AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de SZRAMOWO


On enterre les gens dans une tombe à leur taille pendant trois ans, au Vietnam. Puis, ce délai passé, la chair évaporée, on transvase dans un coffret plus chétif ce qu’il reste du corps : les os. Les cimetières sont donc faits de petits coffrets d’os. Ce sont eux qui demeurent, singuliers. Le premier cercueil est temporaire, public, il ne sert qu’à désosser et reçoit, tous les trois ans, différents morts. C’est un lieu de repos passager. Ensuite, dans l’unique boîte, il n’y aura plus que les os propres, comme si la chair importait peu, modifiable telle qu’elle est le long d’une vie, tantôt fraîche, tendre, lisse, tantôt ridée, malade, tavelée, tantôt douce, serrée, tantôt rêche, distendue, tantôt cisaillée tantôt… À la fin, il n’y a plus que les os qui s’entrechoquent.

Les sentiments de la chair, dégoulinants, sont passés. L’émotion terrestre est partie. Ne restent plus que les sentiments des os – essentiels. Nous finissons tous ainsi, après tout, et c’est doux. C’est doux parce que c’est commun. Il y aura eu bien des injustices, bien des secousses, bien des dangers ; il y aura eu des joies, des rires, des peurs, des amours, des haines, des ressentiments, des passions ; il y aura eu des accidents, des voyages, des crises, des maladies… Nous aurons été chacun à notre manière déformés par la vie. Il restera les os des humains – ce que nous avons été au minimum, ce que nous avons tenté d’être au maximum. Maintenant, j’ai compris jusqu’à quel point il faut descendre pour aimer sans retour et pardonner sans regard : jusqu’à cette ultime poche d’os.
Commenter  J’apprécie          144





Ont apprécié cette citation (6)voir plus




{* *}