Césaire
J'ai l'impression d'être ridicule
dans leurs souliers
dans leurs smoking
dans leur plastron
dans leur faux-col
dans leur monocle
dans leur melon
J'ai l'impression d'être ridicule
avec mes orteils qui ne sont pas faits
pour transpirer du matin jusqu'au soir qui déshabille
avec l'emmaillotage qui m'affaiblit les membres
et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe
J'ai l'impression d'être ridicule
avec mon cou en cheminée d'usine
avec ces maux de tête qui cessent
chaque fois que je salue quelqu'un
J'ai l'impression d'être ridicule
dans leurs salons
dans leurs manières
dans leurs courbettes
dans leur multiple besoin de singeries
J'ai l'impression d'être ridicule
avec tout ce qu'ils racontent
jusqu'à ce qu'ils vous servent l'après-midi
un peu d'eau chaude
et des gâteaux enrhumés
J'ai l'impression d'être ridicule
avec les théories qu'ils assaisonnent
au goût de leurs besoins
de leurs passions
de leurs instincts ouverts la nuit
en forme de paillasson
J'ai l'impression d'être ridicule
parmi eux complice
parmi eux souteneur
parmi eux égorgeur
les mains effroyablement rouges
du sang de leur ci-vi-li-sa-tion

Rendez-les moi mes poupées noires
qu’elles dissipent
l’image des catins blêmes
marchands d’amour qui s’en vont viennent
sur le boulevard de mon ennui
Rendez-les moi mes poupées noires
qu’elles dissipent
l’image sempiternelle
l’image hallucinante
des fantoches empilés féssus
dont le vent porte au nez
la misère miséricorde
Donnez-moi l’illusion que je n’aurai plus à contenter
le besoin étale
de miséricordes ronflant
sous l’inconscient dédain du monde
Rendez-les moi mes poupées noires
que je joue avec elles
les jeux naïfs de mon instinct
resté à l’ombre de ses lois
recouvrés mon courage
mon audace
redevenu moi-même
nouveau moi-même
de ce que Hier j’étais
hier
sans complexité
hier
quand est venue l’heure du déracinement
Le sauront-ils jamais cette rancune de mon coeur
A l’oeil de ma méfiance ouvert trop tard
ils ont cambriolé l’espace qui était le mien
la coutume
les jours
la vie
la chanson
le rythme
l’effort
le sentier
l’eau
la case
la terre enfumée grise
la sagesse
les mots
les palabres
les vieux
la cadence
les mains
la mesure
les mains
le piétinement
le sol
Rendez-les moi mes poupées noires
mes poupées noires
poupées noires
noires
noires"
Parce qu'une joue
en appelle une autre
voici que contre
la mienne
ta joue est là
pour que l'une
et l'autre
en oublient
et pardonnent
toute inutile
violence
MALGRÉ LES SARCASMES DES UNS
malgré l'indulgence des autres
et au grand dam des uns
et au grand dam des autres
plaise à mon coeur
mis un instant à nu
d'afficher sur les murs et autres lieux de la ville
de crier à tue-tête sur les toits de la ville
à bas TOUT
vive RIEN
ILS SONT VENUS CE SOIR
Pour Léopold-Sedar Senghor
ils sont venus ce soir où le
tam
tam
roulait de
rythme
en
rythme
la frénésie
des yeux
la frénésie des mains
la frénésie
des pieds de statues
DEPUiS
combien de MOi MOi MOi
sont morts
depuis qu'ils sont venus ce soir où le
tam
tam
roulait de
rythme
en
rythme
la frénésie
des yeux
la frénésie
des mains
la frénésie
des pieds de statues
Je suis né disais-tu au bout …
Extrait 10
Et n’enlevaient ce fort goût d’amertume
que laisse à la bouche au réveil une nuit d’insomnie
ni la tiédeur du soleil matutinal qui ranimait déjà toutes choses
ni la volubilité des vieilles édentées en madras calendé
martelant la chaussée d’aise au sortir du premier office
où le dieu de la veille
fut à nouveau loué
glorifié prié
et chanté à voix basse
ni l’odeur rose des dahlias du jardin qu’argentait la rosée
ni les cris savoureux de la rue qu’assoiffaient
la bié nan-nan
côrôssôl
papaye
coco
Et la maison était triste et basse
où la vie se déroulait mollement
en bordure de la rue étroite et silencieuse
qu e le bruit de la ville
traversait à peine
"TOUJOURS CES MOTS
toujours les mêmes
dont il ne semble pas
qu'elle ait encore
jamais jamais
saisi sur l'heure
toute l'inutile cruauté"
JE NE SAIS RIEN EN VÉRITÉ…
JE NE SAIS RIEN EN VÉRITÉ
rien de plus triste
de plus odieux
de plus affreux
de plus lugubre au monde
que d’entendre l’amour
à longueur de journée
se répétant à messe basse
Il était une fois
une femme vint
une femme vint à passer
dont les bras étaient chargés de roses
Nous les gueux
nous les peu
nous les rien
nous les chiens
nous les maigres
nous les Nègres