A première vue, il semble qu’il n’y ait pas grands changements dans la mythologie de cette époque. Nous retrouvons tous les dieux védiques, nominalement au moins ; seulement ils se sont anthropomorphisés, ils ont pris l’apparence de monarques ou de guerriers ; les mythes à peine indiqués dans le Rig-Véda, ont pris consistance, se sont développés en légendes ; enfin les fonctions souvent vagues des dieux se sont précisées : les uns ont gagné en importance, d’autres ont déchu, d’autres encore ont totalement changé d’attributions.
Une nation ermite. Au centre de l'Asie, à deux pas des frontières de l'Inde anglaise et des avant-postes russes, entouré comme d'un formidable rempart par une ceinture de montagnes — les plus hautes du globe — et d'arides déserts, il est un petit peuple de quelques millions d'habitants qui, content de son sort et peu soucieux de goûter les bienfaits de notre civilisation, défie depuis plus d'un siècle les efforts tentés par les Européens pour pénétrer chez lui soit de force, soit par persuasion. Cet ermite des nations, cette contrée, sage ou folle, que la volonté de ses habitants — mieux encore que les obstacles accumulés par la nature sur ses frontières — rend plus inaccessible que les mystérieuses profondeurs du continent noir, se donne le nom de Bod ou Bod-Youl « Pays de Bod », forme corrompue du mot sanscrit Bhot, selon Hodgson qui s'autorise de cette étymologie pour émettre la supposition — très hypothétique à notre avis — que les Tibétains (Bod-pa) n'avaient encore donné aucun nom à leur pays avant la venue parmi eux, au VIIe siècle de notre ère, des missionnaires bouddhistes indous, leurs initiateurs à la civilisation.
Toute capitale qu'elle est, Lhasa ne peut prétendre au titre de grande ville, ni pour sa superficie, ni pour sa population, au sujet desquelles, il faut bien l'avouer, les voyageurs ne sont pas d'accord. Suivant les uns, elle n'aurait que 4 kilomètres de circonférence, tandis que d'autres lui en attribuent huit. De même, au point de vue de la population, les appréciations varient de 15.000 à 80.000 habitants.
De même que les Grecs et les Latins, les anciens Indiens n’ont point donné de nom particulier à leur croyance nationale ; ils la nommaient simplement, et leurs descendants la nomment encore, le Dharma, c’est-à-dire la Loi ou le Devoir. Nos anciens auteurs l’appelèrent Religion des Brâhmanes, d’où l’on a fait ensuite le terme Brâhmanisme. A leur tour, enfin, les savants qui l’étudient de nos jours ont cru devoir la diviser en trois périodes distinctes, qu’ils ont nommées Védisme, Brâhmanisme, et Brâhmanisme sectaire ou Hindouisme.
Autant le Tibet est pauvre en fait de végétaux, autant, malgré la rudesse de son climat, il est riche en animaux de tous genres, sauvages et domestiques. Ses troupeaux sont la fortune de la plus grande partie de la population, bergers semi-nomades vivant sous la tente et ne venant de loin en loin dans les villes que pour échanger le beurre, la laine, le poil et les peaux de leurs animaux contre la farine d'orge et le thé en brique nécessaires à leur subsistance.
Malgré sa grande antiquité, ce n’est guère que depuis un siècle que la possession de ses livres sacrés et la connaissance du sanscrit, sa langue liturgique, nous ont fourni des données précises sur la religion du groupe ethnique qui, au jour de la séparation et de l’exode du berceau familial, a pris sa route vers l’Inde, tandis que les autres branches de la race aryenne ou indo-européenne venaient peupler et civiliser l’Europe.
En ce qui concerne le Tibet, situé loin des rivages visités par les flottes européennes, ces faits n'ont pu avoir sur lui qu'une action réflexe et seulement depuis qu'il est tombé définitivement sous la domination de la Chine, et nous avons à chercher d'autres causes à sa méfiance jalouse.