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3.85/5 (sur 24 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Nogent-sur-Marne , le 25/07/1883
Mort(e) le : 31/10/1962
Biographie :

Louis Massignon (25 juillet 1883 à Nogent-sur-Marne - 31 octobre 1962) est un universitaire et islamologue français.

Cet auteur d'une thèse sur la vie du soufi Mansur al-Hallaj, crucifié à Bagdad en 922, n'est pas seulement l'un des plus grands islamologues du XXe siècle, mais aussi l'un des maîtres de la langue française. Sa langue est d'une rare beauté. Il a occupé, provisoirement, le 15 juin 1919 la chaire de sociologie et sociographie musulmanes au Collège de France. Une chaire qu'il va occuper définitivement à partir de janvier 1926 jusqu'en 1954 après la retraite de son prédécesseur Alfred Le Chatelier, le créateur de cette chaire. Il fut également directeur d'études à l'École pratique des hautes études (EPHE).

Massignon a consacré de longues années à la rédaction de sa thèse qui témoigne d'une grande rigueur scientifique et d'un souci exemplaire d'objectivité pour une matière aussi délicate et sensible que la mystique au sens large, la mystique musulmane en particulier.

Il fut aussi un des principaux acteurs de l'établissement d'un dialogue entre l'islam et l'Église catholique dont l'impact très positif figure dans le concile du Vatican II Nostra Ætate l'année même de sa mort en 1962. S'il est resté attaché durant toute sa vie au catholicisme, on lui a parfois reproché un certain syncrétisme qui l'a fait qualifier par le pape Pie XI de « catholique musulman
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Source : Wikipedia
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Louis Massignon évoque la figure du mystique musulman Hallaj, au cours d'un entretien avec Jean Amrouche, radiodiffusé en 1955.


Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
L’Etranger qui m’a visité, un soir de mai, devant le Tâq, sur le Tigre, dans la cabine de ma prison, et la corde serrée après deux essais d’évasion, est entré, toutes portes closes, Il a pris feu dans mon coeur que mon couteau avait manqué, cautérisant mon désespoir qu’Il fendait, comme la phosphorescence d’un poisson montant du fond des eaux abyssales. Mon miroir intérieur me l’avait décelé, masqué sous mes propres traits - explorateur fourbu de sa chevauchée au désert, trahi aux yeux de ses hôtes par son attirail de cambriole scientifique, et tentant encore de déconcerter ses juges avec un dernier maquillage, camouflé, de toucher du jasmin aux lèvres et de kohl arabe aux yeux - avant que mon miroir s’obscurcisse devant Son incendie.
Aucun nom alors ne subsista dans ma mémoire (pas même le mien) qui pût Lui être crié, pour me délivrer de Son stratagème et m’évader de Son piège. Plus rien ; sauf l’aveu de Son esseulement sacré : reconnaissance de mon indignité originelle, linceul diaphane de l’entre-nous deux, voile impalpablement féminin du silence : qui le désarme ; et qui s’irise de Sa venue ; sous Sa parole créatrice...
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Louis Massignon
Pour connaître l'autre, il ne faut pas se l'annexer mais devenir son hôte.
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L’Etranger qui m’a pris tel quel, au jour de Sa colère, inerte dans Sa main comme le gecko des sables, a bouleversé, petit à petit, tous mes réflexes acquis, toutes mes précautions, et mon respect humain. Par un renversement des valeurs, Il a transmué ma tranquillité relative de possédant en misère de pauvresse.
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Il est, pour Dieu, des fidèles, qui ont planté les arbres de leurs péchés en face de leurs yeux, et les ont arrosés de l'eau de leur pénitence ; ils ont fructifié en regrets et chagrins ; ils sont devenus fous sans folie, stupides sans bégaiement ni mutisme, eux, les éloquents, les diserts, sages en Dieu et en son prophète. Puis ils ont bu à la coupe de la pureté, et la longueur de la souffrance leur a légué la patience.

