Lou Marin

Parmi les grands absents aux "œuvres complètes" de Camus, il y a ses écrits anarchistes. J'avais un professeur jadis, spécialiste de Camus, qui en parlait longuement comme d'un inclassable aux positions politiques de Camus mystérieuses.



"Quelque part entre un socialiste et un libéral."

"Un anarchiste?"

"Oh non, surtout pas."



M'enfin.



Bref, ce recueil fait un bon travail de collection des textes libertaires de Camus. On y parle d'Algérie, de la guerre civile espagnole et d'éthique des mouvements sociaux.



Il y développe une théorie en deux axes. D'un côté ce qui est juste, de l'autre ce qui est nécessaire.

- Ce qui est nécessaire doit être fait.

- Ce qui est injuste doit être dénoncé et puni.



Mais que se passe-t-il lorsque ce qui est nécessaire est injuste? Si, par exemple, pour faire la Révolution, on doit couper quelques têtes?

Un bien cela doit être fait, puni et dénoncé.

Et c'est là l'erreur des révolutions. À chaque fois, les gens qui commettent les atrocités nécessaires conservent le pouvoir et en profite pour dire que leurs crimes sont justes. Et ce nouveau régime qui se construit se fonde ensuite sur ces injustices.



(Et après avoir lu ça, relisez Les Justes. Ça donne un tout nouvel éclairage.)

Voici un livre d'une richesse rare ! Ce recueil d'articles et autres écrits destinés principalement aux journaux libertaires de son époque gratifie Albert Camus d'une distinction qu'on pouvait lui reconnaître déjà. Jaillissent ici son amour de la liberté, son respect pour les mouvements collectifs réclamant la justice et la paix (il est beaucoup question de l'Espagne, seul pays où le parti libertaire a eu une réelle influence), son incorruptibilité, son humanisme et son altruisme inconditionnels. On découvre Camus militant, Camus s'engageant pour aider les opposants à Franco, Camus sentant "vivant en lui" Bakounine, le père de l'anarchie russe. Camus au "génie libertaire"...

4eme de couverture : Albert Camus fit la rencontre d'une personnalité libertaire phare , Rirette Maîtrejean , lors de l'exode en 1940 . Après la guerre , des jeunes militants sollicitèrent sa pensée pour élaborer de concert une intelligibilité du monde d'alors .En 1949 , Albert Camus signe son premier texte dans la presse anarchiste . Cette collaboration ne cessa pas . Elle se scella par une forte amitié faite d'estime , de chaleur humaine , de fraternité dans les luttes .Ce recueil retrace l'élaboration de la pensée de Camus sous la guerre froide , lui qui refusait de se prosterner devant l'une ou l'autre des grandes puissances . A l'époque , il était le seul intellectuel à s'appuyer sur le troisième camp : des objecteurs de conscience , des anticolonialistes écartés , des syndicats révolutionnaires .

Les libertaires , de leur coté , l'ont défendu dans sa querelle avec Sartre et Jeanson qui suivit " L'homme révolté " ; dans l'intervention de Camus aux cotés des syndicalistes algériens de Messali Hadj anéantis par le FLN ; en prenant position contre un surréalisme qui l'insulta ; dans le soutien inconditionnel de Camus à l’Espagne antifranquiste et ses interventions inlassables en faveur des rébellions majeures du bloc de l'est , Berlin 1953 , Budapest 1956 .

Cet aspect d'Albert Camus , méconnu du public , est toutefois essentiel de " l'homme révolté "qu'il fut .

Petit livre engagé d’un auteur allemand proche des milieux anarchistes qui défend l’idée ‘’originale’’ ou ‘’originelle’’ de Camus, et dénonce la récupération politique et intellectuelle dont fait l’objet cet auteur.

Camus prônait la non violence sous toutes ses formes, se rapprochant peu à peu des idées de Gandhi. Il eu d’abord un peu de mal à s’y engager en raison de son appartenance à la résistance, avant de reconnaitre que la violence est parfois nécessaire, mais toujours injustifiable. Sa critique va à l’encontre de la violence de tout bord, aussi bien institutionnelle que révolutionnaire.

J’ai du mal à voir le libertaire dans ces textes. Peut-être me manque-t-il des notions historiques, mais quand je lis Camus résistant, Camus contre la dictature franquiste, contre l’hypocrisie politique (qui hue Franco et l’accueille à bras ouverts), pour la liberté d’agir selon sa pensée (objecteurs de conscience), pour une Europe réellement démocratique, je ne vois qu’un homme altruiste et droit.

Le recueil n'est pas très bien conçu : l'introduction est longue et répétitive, les textes, pas toujours de Camus, m'ont paru parfois décalés par rapport au thème. Le volume des éditions Egrégores est fait d'un papier épais et doux, avec de larges et agréables bordures, mais le dos est si dur qu'il faut faire un réel effort pour maintenir le livre ouvert.

J'ai quand même découvert un Camus que je ne connaissais pas et j'ai ouvert les yeux sur l'hypocrisie autour de l'Espagne franquiste, sujet que l'on n'aborde jamais dans les programmes scolaires d'Histoire, sauf à évoquer rapidement la guerre civile de 36, ce qui est très, très réducteur.