Elle n'aimait pas les anniversaires, c'étaient des jours où on était moins innocent que d'habitude face au temps qui passe. Le sien ne faisait pas exception. Elle se sentit triste car elle le passerait seule et cette nouvelle solitude, comment la vivrait-elle si un enfant venait?
- Vous êtes les bienvenues, répondit l’autre. Vous aimez lire ?
Elle se tournait vers la gamine que seule la question devait concerner, elle l’avait deviné.
- Je crois.
La libraire sourit de l’étrange réponse.
- Et qu’aimez vous lire ?
- Oh des comics, des bandes dessinées. Et tout ce qu’on me donne à l’école.
- Elle a vidé l’armoire des voisins, dit la mère d’un ton de réprobation. Se reprochait-elle cette faute d’éducation ? Mais elle s’avisa que la dame en face était probablement aussi mal éduquée et elle rougit un peu. (p. 85-86)
La vengeance noircit l'image des morts, ils ne demandent pas de sang, ils n'en ont plus besoin. Ils veulent de l'amour et des larmes pour les arroser encore un peu.
Le soir parfois elle confie à son homme cette fatigue immense qui lui mange ses forces et alors il lui masse le dos, décharné le dos, que doit-il penser, songe-t-elle, lui qui aimait ses épaules, ses rondeurs, son dos large comme un mur de protection face à toutes les adversités.
Que pense-t-il de ce lâchage, oui elle se dit qu’elle l’a lâché en entrant seule et si vite dans la vieillesse, pas eu le temps de s’habituer, il l’aime, le lui répète, il ne pleure jamais en sa présence mais elle le sent désemparé, il a peur, sa fille aussi fait semblant de vivre comme si de rien n’était, les soirées folles, les guindailles, ne pas rentrer alors qu’elle voudrait peut-être rester là comme une toute petite qui se blottit le plus possible, on ne sait jamais ce pourrait être la dernière fois dans les bras de sa maman si forte que rien ne pouvait lui arriver, elle pensait. (p. 49)
Il fouille dans ses souvenirs. Il n’y a rien qu’une faille de douleur. Avant, il y a longtemps, c’est si loin, il y avait maman et les rires puis plus rien. Ciel nuageux à perpétuité. Pourquoi on ne lui a rien dit ?
Il lit qu’il est un assassin et un des pires, un matricide. Mais ce ne sont que des mots, ils butent contre un mur noir, infranchissable. Il n’arrive pas à y croire, il ne peut pas y croire sinon… La folie gronde à ses oreilles, il se les bouche mais ça continue de l’Intérieur. Il se répète que ce n’est pas de lui dont on parle, il ne se reconnaît pas. (p. 76)
- Qu'est-ce que je vous sers ?
- Votre meilleure bière du coin, dit le policier. Je vous laisse choisir.
- Parfait, vous m'en direz des nouvelles, jeune homme !
A croire que le patron les prend pour des touristes.
- La même chose, dit Joris quand le patron se tourne vers lui.
L'homme, ceinturé d'un tablier de cuisine par-dessus un pantalon de randonneur, vient déposer devant eux les boissons fraîches.
- Une Chouffe, annonce-t-il. Et il désigne le nain qui sourit sur l'étiquette. Ca va avec la maison.
Cela ne servait à rien de fermer les yeux et de se boucher les oreilles, le film était à l'intérieur et repartait en boucle. (p.11)