Puis leurs cœurs se sont enflammés pour le Royaume, et leur pensée a circulé parmi les palais, sous les voiles de la Majesté ; ils se sont mis à l'ombre, sur le parvis du regret, et y ont lu le livre de leurs péchés ; et ils se sont légués à eux-mêmes l'anxiété, si bien qu'ils ont atteint la cime de l'ascèse (zohd) grâce à une entière abstinence (warâ'). C'est ainsi que l'amertume du renoncement au monde leur est devenue suave, et que la rude couchette leur est devenue molle, tant et si bien qu'ils ont conquis l'attachement au salut et la voie qui mène à la paix.

Et leurs esprits se sont éparpillés dans les hauteurs du ciel, pour se poser en adorant dans les jardins du Paradis, et plonger au fleuve de la vie. Ils ont refermé les écluses de l'angoisse et franchi les ponts du désir ; ils ont fait halte dans la consomption de la science (discursive) et se sont désaltéré au ghadîr de la sagesse (unitive) ; ils ont vogué sur la barque de la grâce, ouvert la voile au vent du salut, sur la mer de la paix, si bien qu'ils ont atteint les jardins du Repos, la mine de la Gloire et de la Miséricorde. (citation de Dhu'l-Nun al-Misri, pp. 189-190)
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L'Etranger qui m'a visité, un soir de mai, devant le Tâq, sur le Tigre, dans la cabine de ma prison, et la corde serrée après deux essais d'évasion, est entré, toutes portes closes, Il a pris feu dans mon coeur que mon couteau avait manqué, cautérisant mon désespoir qu'Il fendait, comme la phosphorescence d'un poisson montant du fond des eaux abyssales. Mon miroir intérieur me l'avait décelé, masqué sous mes propres traits - explorateur fourbu de sa chevauchée au désert, trahi aux yeux de ses hôtes par son attirail de cambriole scientifique, et tentant encore de déconcerter ses juges avec un dernier maquillage, camouflé, de toucher du jasmin aux lèvres et de kohl arabe aux yeux - avant que mon miroir s'obscurcisse devant Son incendie. Aucun nom alors ne subsista dans ma mémoire (pas même le mien) qui pût Lui être crié, pour me délivrer de Son stratagème et m'évader de Son piège. Plus rien ; sauf l'aveu de Son esseulement sacré : reconnaissance de mon indignité originelle, linceul diaphane de l'entre-nous deux, voile impalpablement féminin du silence : qui le désarme ; et qui s'irise de Sa venue ; sous Sa parole créatrice...
L'Etranger qui m'a pris tel quel, au jour de Sa colère, inerte dans Sa main comme le gecko des sables, a bouleversé, petit à petit, tous mes réflexes acquis, toutes mes précautions, et mon respect humain. Par un renversement des valeurs, Il a transmué ma tranquillité relative de possédant en misère de pauvresse.
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Voulant caractériser l’âme de Hallâj, Ferîd ’Attâr l’appelle ainsi : « ce combattant tué par Dieu à la guerre sainte…, ce guerrier intrépide et sincère ». Kîlânî dit : « il se posta comme un brigand, un coupeur de routes sur la voie du désir ‘’qui déroba la perle du mystère de l’amour’’ ».

Cet élan militant, cette véhémence passionnée semblent bien effectivement le fond du caractère hallagien. Un historien contemporain, hostile, Ibn Abî Tâhir, l’avait indiqué, disant que Hallâj « se montrait audacieux devant les sultans… méditant le renversement des états… ». Plus profondément, Ibn Abî’l-Khayr dit que la mort sur le gibet de Hallâj est le privilège des héros ; Nasrabadhî avait dit : « s’il y a un amour qui interdit de verser le sang, il y a un autre amour qui l’exige, par les épées de l’amour, ce qui est le degré suprême ».
(…)
A la Mekke, durant ses trois séjours, puis aux marches frontières de l’Islam, chez les Hindous et les Turcs, Hallâj intègre son véhément élan ascétique dans la symbolique si profondément musulmane de deux des préceptes fondamentaux de l’Islam : le Hajj (pèlerinage à la Mekke), et le Jihâd (guerre sainte).
(…)
« le jihâd de l’âme, pour les pénitents, c’est d’être tué par l’épée du désir, gisant au seuil de l’humilité ; le jihâd du cœur, pour les ascètes, c’est d’être tué par l’épée de la vigilance et du regret, gisant au seuil de la réconciliation ; le jihâd de l’intellect, pour les amants, c’est d’être tué par l’épée de l’attirance, gisant sur le seuil de la coquetterie et de la générosité… ». C’est une certaine manière de se heurter à Dieu que Hallâj va chercher au front lointain de l’apostolat.

