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3.67/5 (sur 6 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Léon de Mattis est l’auteur d’un livre intitulé Mort à la démocratie et paru en 2007 à l’occasion des élections présidentielles en France. Il participe également au projet Sic, revue internationale consacrée à la communisation.
Engagé dans un parti de gauche, allant jusqu’à se présenter sur une liste de candidats aux élections municipales, il a tiré de ce triste passé de citoyen exemplaire une conviction jamais démentie : les élections sont un piège à cons et la démocratie est l’ennemie de la liberté. Léon de Mattis n’a plus pris part à aucune élection, comme candidat ou comme électeur, depuis 1989.

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Citations et extraits (8) Ajouter une citation
Chaque campagne électorale, qu’elle soit présidentielle, législative, régionale, cantonale, municipale ou européenne, exhibe et ressasse à l’infini toutes les tares de l’exercice démocratique. Les mêmes mensonges sont resservis avec la même impudeur, parce qu’il y a longtemps que les politiciens ont adopté le fameux adage : «Plus c’est gros, plus ça passe.» On prétend contre toute évidence être ce qu’on n’est pas, et on cache soigneusement ce que l’on est. Un vieillard milliardaire et raciste devient un « candidat antisystème ». Un défenseur de toutes les valeurs conservatrices se mue en « candidat de la rupture ». Les pires tenants de l’ordre sécuritaire et des valeurs familiales traditionnelles assurent qu’ils sont de gauche. D’anciens ou de futurs ministres se découvrent soudain les porte-parole de la protestation anticapitaliste, et font concurrence aux révolutionnaires officiels des partis bureaucratiques.
Pourtant, le pire n’est pas dans cette collection d’arguments absurdes et de débats sans queue ni tête. Le pire n’est même pas dans la manière dont, une fois de plus, ce qui se passe vraiment dans ce monde est occulté par le rappel de la dernière formule assassine échangée au cours de la campagne. Non, le pire est dans le fait que tout le monde se rend bien compte que tout ceci est vain.
Au lendemain des élections, rien n’a changé. Les exploités sont toujours exploités, et les riches restent riches. Les nécessités de la valorisation capitaliste continuent de ruiner, lentement mais sûrement, les possibilités de survie à la surface de cette planète. La politique internationale reste dominée par la force, la ruse, le diktat : et si les camps en sont moins lisibles qu’à l’époque de la guerre froide, ils sont bien là pourtant, avec d’un côté les « démocraties occidentales » et les États-Unis en tête, et de l’autre ceux qui prétendent s’opposer à leur « impérialisme » mais font régner dans leurs rangs un ordre plus brutal encore. La politique intérieure, à quelques nuances près, demeure la même : lois répressives pour les pauvres, expulsion pour les sans-papiers, cadeaux fiscaux aux entreprises. Même le plus trotskyste des candidats ne pourrait rien changer à cela si, élu par quelque miracle, il n’était capable de renverser ce qui est à la racine de l’exploitation. Mais cela, aucun gouvernement n’a jamais pu le faire, tout simplement parce que n’est pas le pouvoir qui possède la possibilité de dissoudre l’être même du pouvoir.
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Quelques jours plus tard, avec Robert, je me rends à une conférence de presse donnée par Joxe. Le ministre de l’Intérieur du gouvernement Rocard est en service commandé : il n’a accepté de mener la bataille à Paris que parce que le président le lui a demandé, mais on sent qu’il n’est pas enthousiaste. Joxe répond quand même avec aisance aux questions des journalistes, et je ne peux m’empêcher d’admirer le fonctionnement de cette sorte de machine de précision qu’est un politicien de haut niveau. En écoutant le ministre de l’Intérieur parler, je me demande pourquoi je me sent prêt à être aussi indulgent avec ce type. Maurice me fait le même effet. Comment est-il possible que l’un et l’autre me soient malgré tout sympathiques ?
