Quoi de mieux que de se faire raconter de belles histoires à haute voix dans le confort de son foyer!
BAnQ et Liratoutâge vous invitent à écouter Patrice lire un texte évoquant la belle aventure du réaménagement d'une maison intergénérationnelle tandis que Godelieve, âgée de 83 ans, et Charles-David, son bras droit, âgé de 26 ans, vous entraînent dans l'univers fabuleux du Petit Prince de Saint-Exupéry.
Godelieve de Koninck, lectrice et fondatrice de Liratoutâge
Patrice de la Brosse, lecteur-bénévole de Liratoutâge
Charles-David Duchesne, lecteur et conseiller de Liratoutâge
Caroline Malo, bibliothécaire responsable du développement des services aux aînés à l'animation
Intro : (00:00)
Présentation de l'activité : (00:20)
1er interlude musical : (01:04)
Lecture du premier texte : (01:34)
2e interlude musical : (08:41)
Présentation de la lecture intergénérationnelle : (09:29)
Lecture de la dédicace de St-Exupéry à Léon Werth : (12:38)
Lecture à deux voix d'un extrait du Petit Prince de St-Exupéry : (13:22)
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“On a répandu l’idée que cette guerre était la dernière des guerres. La guerre tueuse de la guerre. Comme un enfant qui réclame un dernier gâteau, les gouvernements ont demandé aux peuples le dernier sacrifice : faites la guerre, pour que vos fils n’aient plus à la faire. Mensonge imbécile. Cette guerre est la guerre. Rien ne prépare la persistance de la paix sinon l’habitude de ne pas consentir à la guerre.”
Je me suis endormi, puis réveillé en sursaut. Je croyais à un bruit de mitrailleuses. Ce n'était que le cri des canards. Qu'il est beau ce cri des canards ! C'est toute la paix. J'ignorais que j'aimais à ce point le cri des canards... Mais il n'y a plus de paix sur la terre. Je suis enfermé cerné, serré dans la guerre et dans cette paix qui sera la guerre plus que la précédente encore.
Pardonnez-moi, Saint-Ex, pardonnez-moi, Tonio. Vous ne conteriez pas de si pauvres choses. Vous les annulez ou les brûlez. Vous faites du cristal. Mais je ne sais pas voler. Je touche, en ce moment, aux lieux bas. Je n'espère plus beaucoup de moi ni du monde. Je suis vieux quand vous n'êtes pas là. Où êtes-vous ? Je ne sais même pas si vous êtes vivant. Je rêve parfois que votre avions a été touché, qu'il est tombé dans une catastrophe de ferraille et de feu. Je me traîne avec mon vieux métier. Je conte les lieux bas, je conte, dans cette immensité de la guerre, des histoires d'insectes.
Le jeune Debray est des camps de jeunesse. Depuis quelques années, ils tendait les bras vers un inaccessible bachot. Il porte maintenant un séduisant uniforme, on dirait un phalangiste.
La fascisme utilise les imbéciles de ce type et crée pour eux un milieu favorable. Oubliés à fond de cale, ils montent sur le pont et feront chavirer le monde.
Je me sentais humilié. J'étais le vaincu, qui reçoit sa nourriture de la générosité du vainqueur. Telle est la guerre, elle impose une grossière simplification ; elle pense pauvre, elle contraint à penser pauvre, par grosses catégories, elle oppose les nations dans un excès d'unité qui n'est que démence, elle oppose le vainqueur et le vaincu, elle supprime les conflits délicats et les remplace par un pugilat. Si grand soit le pugilat, ce n'est qu'un pugilat. Mais rien ne peut faire en cette minute que ce soldat ne soit toute la victoire et moi, toute la défaite.
[NB : un soldat allemand vient de proposer une boite de conserve au narrateur et à sa famille affamée]
Je m'abandonne à ces pauvres réflexions, en même temps que je suis des yeux une courbe sinueuse aux panneaux d'un vieux buffet. Ma pipe, le vieux buffet sont devenus mon opium. Mais je ne peux pas perdre mon accrochage à moi-même, je ne veux pas perdre mon accrochage à ce qu'il faut bien que je nomme la civilisation. Je ne suis pas l'homme d'une île déserte et d'ailleurs, il n'y a plus d'îles désertes. Montaigne, Pascal, l'humanisme. Mais gare aux cuistres, qui en tiennent commerce, gare aux petits boutiquiers de l'humanisme.
C'était après le dîner. Deux soldats sont entrés. Ils cherchent des chambres. Madame Rose leur dit que sa maison est petite et qu'elle n'a d'autre lit que le sien et celui de ses enfants. Mais un des soldats met la main sur la poignée de la porte, qui est entre la cuisine et les chambres.
«Je veux voir... (cheu feu foir...)» dit-il.
Nous savions que nous étions sous sa botte, mais nous le sentons en cette minute à l'intérieur de notre peau.
Ils ont visité de la maison et ils sont partis, sans rien dire, sans même nous regarder.
Je n'ai pas besoin d'un dictionnaire pour définir la force et l'autorité. Je ne suis plus que l'homme d'une tribu captive.
Ils sont près de nous, contre nous et autour de nous. Ils sont hors de la maison et dans la maison, où ils entrent quand il leur plaît.
L'Européen pour manger se sert d'une fourche. Il en enfonce les pointes dans la viande. Il prend un chargement de légumes, comme un paysan prend une brassée de foin.
L'Extrême-Oriental, avec ses deux baguettes qui s'articulent dans la main, vise des objets menus et dispersés. On dirait toujours dinette et travail d'art. Les mouvements agiles et précis donnent l'illusion d'une subtile mécanique. Manger semble oeuvre de choix.
J'apprend par le bulletin paroissial que Dieu a accordé un miracle à la France en la personne du Maréchal.
Le buste du Maréchal remplacera celui de Marianne dans les mairies, les écoles, les tribunaux.
En politique, la distance est à peu près nulle entre l'homme le plus instruit et le plus inculte. Et les comportements ne diffèrent guère de la masse que par leur canaillerie.