Leonardo Patrignani interview and COD Granata
Chacun de nous vit un nombre potentiellement infini de vies. Peu de gens en ont conscience. Vous en faites partie. Mais l'âme qui relie chacune de nos existences individuelles...est une seule. J'ai en moi tous les Thomas Becker que j'ai décidé de ne pas être.
Ta vie est un sentier d'ombres et de lumières.
Tu y crois le matin, lorsque tu te réveilles, que tu te laves le visage devant le miroir, que tu marches dans les rues de ta ville, et que tu parles aux gens. Tu en doutes le soir, lorsque dans l'obscurité s'éclaire le théâtre de ton imagination, et que s'animent les acteurs d'une histoire que tu ne peux oublier.
Un battement de cils, un coup d’œil à la fenêtre, une respiration de nouveau régulière. L'orage déjà se calme, les cris joyeux de tes amis montent du jardin.
Mais ce n'est qu'une autre face du dé.
"_Oui, Jenny je suis à une dizaine de mètre de la route, sur la première partie de la jetée. Devant moi il y a un réverbère et, à quelques pas, un petit escalier qui descend sur la plage.
Alex se tut, tandis qu’une peur nouvelle s’emparait de son esprit.
_Jenny ?
Il respira profondément. Il craignait de perdre le contact d’un moment à l’autre.
_Tu m’entends toujours ?
_Alex, je suis devant le même réverbère, près du même escalier. Exactement là où tu prétends être."
Puis elle ferma les yeux, et repensa aux dernières phrases d'Alex.
"Tu es le plus beau rêve que j'ai jamais fait."
"Je n'ai jamais rien éprouvé de semblable."
"Je veux te rencontrer, même si je dois aller au bout du monde."
Ces mots lui avaient réchauffé le cœur ces derniers temps, et la consolaient en attendant le moment qui, selon ses espérances, allait changer sa vie pour toujours.
"Jenny regarda la route où se levait une violente tempête de poussière. Les familles qui habitaient les petites maisons du village étaient là. Les femmes, les hommes, les enfants, tous s'embrassaient et se tenaient par la main. Personne ne fuyait, personne ne se laissait prendre par la panique insensée qui s'était répandue au coeur de la métropole. Cela n'aurait servi à rien."

"Chacun d'entre eux est une ligne", pensa-t-il, et il se mit à voir chaque personne comme une ligne tracée sur une carte hypothétique. Un gigantesque enchevêtrement de routes qui se croisaient, s'effleuraient, se rejoignaient, et continuaient plus loin. Là, au-dehors, dans les rues du monde, des milliards de directions. Des voies prises de travers par hasard, parfois brutalement interrompues. Il pensa un instant que deux amoureux n'étaient que deux parcours livrés au hasard. Ils pouvaient dessiner les trajectoires les plus absurdes sur une mappemonde, se diriger partout, et ne jamais se rencontrer. Ou alors se croiser, plusieurs fois même, sans jamais se reconnaître. Ils pouvaient prendre le même autobus tous les matins, sans rien savoir l'un sur l'autre. Et ainsi de suite jusqu'à la fin de leurs jours, sans qu'il y ait jamais la moindre interférence entre leurs parcours. Et pourtant, il suffisait de si peu de chose: l'échange de quelques mots, ne serait-ce que fortuitement, et les lignes se rejoindraient comme par magie. Les traits gris des chemins solitaires ne feraient plus qu'une seul route.
Chacun de nous vit un nombre potentiellement infini de vies. Peu de gens en ont conscience. Vous en faites partie. Mais l'âme qui relie chacune de nos existences individuelles est une seule.
Et si notre vie n'était pas tracée d'une seule voie mais d'une multitude de possibilités?
Tandis qu'Alex et Jenny s'étreignaient, une lumière éblouissante jaillit du point de leur union, se reflétant sur le triskèle et produisant une étincelle qui illumina et fit vibrer les contours de la réalité environnante. Enlacés dans le noyau de cette explosion de lumière, Alex et Jenny ne pouvaient que sentir la vibration qui émanait d'eux et qui se propageait à tous les gens de la gare.
[...]
Alex et Jenny avaient aboli les frontières spatio-temporelles, ils étaient finalement ensemble.
Ils auraient pu croire que c'était un point final, un aboutissement, mais ce n'était qu'un point de départ.
Au moment même où Jenny atterrissait à l’aéroport Malpensa de Milan, Alex parvint enfin à trouver la clé. Le tourbillon emporta sa pensée au loin, détachant violemment son esprit de sn corps, qui tomba en arrière dans le sable. Ce fut comme un voyage à travers un défilé très rapide de vsages et de paysages. Il entendait résonner un chœur de cris, de lamentations, de pleurs et de rires… Il avait la sensation d’être projeté à la vitesse de la lumière dans un tunnel, jusqu’à ce que tout disparaisse. Le fracas s’arrêta d’un coup. Il était plongé dans le silence.
Autour de lui, tout était noir.