Mais auparavant sa méditation s’était concentrée sur le thème final de la mort violente du mujâhid, durant ses trois séjours à la Mekke, en participant aux rites du Hajj dont la minute culminante, le 9 de dhû’lhijja, s célèbre à ‘Arafât, au mawqif du jabal al-Rahma, à la Waqfa de la prière du ‘asr : lorsque toute la multitude des pèlerins, debout, se recueille, pour offrir le sacrifice des moutons qui sont tués le lendemain en vue du pardon de tous, présents et absents, dans la Communauté musulmane, prie deux rak’a seulement, écoute une khutba, et chante la talbîya.
(…)
Elle prend ainsi la valeur d’une prière d’offrande, avant le sacrifice, comme à la Waqfa de ‘Arafât ; ici, avant la fin de son martyr par le glaive. De même le poème hallagien « Yâ lâ’imî fî hawâhu » :

« s’ils offrent en sacrifice les agneaux, moi j’offre mon cœur et mon sang » (tome II, pp. 92-95)
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Il est donc impossible de prendre au pied de la lettre la théorie trop répandue de pro-aryens (...) elle nie naturellement l'authenticité du mysticisme islamique, elle en fait une des formes de la réaction raciale, linguistique et nationale des peuples aryens conquis par l'Islam arabe, spécialement des Iraniens.
(...)
Le shi'isme, qu'on nous présente comme une hérésie islamique spécifiquement « persane », a été propagé en Perse par des colons de pure race arabe, venus de Koufah à Qomm(1) ; et les Kurdes et Afghans, purs iraniens de race, sont toujours restés anti-shi'ites. Les listes qu'on a dressées des grands penseurs musulmans « d'origine persane », parce que leur nisbah réfère à une ville située en Perse ne sont qu'un trompe-l'œil(2) ; la plupart n'ont pensé et écrit qu'en arabe, et, qu'ils fussent fils de colons arabes ou clients (mawâlî), ne se différenciaient pas plus du monde islamique que Lucain de Cordoue ou Augustin de Thagasle du monde romain. Bien des « survivances mazdéennes » infiltrées dans l'Islam « par des conspirateurs » ont été imaginées par des hérésiographes échauffés(3), et le « Shâhnamé » de Firdoûsî, célébré comme le bréviaire de ce nationalisme(4) iranien, témoigne surtout d'un enthousiasme « archéologique » presque aussi désintéressé que le « patriotisme troyen » de Virgile écrivant l' « Enéide ».
(...)
Bien loin d'altérer la pureté de l'Islam primitif, ces Persans ont poussé plus loin que personne l'abnégation dans le sacrifice de leurs tendances personnelles pour sauvegarder l'universalisme de leur croyance. Et il serait un peu présomptueux de prétendre qu'ils n'y auraient pas réussi.

(1) Goldziher, Vorlesungen, trad. fr., p. 293, n. 125.

(2) Les pantouraniens, récemment, ont surenchéri, revendiquant Fârâbî, ibn Sinâ, Bokhiârî et Zamakhsharî comme des gloires nationales tartares... Les sho'oûbiyah de jadis ne parlaient, eux, que d'égalité.

(3) Baghdâdî.

