Le chat qui aimait la brocante de
Lilian Jackson Braun
— Noël à Came-Village, dit Qwilleran au rédacteur en chef, qu’en pensez-vous ?
Assis à son bureau, Arch Riker dépouillait le courrier du vendredi et en écartait la plus grande partie. Perché au coin de la table, Qwilleran attendait la réaction de son vieil ami, sachant qu’il ne pourrait rien déceler sur son visage impassible.
— Came-Village, dit-il enfin, il y a peut-être quelque chose à en tirer. Comment vous y prendriez-vous ?
— J’irais me promener dans Zwinger Street et me mêlerais aux gens pour les amener à parler.
— Et ensuite ? demanda le rédacteur en chef, en se balançant sur son siège.
— C’est un sujet brûlant, j’y mettrais beaucoup de cœur.
Le cœur était le mot clef du Daily Fluxion. De fréquents rappels invitaient les différents rédacteurs à mettre du sentiment dans leurs rubriques, y compris celle de la météorologie. Riker approuva.
— Cela plaira au patron et ça devrait nous attirer des lecteurs. Ma femme sera intéressée, c’est une cliente assidue de Came-Village.
Qwilleran sursauta :
— Rosie ? Vous voulez dire…
Riker continuait à se balancer, avec insouciance, dans son fauteuil.
— Oui, elle y a pris goût, il y a environ deux ans, et Dieu seul sait ce que cela me coûte !
Qwilleran mordit sa moustache pour dissimuler son désarroi. Il connaissait Rosie depuis des années, alors que Arch et lui débutaient dans le métier, à Chicago.
Comment est-ce arrivé, Arch ? demanda-t-il avec douceur.
Une amie l’a entraînée, un jour, à Came-Village et cela a suffi. Je commence moi-même à partager son vice. Figurez-vous que j’ai payé vingt-huit dollars une vieille théière en étain. C’est le genre de choses auxquelles je ne résiste pas : boîtes en étain, lanternes en étain travaillé…
— Hein ! De quoi diable parlez-vous ?
— De quoi parlez-vous vous-même, Qwill ? Il s’agit de la camelote, de la brocante, qu’imaginiez-vous ?
— Je pensais à la came, à la drogue, si vous préférez. N’est-ce pas ce que vous aviez en tête ?
— Pour votre information, Came-Village est le quartier où tous les brocanteurs de la ville se trouvent réunis pour vendre leur camelote.
— Mais… le chauffeur de taxi m’a dit que l’on y trouvait des trafiquants de drogue !
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