« [
] Alphonse a été tellement pillé qu'on l'a surnommé « La Vache Allais ».
Généralement [
] - une pensée bien tournée dans une langue châtiée, dotée d'une apparente profondeur de jugement, est attribuée au sieur De La Rochefoucauld (1613-1680) : on ne prête qu'aux riches, surtout s'ils sont ducs. Il en va de même, plus près de nous, pour le cher Alphonse. Un mot drôle, un propos étonnant, loufoque, iconoclaste, féroce, amer ou logique jusqu'à l'absurde ne saurait être que d'Alphonse Allais (1854-1905) [
].
Notre humoriste national, mort en 1905, a bel et bien été un précurseur dans ce qui fera la richesse littéraire, artistique, poétique, ludique du XXe siècle [
].
Allais reste un grand méconnu à l'oeuvre immense [
]. Il a écrit, en 25 ans, près de 1 700 contes. Si on y ajoute les poèmes, les fables-express, les distiques olorimes, les recettes de cocktails du Captain Cap et les histoires en tous genres, cela représente au moins deux dizaines de volumes. [
] » (Jean Orizet)
« La blague est la seule arme à employer contre la solennité imbécile d'un tas de messieurs qui voudraient faire prendre leurs baudruches pour des blocs de marbre. Quant aux graves patauds qui n'aiment pas la blague, ils me rappellent un cul-de-jatte que j'ai rencontré l'autre jour : ce pauvre bout d'homme haussait les épaules en voyant passer les cyclistes. » (Alphonse Allais)
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Référence bibliographique :
Alphonse Allais, Pensées, textes et anecdotes, Le Cherche Midi, 2016.
Image d'illustration :
https://www.gettyimages.ch/detail/nachrichtenfoto/allais-c1893-alphonse-allais-french-writer-and-nachrichtenfoto/802472582?language=fr
Bande sonore originale : Circus Marcus - le bal de Rémy
le bal de Rémy by Circus Marcus is licensed under an Attribution-NonCommercial 3.0 International License.
Site :
https://freemusicarchive.org/music/CIRCUSMARCUS/Danse_Rmy/le_bal_de_remy/
#AlphonseAllais #PenséesTextesEtAnectodes #LittératureFrançaise
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Grand admirateur de Napoléon, ce qui n'est pas toujours signe de bonne santé mentale, Thiers reviendrait en force en 1871 : élu chef du pouvoir exécutif, installé à Versailles (à Versailles !), l'ancien révolutionnaire écrasa dans le sang la Commune de Paris. Désormais président de la République, il déclara : «La République sera conservatrice ou elle ne sera pas.» Pour retourner sa veste, il était doué. Enfonçons le clou en précisant que, à sa mort en 1877, le cortège qui l’accompagna à sa tombe du Père-Lachaise était mené par... Hugo - rien à ajouter, la boucle était bouclée.
Je ne sais plus qui parlait de la perpétuefle déception du peuple par la bourgeoisie, du perpétuel massacre du peuple par la bourgeoisie... Les démocrates républicains prétendent représenter le peuple, mais, dès que des gens du peuple pointent le bout de leur nez, ils sortent les blindés de la gendarmerie, leur tirent dessus et prennent la poudre d'escampette. On me dira que je caricature, je ne caricature pas : c'est comme ça que les Thiers traitent le tiers état.
(Sur la page de garde d’une brochure de l’ordre des Chartreux)
Vous n’y trouverez rien ou peu de chose de ce que le monde actuel apprécie, pas même le souci d’être différent.

- Je suis une esclave, bien sûr. Aucun problème avec ça. Ma vie est complètement débile. Ou absurde. Les deux sans doute. Vous connaissez la fable de La Fontaine, "Le loup et les chiens" ?
- De ça non plus, je ne me souviens pas...
