Citations de Lieve Joris (50)
Il se réveilla en sursaut, chercha à tâtons le corps chaud de sa femme, comprit ou il était et lutta contre l'angoisse qui refaisait surface. La violence était cyclique- il n'avait jamais rien connu d'autre. Il y avait toujours eu la guerre.
Repartir au front. Toujours la guerre. Il aurait préféré rentrer dans le ventre de sa mère. Mais il n'avait pas le choix- depuis longtemps, il n'était plus un homme libre.
Il se réveilla en sursaut, chercha à tâtons le corps chaud de sa femme, comprit où il était et lutta contre l’angoisse qui refaisait surface. La violence était cyclique – il n’avait jamais rien connu d’autre. Il y avait toujours eu la guerre.
J’ai eu la chance d’avoir des gens comme Kapuscinski et Naipaul qui m’ont précédée et qui montrent le chemin avec une torche bien forte.
Celui qui n'a pas d'enfant peut au moins laisser des mots.
Chez moi, on me demande parfois si je ne me sens pas seule ou si je n’ai pas peur au cours de mes voyages. Comment éprouver un sentiment de solitude ou de crainte dans un pays où, au bout de trois jours déjà, quelqu’un qui a pris la peine de se souvenir de votre nom vous repère dans la foule ?
Jadis, Varsovie était située à l'Ouest du royaume de Pologne, entre-temps le pays a été tellement grignoté que Varsovie se trouve à l'Est. C'est une ville ressuscitée de ses cendres, un corps couvert de cicatrices.
Je voulais savoir comment on vivait dans des régions dont personne ne parlait. Je voulais voir quelque chose d'arbitraire, de fortuit.
Au bar Amicale à la Tshopo, à trois heures du matin, un soldat a lancé une grenade qui a tué ledit soldat et deux civils? Le soldat était ivre mort, et cherchait la gabarre avec des citoyens paisibles qui fêtaient l'anniversaire d'un abbé. Les corps des civils reposent à la mairie de la Tshopo. Il s'est avéré que la dispute concernait une femme que le soldat et l'abbé convoitaient tous les deux. 3que fait un abbé à trois heures du matin dans un bar, dit Adèle, indignée, et avec une femme par-dessus le marché!"
Nous nous comportons comme toujours quand nous sommes réunis : nous déambulons tels des animaux mécaniques remontés à bloc, discutons en aparté à la cuisine et dans le living, nous félicitons mutuellement, nous tripotons, examinons rides, cheveux gris et kilos excédentaires - des singes qui s'épouillent. Aussi divergentes que soient désormais nos vies, dès que nous sommes ensemble, nous nous retrouvons en terrain connu, dégringolons comme à travers une trappe dans notre passé et reprenons nos positions antérieures.
J’avais l’habitude des choses étranges que voulaient savoir les vieux hommes des hauts plateaux, mais les questions de Mbiyo Mbiyo dépassaient tout. Comment se faisait-il qu’il y eût des Blancs et des Noirs ? Y avait-il des Belges qui pouvaient tuer une bête sauvage avec une lance ? Quelles tribus vivaient en Belgique ? Avions nous aussi des Hutu et des Tutsi ? Et en Asie, quelles tribus habitaient là ? Combien y avait-il de pays au monde ? L’Océanie était-elle à l’origine attachée à l’Union soviétique ?
Mbiyo Mbiyo lisait les réponses sur mes lèvres, comme s’il ne se fiait pas totalement aux traductions de Kizeze. Il n’avait pas terminé l’école primaire ; remâchait-il ces questions depuis lors ? Une encyclopédie pour enfants, voilà qui serait utile dans cet environnement. Mais dans ses questions filtrait aussi, de la même manière que dans celles des vieux hommes sur la colline de Bijombo, une certaine ironie – comme s’il se payait ma tête.
En trentrant du travail, Mme Taher raconte invariablement des histoires sur le vent poussiéreux qui souffle dans les rues du Caire, ou sur le trafic intense qui l'a obligée à attendre au moins dix minutes avant de pouvoir traverser.
Comme si souvent dans ces contrées, il fallait s'arrêter pour comprendre ce qui se tramait autour de soi. C'était un monde d'hommes où l'information était enregistrée de manière silencieuse et se transmettait par un regard en coin, un sourire mystérieux ou un seul mot.
Le reste de la ville flotte autour de moi comme un manteau trop ample.
j’avais lu un article rapportant que des familles chinoises dont un enfant était mort célibataire cherchaient à se procurer les os d’une défunte que leur enfant pourrait encore épouser dans l’au-delà. L’article était accompagné de la photo d’un paysan qui avait été arrêté, en 2005, en possession des ossements de six femmes : il voulait les vendre aux parents de jeunes hommes décédés dont les esprits agités continuaient à errer.
Il envoie un gamin acheter du coca et balance la canette vide sur la chaussée où elle est écrasée par une voiture qui passe. “Pourquoi fais-tu ça ?” dis-je, choquée. Cheikhna hausse les épaules. “Je paie des impôts, mais je ne vois pas souvent les éboueurs.
“Le Congo est un mauvais pays, dit Daniel, c’est pour ça que je suis parti. Nous avons peut-être des richesses, mais nous ne sommes pas solidaires. Les Chinois viennent chez nous pour nous voler et les autorités congolaises les aident en se servant au passage
Une Belge se souvient d’un Africain qui étudiait la médecine en Chine. Pendant son stage, les femmes enceintes hurlaient en le voyant : elles ne voulaient à aucun prix qu’il assiste à l’accouchement. Il est parti s’installer au Japon, d’où sa femme est originaire, et il a trouvé du travail dans un abattoir.
Un jour, un étudiant chinois est venu le voir et lui a dit : “Je m’excuse de te demander ça, mais est-ce vrai qu’en Afrique vous vivez dans les arbres et que vous ne vous habillez que pour venir ici ?”
Le genre de type que Franck adore faire marcher : “Oui, bien sûr que nous vivons dans les arbres, et tu sais que la Chine a un ambassadeur au Rwanda ? Eh bien, il habite à trois arbres de chez moi.” Alors ils comprennent qu’il y a quelque chose qui cloche et ils vont s’informer plus sérieusement.
Peu après, il était dans le métro et un petit garçon a demandé à son père : “Pourquoi il est noir, le monsieur ?
— Parce qu’il ne se lave pas”, a répondu le père. Autour d’eux, tout le monde s’est mis à rire. Théodore a attendu que les rires se taisent pour prendre la main du gamin dans la sienne et lui dire : “Regarde ma peau, elle est noire parce qu’elle contient beaucoup de mélanine. Vous en avez moins, et les Blancs encore moins. Je viens d’un pays où il fait très chaud et la mélanine me protège contre les rayons ultraviolets du soleil. Ton papa ne t’aime pas, sinon, il ne te mentirait pas."