- Vous savez dans quelle situation à la con vous me mettez ?
Le directeur adjoint eut un hochement de tête.
- Tout à fait ! Celle d'un faux-cul. C'est celle dans laquelle je me retrouve régulièrement, Peterson. On s'y fait, vous verrez. Et puis, c'est pour la bonne cause, non ?
La fille pencha la tête. Daniels s'entretenait avec le patron du pub.
- qu'est-ce qui se passe ?
- Rien de grave, ne vous inquiétez pas. Vous connaissez David Bowie ?
- Prenez-moi pour une quiche pendant que vous y êtes ?
- La chanson Ashes to Ashes ?.......
- Je n'aimerais pas qu'il t'arrive quelque chose, c'est tout.
- Il m'arrive toujours quelque chose.
- Avec moi, au moins...
- Il ne m'arrivait rien, en effet, coupa Kate. C'est sans doute pour ça que ça n'a pas marché entre nous.
Martin se renfrogna immédiatement.
- Vous vous croyez dans un épisode des « Experts : Miami » ? Ça prend un peu plus de temps que ça.
Il la regarda de nouveau avec une froideur insupportable et ce qu’elle lut dans ses yeux accrut encore son malaise. Pourquoi ne la fermait-elle pas ? Non seulement, elle venait jouer sur son terrain sans y avoir été invitée, mais elle se permettait de lui tenir tête. Si elle voulait gagner sa confiance, elle allait devoir trouver des stratégies plus élaborées ou simplement l’impressionner en faisant son job. Mais Peterson ne devait pas être facilement impressionnable. Ce que lui avait dit Garrett au sujet de l’incident de Finsbury Park recoupait ce qu’elle avait lu dans son dossier.
Major Tom, comme il l'avait surnommé en référence à la chanson de Bowie, n'avait rien volé cette fois-ci, pas plus que lors des deux autres meurtres. Le tueur passait par là comme une ombre, insaisissable, en finissant rapidement sa victime, faisant tourner en boucle Ashes To Ashes, puis disparaissait sans laisser plus de traces qu'une anguille dans la mer.
Tout ça n'avait aucun sens.
Stephen Walters entrouvrit les yeux. Sur le seuil de la salle de bain, la silhouette sculpturale de Livia Dolori vacillait dans une lumière trouble. Sein lourds, hanches superbement dessinées, jambes longues et galbées, elle avait tout de la femme avec laquelle on imagine recréer le paradis terrestre. Ou descendre aux enfers... Il ne le savait plus lui-même. Livia l'avait littéralement violé à peine le seuil de la chambre franchi, et une fois de plus, il s'était défendu mollement, incapable de résister à son parfum, à l'élasticité de ses hanches, à la douceur de ses lèvres sur sa nuque. Chatte, femelle, panthère livrant combat bec et ongles puis reprenant l'apparence d'un ange de lumière, apaisée et apaisante, divinement séduisante, et l'instant d'après rampant avec la beauté du diable pour ranimer son souffle, tordre ses entrailles et stimuler son désir comme on active le feu d'une forge.
Trop de précautions, trop de scrupules paralysaient l'action ; or, seule l'action assurait le succès en ce monde.
La presse spécialisée, comme la presse people, pouvait s'intéresser à sa vie privée. A moins que ce ne soit la concurrence. D'autres entreprises avaient peut être décidé d'espionner sa vie de couple dans l'espoir de glaner quelques détails sordides qu'elles pourraient jeter en pâture aux médias pour affaiblir sa position sur le marché. Restait enfin la possibilité d'une mise sous surveillance par le gouvernement. Stephen ne lui parlait guère des recherches. A quel niveau de confidentialité se situaient-elles ? Elle avait investi pas mal d'argent dans sa société sans savoir exactement ce qu'on y faisait. Par amour, en toute confiance. Peut-être n'avait-elle pas assez mesuré les conséquences d'un tel engagement.
Le pardon était une erreur et un luxe que seuls les lâches pouvaient se permettre.
On n'a pas toujours besoin de barreaux pour se sentir prisonnier.