Pour saisir pleinement l’identité du Viêt-nam, il faut prendre en considération trois aspects particuliers : en premier lieu, les démêlés culturels et guerriers vieux de plus de deux-mille ans avec la Chine, voisine puissante. Ennemi traditionnel, l’« Empire du Milieu » a toujours réduit son voisin à adopter une position défensive, mais a également influencé la société vietnamienne dans les domaines de l’art, de la religion et de l’éthique sociale. En second lieu, la force des liens qui unissent un individu à la communauté villageoise dont il est issu. Tout vietnamien, affirme un dicton populaire, « emporte toujours son village avec lui », même lorsque ce villageois vit depuis longtemps en ville. Troisième facteur à ne pas négliger : l’influence de l’Occident, depuis les missionnaires et les colons français jusqu’au marxisme.
Pour un vietnamien, se retourner sur son histoire ne signifie pas se pencher sur son passé comme sur un épisode révolu. Car, à ses yeux, tout n’est que recommencement : invasions, soulèvements paysans, querelles avec des minorités, inondations catastrophiques. Il vit l’Histoire comme un présent virtuel et un possible lendemain. Le combat permanent contre la Chine dominatrice s’inscrit particulièrement bien dans ce processus de répétitions cycliques.