Désir d'être peau-rouge
La plaine infinie et le ciel son reflet.
Désir d'être peau-rouge.
Aux villes sans air parvient parfois sans bruit
le braiement d'un onagre ou le trot d'un bison.
Désir d'être peau-rouge.
Sitting Bull est mort : aucun tambour
pour annoncer son arrivée sur les Grandes Plaines.
Désir
d'être peau-rouge.
Le cheval de fer traverse à présent sans crainte
des déserts brûlés de silence.
Désir d'être peau-rouge.
Sitting Bull est mort et aucun tambour
ne le ramènera du royaume des ombres.
Désir d'être peau-rouge.
Un dernier cavalier a traversé la plaine
infinie, laissant après lui une poussière
vaine, qu'ensuite le vent a défaite.
Désir d'être peau-rouge.
Dans la Réserve ne niche plus
le serpent à sonnettes, mais l'abandon,
DÉSIR D'ÊTRE PEAU ROUGE.
(Sitting Bull est mort, les tambours
le crient sans espoir de réponse.)
Un animal fuit …
Un animal fuit au fil du labyrinthe
ne laissant qu’une trace de bave,
le poème vit là.
Le baiser du soir
Extrait 2
Père, je suis mort, déjà, et quelle obscurité
tout cela :
pas de lune, pas de soleil, pas de terre ici,
père, je suis mort.
Nous sommes les morts comme des malades
et le cimetière est l’hôpital
on y joue au docteur
drap blanc et bistouri
et des tombes comme autant de lits
pour rver : ils sont si blancs ces os
père si blancs : comme rêver.
Les autres disent, les plus morts d’entre nous,
ceux qui passent un temps fou
à se venger ici de Dieu,
que le Diable viendra, le bon Diable,
qu’il viendra le Diable avec plus de fleurs
que personne n’en peut porter.
Père, je suis mort, je ne suis pas seul
père, je suis mort, j’ai des amis
avec qui jouer.
…
Le baiser du soir
Extrait 3
Mère, ces baisers que tu reviens
me donner dans la tombe
me réveillent, me donnent froid
j’ai été vivant, je l’ai su
maintenant
laisse-moi oublier.
Père, je suis mort, et la tombe
est un berceau bien meilleur
père, il n’y a personne, je suis seul
père, si un jour à nouveau
je retourne parmi vous, père si à nouveau je vis
j’ignore de quoi je pourrais rêver.
Les jours de pleine lune…
Les jours de pleine lune
le crapaud se cache dans les bois.
Quand le jour se lève, l’aurore
le chasse dans les montagnes.
Le jasmin envahit les champs
pendant que le crapaud se traîne
une épine dans le flanc.
Les crapauds n’ont pas de nom
quand ils meurent dans la montagne.
Le baiser du soir
Extrait 1
Père, je m’en vais :
je vais jouer dans la mort,
père, je m’en vais.
Dis adieu à ma mère,
éteins la lumière de ma chambre :
père, je m’en vais.
Dis à l’enfant qui rit là-bas,
je ne sais de quoi, peut-être de la vie,
mon nom, rien que mon nom
range bien mes jouets
l’ours avec l’ours, et range le chien
près de l’oiseau, quant au canard
laisse-le seul, le canard :
père, je m’en vais : je vais jouer avec la mort.
Il y avait une flamme, oui dans mes yeux,
d’avoir tant de nuits veillé,
et que personne n’avait su fermer
sinon moi ; pardonne-moi, père, s’il n’y avait
personne, à part moi : je m’en vais,
je m’en vais seul jouer avec la mort.
…