La Librairie du Tramway
Aujourd'hui parlons de ... LA RIVIÈRE DES DISPARUES (de Liz-Moore - Éditions Buchet/Chastel)
Autour de moi des voix s’élèvent et retombent en chœur, dans un vacarme que je n’avais pas entendu depuis mon enfance. Nous sommes liés, vaguement, par les branches d’un arbre généalogique qui s’est atrophié, désintégré ces dernières années .
Y a-t-il un être au monde qui puisse expliquer, par de simples mots, l’immense tendresse viscérale que l’on ressent lorsqu’on tient son enfant dans ses bras ? La sensation animale qui se dégage de cette étreinte : le doux museau du bébé, sa peau toute neuve (qui contraste avec l’usure de la vôtre), sa petite main qui se tend vers votre visage, en quête d’un contact familier. Ces caresses furtives et légères comme des phalènes, qui se posent sur votre joue et sur votre poitrine.
Y a-t-il un être au monde qui puisse expliquer, par de simples mots, l’immense tendresse viscérale que l’on ressent lorsqu’on tient son enfant dans ses bras ?
Trop de pouvoir entre de mauvaises mains. Tout est détraqué.
En vérité, je m’efforçais d’ignorer le bruit sourd qui résonnait en moi tout au long de mes journées, comme une sonnette d’alarme, comme un glas. Je ne voulais pas l’écouter. Je voulais que tout reste en l’état. J’avais encore plus peur de la vérité que du mensonge. La vérité changerait ma vie. Le mensonge était stable. Le mensonge était pacifique. J’étais heureuse dans le mensonge. (p. 174)
C'est le secret que j'ai appris ce jour-là : aucun d'entre eux ne veut être sauvé. ils veulent tous s'abîmer de nouveau dans la terre, se faire avaler par elle et continuer à dormir. Leur visage exprime de la haine quand on les arrache à la mort. C'est un regard que j'ai vu des douzaines de fois, depuis que je travaille, par-dessus l'épaule d'un pauvre ambulancier dont le métier est de les faire revenir à la vie. C'est le regard de Kacey, ce jour-là, quand ses yeux se sont ouverts, quand elle a juré, quand elle a pleuré. Il s'adressait à moi.
c’est le secret que j’ai appris ce jour-là: aucun d’entre eux ne veut être sauvé. ils veulent tous s’abimer de nouveau de ans la terre, se faire avaler par elle et continuer à dormir. Leur visage exprime de la haine quand on les arrache à la mort. C’est un regard que j’ai vu des douzaines de fois, depuis que je travaille, par-dessus l’épaule d’un pauvre ambulancier dont le étier est de les faire revenir à la vie.
Je voudrais lui dire : Tout va de travers, sauf toi. Ces derniers temps, tu es le seul vrai plaisir de ma vie. Ta jeune présence, ton petit visage observateur, ton intelligence qui ne cesse de se développer, chaque nouveau mot qui entre dans ton vocabulaire, chaque nouvelle tournure de phrase que je constate, je les note comme des trésors, pour quand tu seras grand. Au moins, je t’ai, toi.
Thomas ouvre ensuite son paquet.
Quand il retire l’emballage, je vois un échiquier et un sachet en plastique qui contient les pièces. J’hésite un instant. Thomas m’interroge :
– Qu’est-ce que c’est ?
– Ce sont des échecs.
– Des échecs ? s’étonne-t-il.
– Les échecs, lui explique Mrs Mahon, c’est un jeu. Le plus beau jeu du monde.
J'avais encore plus peur de la vérité que du mensonge. La vérité changerait ma vie. Le mensonge était stable. Le mensonge était pacifique. J'étais heureuse dans le mensonge.