La réponse est à la fois simple et consternante. Tout, dans leur discours ou leur comportement, est remarquablement logique. Ils sont finalement plus honnêtes que les autres parce qu’ils savent faire sentir, en même temps que la manœuvre, la nécessité de manœuvrer. Une fois admises certaines évidences du fonctionnement réel de la démocratie, tout le reste en découle : on perçoit combien il serait stupide de ne pas en arriver aux conclusions qu’ils tirent, et quelle dose d’aveuglement et d’ignorance il faudrait conserver pour ne pas se retrouver d’accord, sur l’essentiel, avec leur manière d’agir. Il n’y a pas d’échappatoire. Il faut soit accepter d’être comme eux, soit remettre en cause de manière radicale les fondements mêmes de tout le système politique.
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Quelle que soit la personne désignée finalement par le vote, elle me demeurera en tous points absolument étrangère. Elle ne me représentera pas. Ses paroles et ses actes ne m’engageront en rien. Elle incarnera l’État d’une manière abstraite et fantoche, comme une image dans une télévision, et ses discours, prolongements insipides d’une campagne toute aussi vaine, s’oublieront aussi vite qu’ils ont été prononcés. La machine du pouvoir subsistera dans l’état de ce qui fait sa puissance réelle, avec ses flics, ses juges, ses matons et ses serviteurs divers et variés. Les pauvres seront toujours pauvres et les riches toujours riches. Et ce qui pourra être détourné de cette logique d’exploitation ne le sera jamais parce qu’un politicien, meilleur qu’un autre, aura été élu, mais parce que cela sera arraché par des luttes d’autant plus libres qu’elles seront plus sauvages.
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George Bush Junior a reculé les limites de la crétinerie congénitale bien plus loin encore que ce qu’on aurait pu imaginer. Mais peut-on sérieusement penser que les choses auraient été si différentes si c’était Al Gore qui l’avait emporté ? Le bilan diplomatique et militaire serait peut-être un peu moins accablant. L’aveuglement face aux dangers du changement climatique ne serait sûrement pas aussi caricatural. Mais le système impose aux dirigeants de telles contraintes que leur marge de manœuvre réelle est limitée : leur personnalité, ou même leurs préférences partisanes, ne pèsent pas lourd face aux exigences réelles de la domination capitaliste — ce qu’on appelle dans les médias « les nécessités économiques » et qui imposent leur marque dans tous les domaines : sociaux, diplomatiques, culturels, etc. Dès lors, qu’importe en effet que la majorité des votants ait préféré Gore à Bush mais que le hasard combiné avec une petite dose de tricherie ait désigné comme président ce dernier plutôt que le premier.
La conclusion de ce raisonnement s’impose par sa logique. Pourquoi perdre son temps à suivre des débats insipides et à écouter des discours creux, pourquoi se presser un dimanche pluvieux dans un préau d’école sinistre, pourquoi s’ennuyer ferme devant une soirée électorale télévisée si c’est pour savoir qu’au fond son misérable bulletin pèsera moins qu’une plume face à l’aléa de règles électorales nécessairement imparfaites, et ce pour finalement départager deux prétendants qui une fois élus mettront en œuvre, à quelques détails près, une politique similaire ?
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Je reçois une lettre du ministre de l’Intérieur. Pierre Joxe, un fidèle du président, a finalement été désigné pour conduire les listes « Vivre ensemble à Paris » et il s’adresse à l’ensemble des candidats du parti. Il va falloir aller chercher la victoire « porte à porte ». Chacun doit « se tenir prêt ». Le ministre conclut en disant : « Ce qui se joue là est notre capacité collective à entamer durablement la déstabilisation du système qui régente Paris. »
Joxe a raison. La victoire se jouera « porte à porte ». Avant le 31 décembre, nous avons fait le forcing pour domicilier un maximum de nos connaissances dans l’arrondissement. Plus de dix personnes sont supposées loger dans l’appartement de Serge. Mais, comme aime à le raconter Maurice, on n’arrivera jamais à faire aussi bien que la droite, qui a réussi à faire tenir cinquante habitants dans un local de campagne de vingt mètres carrés. Les champions toutes catégories sont, on le sait, Tibéri dans le cinquième arrondissement et Dominati dans le troisième.
