Il détestait l'école et ce qu'on y enseignait : l'alphabet, le calcul, les rudiments de la grammaire latine et grecque. Il avait l'étude en horreur, celle du grec surtout. Cet écolier, qui devint à son tour un maître, répugnait aux disciplines scolaires. Esprit intuitif et prime-sautier, il ne pouvait s'astreindre aux lenteurs des méthodes. Il se butait aux difficultés, ou les pénétrait d'un seul coup.
Les cinq doigts de la main
Le pouce est ce gros cabaretier flamand, d'humeur goguenarde et grivoise, qui fume sur sa porte, à l'enseigne de la double bière de mars.
L'index est sa femme, virago sèche comme une merluche, qui dès le matin soufflette sa servante dont elle est jalouse, et caresse la bouteille dont elle est amoureuse.
Le doigt du milieu est leur fils, compagnon dégrossi à la hache, qui serait soldat s'il n'était brasseur et qui serait cheval s'il n'était homme.
Le doigt de l'anneau est leur fille, leste et agaçante Zerbine, qui vend des dentelles aux dames et ne vend pas ses sourires aux cavaliers.
Et le doigt de l'oreille est le benjamin de la famille, marmot pleureur, qui toujours se trimbale à la ceinture de sa mère comme un petit enfant pendu aux crocs d'une ogresse.
Les cinq doigts de la main sont la plus mirobolante giroflée à cinq feuilles qui ait jamais brodé les parterres de la noble cité de Harlem.
On vient d'inaugurer, sur la colline d'Hippone, une statue monumentale de saint Augustin. Réparation bien tardive envers la mémoire du grand docteur ! Est-il besoin d'ajouter que la France officielle est restée tristement étrangère à cette manifestation qui intéresse si fort notre patriotisme de Latins et de Français. On s'afflige de tant d'étroitesse ou de misère d'esprit. Il a fallu que l'Église appauvrie et spoliée prît l'initiative et couvrît les frais de la fête et du monument.
Augustin vint au monde le 13 novembre de l'an du Christ 354. C'était un petit enfant de plus dans cette Afrique sensuelle et voluptueuse, terre de péché et de fécondité charnelle, où les enfants naissent et meurent comme les feuilles. Mais le fils de Monique et de Patricius était prédestiné : il ne devait pas mourir au berceau, comme tant d'autres petits Africains.