(4) De prétendus « nationalistes » comme Ibn al Moqaffa', Roudaguî, Miskawayh, Hasan Sabbâh, ont laissé des œuvres pénétrées d'un esprit universaliste, soit hellénistique, soit qarmate. Même un nationaliste type, comme le poète Mihyâr Daylamî, écrit cette fin de vers caractéristique : « soûdad al Fors wa dîn al 'Arab », [Nous nous sommes emparés de la gloire des deux côtés] « titres de noblesse des Perses (en ce monde), et religion des Arabes (pour l'autre vie) ! » (pp. 46-48)
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Il y eut vie commune entre les arabes musulmans et leurs compatriotes chrétiens pendant les deux premiers siècles : Taghlib, Hîrah et Koûfah, Najrân, San'à. La copie de l'architecture des ermitages paraît établie ; les premières khânqâh sont à Ramleh (aboû Hàshim) et Jérusalem (Ibn Karràm). Les mystiques musulmans, jusque vers 250/864 , venaient consulter des ermites chrétiens sur la théologie : 'Abdal Wâhid-ibn Zayd, 'Attâbî et Dârânî nous ont laissé des récits curieux. Si l'anecdote de Bistàmî en Roûm est apocryphe, celle de Hallâj à Jérusalem paraît authentique. Les ordonnances Khalifales sur le costume spécial des chrétiens (en 235, 239, 296) mirent fin à cette vie commune. (pp. 53-54)
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On ne peut, ici, que signaler le rôle bienfaisant de l'influence mystique islamique poussant à la réconciliation des castes dans d'humbles vocations comme celle de Baba Kapour (+ 979/1571), à Gwalior, — ou d'éclatants apostolats comme celui de Kabir (+ 924/1518) ; les disciples (Kab'ir-panthis) de cet élève de l'hindou Ramananda apprennent à célébrer, dans les hymnes de leur maître, le Dieu unique, personnel, caractérisé, secourable, connaissable par révélation transcendante, — plutôt que la suprême divinité, indifférente et quasi-virtuelle qu'entrevoient les syncrétismes polythéistes. La secte des Sîkhs (Nânak + 946/1539), qui essayèrent de réintégrer l'apostolat des kabirpanthis dans l'hindouisme, a incorporé dans son Adi Grânth les hymnes d'un soûfî, Farîd Shakarganj.

Certes, les polémiques actuelles de l'Arya Samâj, disputant les âmes à l'Islam dans le centre, notamment au Bundelkhund, montrent que le vieux paganisme hindou n'est pas mort — mais le fait qu'une réforme sociale comme le satyagraha (« revendication civique du vrai, par le sacrifice de soi ») actuellement prêchée par un pur ascète hindou, comme Mohanlal Karamchand Gandhi, — dirige notre action sociale, non vers notre libération individuelle, mais vers le salut de la Communauté, — et la fonde sur le dogme de l'immortalité de l'âme personnelle, qui se voue à une sorte de « guerre sainte » d'ordre spirituel, par le jeûne et par des vertus sacrificielles accessibles aux illettrés, — atteste, comme l'indiquait le Dr Abdul Majid, combien un tel hindouisme s'est rapproché d'un idéal religieux et mystique musulman.

On peut même se demander si la mystique hindoue, telle que les commentateurs de Patanjali l'ont exposée, n'a pas aidé à l'évolution de Kabir vers le monothéisme transcendant et discipliné de l'Islam. (pp. 69-70)
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C'est grâce à sa mystique que l'Islam est une religion internationale et universelle. Internationale : par les travaux apostoliques des mystiques visitant les pays infidèles : c'est l'exemple persuasif des ermites musulmans, et des cheïkh Tshishtiyah, Shattârïyah, Naqshbendiyah, apprenant leur langue populaire et se mêlant à leur vie, qui a converti tant d'Hindous et de Malais à l'Islam, bien plus que le fanatisme tyrannique de conquérants de langue étrangère(1). — Universelle : ce sont les mystiques, qui, les premiers, ont compris l'efficacité morale de la hanïfiyah, le fait d'un monothéisme rationnel, naturel à tous les hommes(2) : d'où l'universalisme apostolique de Mohàsibî et d'Ibn Karrâm, qui deviendra, dégénéré, le syncrétisme théosophique d'Ibn 'Arabî, de Jalâl Roûmî et des Bektâshïs. Snouck Hurgronje a bien souligné cela(3) : « C'est... par son mysticisme que l'Islam a trouvé le moyen de s'élever à une hauteur d'où il peut voir plus loin que son propre horizon, étroitement limité... Il a en lui quelque chose l'interreligional... »

(1) Remarquer le pourcentage si différent des musulmans en Béhar et en Bengale, politiquement assujettis à la même époque (Arnold, Preaching of Islam, s. v.).

(2) Passion, p. 607.

(3) Politique musulmane de la Hollande (BMM 1911 ; p. 70, 72 du
tirage à part). (p. 5)
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