Ravages de
Lison Carpentier
Clémence recevait, telle une gifle, les émotions émanant de tous les lieux qu’elle explorait : une célèbre usine désaffectée de l’est de la France, encore occupée quelques mois plus tôt par des milliers de travailleurs bientôt licenciés, ou un château de famille délabré que les propriétaires ne parvenaient plus à entretenir… La photographie était alors l’unique parade lui permettant d’appréhender le monde tel qu’il était. Son appareil, comme une extension de son propre corps, lui servait de bouclier : elle faisait face en immortalisant chaque endroit, absorbant dans ses clichés chacun de ses troubles.Au fur et à mesure de sa progression dans l’ancienne prison, Clémence avait l’impression de s’enfoncer dans les entrailles d’un cadavre : des boyaux sombres et silencieux, sales et pestilentiels… Un endroit sordide, à déconseiller à quiconque. Pourtant, comme à chaque fois qu’elle pratiquait l’urbex, elle se sentait vivante dans ces lieux morts et déserts. En adéquation avec elle-même.