_ Il s'agit d'un loup qui n'a que la peau sur les os. Un jour il rencontre un chien bien gras, bien nourri. Celui-ci s'étonne que l'autre se laisse mourir de faim au lieu de goberger comme lui de franches lippées. Admiratif de l'embonpoint du chien, le loup lui demande ce qu'il faut faire pour jouir du même destin. Presque rien lui répond le chien : garder la maison du maître, en gros. Contre ça on reçoit maintes caresses et de bons os à ronger. Alors que le loup, conquis, accompagne le chien chez son maître pour partager son sort, il lui demande pourquoi sa nuque est pelée. Le chien botte en touche en disant que ce n'est presque rien, juste la marque du collier par lequel on l'attache... Il ne peut pas courir où il veut - mais qu'importe ? Le loup, qui parle un excellent français, l'estoque alors ainsi : "Il importe si bien, que de tous vos repas je ne veux en aucune sorte, et ne voudrais pas même à ce prix un trésor". Là le loup s'enfuit ; on dit qu'il court encore...
- Et ?
- J'ai redécouvert cette fable alors que je commençais à travailler et que ça me minait le moral... Je l'ai apprise par cœur, et l'ai recopiée sur des morceaux de tissu : dans chacun de mes tailleurs, j'ai cousu un de ces morceaux de tissu pour ne pas oublier ce qui est écrit. Mon mémorial de liberté.
Qui est le vieux garçon ? Un troisième sexe. Rien à voir avec les théories du genre, ce fatras ennuyeux pour harpies vindicatives et camionneurs repentants…
Non : le vieux garçon n’est ni homme ni femme, il ne chasse à courre ni les hommes ni les femmes – ni les honneurs. Il aime les feux de cheminée, les couchers de soleil, les chaussettes montantes, l’humour anglais et les vestes d’intérieur. La littérature, aussi. Et la contemplation.
(A propos du jockey-club) Pour être reçu dans ce club réservé aux hommes que Proust en personne tenait pour le plus fermé du monde, il fallait être parrainé par deux membres. Une campagne commençait jusqu’au ballotage, stressant : une boule noire annulait plusieurs boules blanches – d’où la charmante expression se faire blackbouler.

- Comme tu le sais, François, la passion de ma vie a été la France libre.
- La France libre ?
- Oui, la France libre dans son acception la plus large. La France libre d’hier et celle qui reviendra, je l’espère, un jour… Car nous sommes occupés, François. Tu ne t’en rends peut-être pas encore compte, tu es trop jeune, mais moi, ça me préoccupe : ce pays est contaminé par la médiocrité. Notamment celle des politiciens médiatiques, toute cette roture affublée de l’hermine. Ils sont mignons ces ouistitis, à se revendiquer sans cesse de notre héritage, à mes Compagnons et moi… Leur lavage de cerveau ne prendra pas sur les vieux singes comme nous, encore moins sur le grand babouin que je suis ! Comme si on ne voyait pas clair dans leurs mensonges, leurs palinodies, leurs finasseries. On dit qu’ils ont la langue de bois ? Pas que la langue, François. Tout le reste. Toutes les parties du corps sans exception. Le buste et les membres. Les tibias en bois. Les rotules en bois. Les cheveux en bois, les mèches et les tonsures. Et leurs ongles manucurés. Et puis les rides, les gestes, les appels du pied, les alliances, les soumissions, les trahisons : tout chez eux est en bois. Quand les températures deviennent rudes certains hivers, je m’en servirais volontiers pour ma cheminée.
Qui ne voit pas la vanité du monde est bien vain lui-même.
Et si la maladie d’Alzheimer était le meilleur remède à la folie de notre époque ? Grâce à elle, on s’envolait du plancher des vaches.
(Ce prêtre) avait appris à un perroquet à chanter du grégorien, et (son) volatile, qui avait une très belle voix, exaspérait les voisins – Voilà de l'activisme tel que je l'entendais, du terrorisme en tweed dans les clous.
Je ne vois pas comment pourrait durer une entourloupe pareille, mon petit François. Nous ne sommes pas tous sous hypnose. Il y aura bien un jour quelqu’un pour libérer notre France libre, celle du panache, de cette vilaine partie de poker menteur. Quelqu’un qui les prendra poliment par le colback, les moules à gaufres – et ramènera à la porte du saloon tous ces bluffeurs à têtes molles. Qui sifflera la fin de cette tyrannie de niquedouilles ? Je l’ignore, mais il aura tout mon soutien. Qui sait si ce ne sera pas un type de ta génération ? Toi ? N’oublie jamais, François, que nous étions là avant tout le monde, que nous avions une brillante situation dès l’an mil, que nous avons participé aux croisades, que nous ne sommes pas tombés de cheval à Azincourt… Personne, ici, ne doit nous intimider.