Linné Lharsson

Elle a cru entendre un bruit. Au fond, elle n'en est pas sûre. Mais elle sent comme une présence derrière elle. Mais quel animal pourrait la suivre sans se manifester ? Un félin ? Un loup ? Pourquoi pas le Dieu Pan, aux pieds de bouc ?! Elle ne sourit pas de sa plaisanterie. Depuis l'orage, elle avance dans le silence. Il n'y a plus aucun cri de rongeur, aucun bruit d'insectes farfouillant la terre ou colonisant les troncs, aucune chanson d'oiseau esseulé. Rien à l'exception d'une odeur animale, aigre et lointaine.

La forêt de platanes a disparu ! Enfant, elle admirait de loin leur couleur semblable au miel .... Les sapins se dressent aussi fiers. Elle les contemple puis hausse les épaules : "Après tout, Mamie n'en sera rien !". Elle respire profondément puis pose le pied sur le sol jonché d'aiguilles, décidée à écouter son chemin en passant par ce nouveau bois "surement planté par la main de l'Homme avide de construire des meubles bon marché!" éructerait sa rebouteuse de grand mère.

Elle s’avança et, en détachant les mots lentement, langoureusement, se colla à lui. Ses mèches couleur ébène retombèrent en halo autour de son visage, faisant ressortir encore plus la blancheur de son teint. Shôgun tituba en arrière. Les doigts fins de la jeune femme l’effleurèrent et s’enhardirent. Elle caressa son cou et le massa puis y déposa un baiser. Moelleux et frais. Un pur délice. Fujimi plongea alors ses yeux dans les siens et son regard lui dit : « Partons !... » L’esprit du vieux monarque s’embruma. Il désira, de tout son être, se trouver loin d’ici, loin des problèmes d’Hachikō. Il voulait être seul avec elle. Il ferait bâtir un palais au Paradis où ils s’enfermeraient pour la fin des temps. Elle avança son visage albâtre, offrant ses lèvres aussi roses que les groseilles qu’il s’enfournait enfant à l’abri des regards, dans un coin du parc... Shôgun se sentit aspiré par sa bouche et n’y résista plus. Elle désirait comme lui ce baiser. Ses lèvres caressèrent les siennes entrouvertes et aussi douces que de la soie.

Elle travaille, depuis trois ans, comme apprentie chez une couturière, Mme Crochet. Celle-ci rit en se présentant aux nouveaux clients et ajoute immanquablement "comme le capitaine !". Si les gens s'intéressent, un tant soit peu, aux histoires pour enfants, ils sourient en se disant que ce nom leur dit quelque chose. S'ils ne lisent pas ces œuvres superflues, ils la regardent surpris et quelque peu impressionnés par l'arbre généalogique de cette grosse dame aux joues bien rouges, couturières de son état, spécialisée dans les corsets et les rubans ajustés "Là où vous voulez !".