Elle se retrouva à un carrefour : un chemin conduisait vers l’entrée de la demeure, un autre vers le portail de la sortie. Un éclair d’hésitation lui traversa l’esprit. Elle regarda autour d’elle. Une mésange fabriquait un nid dans un immense micocoulier. Elle choisissait avec soin une brindille au sol, la coinçait dans son bec, s’envolait avec jusqu’à l’arbre, la déposait sur un tapis de paille, redescendait puis recommençait. "Non, impossible d’abandonner. Je ne peux pas avoir peur. Nos batailles humaines sont si dérisoires." Elle se moqua de sa propre faiblesse et avança vers le château derrière un Cratès au pas décidé. Sur son passage, la nature se mettait en ordre de marche. Les cimes des cyprès pourfendaient le ciel telles des baïonnettes. Les buissons ardents formaient une haie d’honneur célébrant sa future victoire. Les oiseaux éclaireurs entonnaient un chant guerrier. Les lézards dans leur cotte de maille se dressaient sur les murets. Elle sourit. Ça y est, je me prends pour la Pucelle des sans-voix.
Épaulée par les siens, elle se sentait incroyablement sereine, une mer à l’étal. Son dévouement à la vérité était total.