Seule l'épaisseur du fil barbelé séparait mon enfer de leur liberté.
" Un héros est un être humain ordinaire qui effectue les meilleures choses au pire moment."
— p 165 : Il nous considérait, nous les Schindlerjuden, les juifs de Schindler, comme les enfants qu’il n’avait jamais eus. Il a demandé à être enterré à Jérusalem. « – Mes enfants sont là, a-t-il dit un jour ».
Les nazis nous avaient forcés à vivre dans des conditions de surpopulation intolérables dans l'intention perverse de faire ressortir le pire qui soit chez l'être humain. Malgré tout, nous étions déterminés à nous témoigner le même respect que dans notre ancienne vie. Nous conservions notre humanité et entretenions notre héritage culturel, cela nous permettait d'opposer à la dépravation des nazis de subtiles formes de résistance : les rabbins pratiquaient l'office les jours de fêtes juives ; les médecins et les infirmières sauvaient des malades et mettaient au monde de nouvelles vies ; les acteurs et les musiciens organisaient des pièces, des parodies et des concerts dans des théâtres de fortune, à l'abri des regards - ils démontraient que la beauté et la culture pouvaient exister, même dans ces conditions de vie-là.
Avec le siège sanglant de Stalingrad, où périrent plus de deux millions de
militaires et de civils, la guerre prit un nouveau tour pour l'Allemagne.
A l'annonce de la réddition de la 6ème armée allemande en février 1943,
nous avons préssenti la défaite du Reich

Dans le film "La liste de Schindler", il y a une scène où l'on voit Oskar Schindler se précipiter vers la gare pour sauver son comptable Itzhak Stern, qui vient d'être pris dans une rafle. Schindler arrive au dépôt juste à temps pour crier le nom de Stern et le sortir du train, pile au moment où celui-ci démarre. Le film ne montre pas une autre scène que Schindler a racontée à papa juste après. Alors qu'il parcourt désespérément les wagons à bestiaux remplis de gens, à la recherche de Stern, Schindler repère Tsalig et se souvient que c'est le fils de son employé Moshé. Il l'appelle et lui dit qu'il va le sortir de là, mais Tsalig est avec sa petite amie Miriam. Et comme personne dans la famille de Miriam ne travaille pour Schindler, il ne peut rien faire pour la sauver. Tsalig dit à Schindler qu'il ne veut pas quitter Miriam. Voilà le genre d'homme qu'il était. Il n'aurait abandonné la fille qu'il aimait pour rien au monde, même sa propre vie. Les jours suivants, nous apprîmes que le train était parti au camp de Belzec, où, d'après la rumeur, les gens étaient envoyés à la chambre à gaz. Je me rappelle encore m'être demandé : "Combien de temps Tsalig pourra-t-il retenir sa respiration dans la chambre à gaz ? Assez longtemps pour survivre ?" Je ne pouvais que prier pour que, d'une manière ou d'une autre, mon frère adoré soit épargné ou trouve un moyen de s'échapper. (pp. 87-88)
A mesure que les nazis resserraient leurs griffes sur Cracovie, les juifs se voyaient stigmatisés par toutes sortes de caricatures insultantes. Des affiches avilissantes en allemand et en polonais couvrirent bientôt les murs, nous décrivant comme des créatures grotesques et répugnantes, à l'énorme nez crochu. Ces images n'avaient aucun sens pour moi. Dans ma famille, nous n'avions pas beaucoup de vêtements, mais maman travaillait dur pour qu'ils soient toujours propres. Nous n'étions jamais sales. J'observais nos nez. Ils n'avaient rien d'exceptionnellement gros. Je ne comprenais pas pourquoi les Allemands voulaient nous faire passer pour ce que nous n'étions pas. (48,49 p.)
Je ne suis pas philosophe, mais je crois qu'Oskar Schindler correspond à la définition même de l'héroïsme. Il a prouvé qu'une personne seule peut se dresser contre l'enfer et faire la différence.
J'en suis la preuve vivante.
Je me souviens d'avoir vu l'intellectuel et écrivain Joseph Campbell interviewé à la télévision. Je n'ai jamais oublié sa définition du héros. Campbell affirmait qu'un héros est un être humain ordinaire qui effectue « les meilleures choses au pire moment ». Eh bien, Oscar Schindler est l'incarnation de ce héros.
Les nazis lui avaient pris sa force – même s'il devait prouver qu'il en avait encore beaucoup en réserve au cours des années qui allaient suivre – et surtout, ils lui avaient fait perdre cette belle confiance en soi et cette fierté qui lui donnaient tant d'énergie. Maintenant, il parlait peu et marchait la tête basse. Il avait perdu son travail à la verrerie mais par-dessus tout, on lui avait volé sa dignité d'être humain. J'étais très choqué de voir papa vaincu. S'il ne pouvait faire face aux nazis, comment le pourrais-je?
Je suis un miraculé de la Shoah.
Tout se liguait contre moi :
Je ne connaissais personne, et je n'étais qu'un enfant,
sans aucune compétence.
Mon seul atout : ma vie importait aux yeux d'Oskar Schindler
Il pensait que je valais la peine d'être sauvé