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La période ouverte après le 21 avril 2002 était tout simplement extraordinaire. Une véritable hystérie s’empara des leaders de la gauche et tous, à l’exception notable d’Arlette Laguiller, se précipitèrent pour appeler à voter Chirac. L’épouvantail de l’extrême droite pu alors remplir parfaitement son rôle, qui est celui de sauver la démocratie : celle-ci, malgré ses vicissitudes, apparaît quand même préférable au masque grimaçant de l’ancien parachutiste. En France, le chantage démocratique a un nom : celui de Jean-Marie Le Pen.
Le résultat, c’est qu’il est impossible de savoir, sur ces 82 % de personnes qui ont exprimé leur suffrage en faveur de Chirac, combien approuvent véritablement sa politique : car la seule manière d’empêcher Le Pen d’arriver au pouvoir était de favoriser la victoire de son rival. L’exemple de 2002 est caricatural mais il permet de comprendre en quoi le vote n’est en rien l’expression de la « volonté » de ceux qui votent. Quand l’offre politique se résume à Le Pen ou à Chirac, où se trouve le choix ? Entre la corde ou le fusil, quelle est votre préférence ? La démocratie respecte la volonté de l’électeur comme le bourreau respecte les dernières volontés du condamné à mort.
Pourtant, nombreux sont ceux qui, cédant au chantage que la démocratie a exercé sur eux, sont allés mêler leur voix aux partisans du leader de la droite. Tous ces gens de gauche qui ont voté pour Jacques Chirac, que peuvent-ils dire à présent des réformes conduites par la majorité présidentielle ? En toute logique démocratique, n’en sont-ils pas eux aussi responsables, puisque c’est sous l’autorité de celui pour qui ils ont voté qu’elles sont mises en œuvre ? Ces mêmes qui faisaient la leçon aux abstentionnistes en 2002 sont-ils prêts aujourd’hui à reconnaître que les lois liberticides de Sarkozy et de Perben ont été adoptées grâce à leur consentement ?
On prétend parfois que ceux qui n’ont pas voté n’auraient pas le droit de se plaindre : il semblerait plutôt que seuls ceux qui se sont abstenus au deuxième tour de la présidentielle peuvent aujourd’hui se dédouaner de la responsabilité de la chasse à l’enfant sans-papiers que Sarkozy a déclenché dans les écoles, les collèges et les lycées. Bien plus que l’abstention, c’est le vote qui fait du citoyen le complice des infamies du pouvoir.
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Parler de « droit naturel », comme le font les juristes, est à peu près aussi dénué de sens que de parler d’un « centre des impôts naturel » ou d’un « palais de justice naturel ». Le droit n’est pas plus naturel que « l’économie » ou « l’État », mais il est de l’intérêt des idéologues d’essayer de nier son caractère exclusivement social et historique. Car ce que l’histoire a amené, elle peut aussi bien le balayer, et le droit aimerait se donner pour éternel parce qu’il est au service d’une domination qui elle aussi vise l’éternité.
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Le 12 mars 1989, jour du premier tour des élections municipales, est arrivé. Des élections, depuis trois ans que je suis au parti, j’en ai connu quelques-unes. J’ai occupé tous les postes. J’ai été assesseur, secrétaire du bureau de vote, délégué du candidat. Je n’ai pas été président, parce que les présidents de bureau de vote sont désignés par le maire et que nous sommes l’opposition municipale ; et puis je suis trop jeune.
Aujourd’hui, pourtant, je ne suis rien. Enfin si, je suis candidat. Je vais dans l’isoloir et je regarde notre bulletin. Demain, ou dans quelques jours au plus tard, je sais que je vais rendre ma carte du parti.
J’hésite un peu, puis j’écarte notre bulletin. Je glisse un bout de papier blanc dans l’enveloppe et je me rends vers l’urne.
Je sors du bureau. Ma résolution est prise : c’est la dernière fois que je vote.
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