- Alix, je t’avais dit de rester en haut. Pourquoi tu m’écoutes jamais ?
La petite recula d’un pas, comme frappée, et affecta une mine scandalisée, plaquant violemment sa main sur la partie droite de son torse.
- Mais je ne demande qu’à obéir, s’injuria-t-elle. Pourquoi ne voudrais-je pas suivre à la lettre les directives d’un adulte quand je sais en toute logique qu’ils ont des années d’expérience sur moi et une maturité dont je n’ai pas la chance d’être bénie ?! Je voulais t’écouter et rester en haut ! Mais ton téléphone a sonné avec un message d’Orphée, et dans mon esprit naïf d’enfant, je me suis dit que ce devait être important, alors je suis descendue te l’apporter ! Et tout ce à quoi j’ai droit pour mes efforts sont des remontrances ?!
Je restai bouche bée, et je pense que n’importe qui dans ma situation en aurait fait de même. À part Iria, qui se contenta de lever un peu plus haut son sourcil.
- Le cœur est à gauche, ma fille, pas à droite.
Je me concentrai sur ma môme et son frère siamois.
- Bon, les jeunes, déclarai-je gravement, je sais bien que c’est votre jour de congé, entre guillemets, mais parlons business. Y’a des nouvelles, concernant cette unité spéciale, ou pas ?
- Tu veux dire les nouvelles concernant les mesures que le gouvernement a prises, celles concernant les mesures qu’on a prises, ou les nouvelles que tu pourrais avoir avec facilité si tu voulais bien faire l’effort d’aller aux Légendes et affronter la Abuela, demanda Jude comme s’il était sincèrement intéressé.
- Alors, toi, déjà, va te faire mettre, répliquai-je.
Je me tournai vers l’enfant terrible qui, à défaut d’être le fruit de mes entrailles, était à mon grand malheur ce qui s’en rapprochait le plus.
- Et toi, est-ce qu’il y a un truc, juste un truc, que tu lui répètes pas ?
- On skype aux chiottes, Jack. Tu crois vraiment que ça me viendrait à l’idée de pas lui dire quelque chose ?
La dernière fois que je l’avais vue, elle n’était qu’une merdeuse capricieuse et coléreuse, une peste en passe de devenir l’un des plus grands dangers que cette terre ait jamais vus. Aujourd’hui, c’était autre chose.
Aujourd’hui, ce n’était plus les crises de nerfs et l’hystérie d’une gamine qui, à défaut d’être écoutée à la maison, n’avait trouvé que les hurlements et les attaques physiques pour se faire entendre. Aujourd’hui, elle se tenait devant moi avec le calme serein d’une personne qui savait exactement à quel point elle était terrifiante.