La plus célèbre statue du Vatican, et la plus populaire , si je puis dire, c'est assurément l'Apollon Pythien, plus connu sous le nom de l'Apollon du Belvédère, parce qu'il fut placé par Michel-Ange dans la cour de ce nom. Cette statue avait été trouvée , au commencement du seizième siècle, dans les bains de Néron, à Anzio, près d'Ostie. Personne n'ignore qu'Apollon est représenté au moment où il vient de décocher une flèche mortelle sur le serpent Python, d'où lui vint le nom d'Apollon-Pythien , nom donné à la statue par les Athéniens , et que lui conserve Pausanias (Attique, chap. XIX). Cette action explique le mouvement un peu théâtral de son corps , ainsi que l'expression fière et victorieuse de son visage. Winckelmann, Mengs, cent autres, ont nommé cette statue la plus belle des antiques, le modèle complet du sublime ; d'autres appréciateurs éclairés lui ont contesté ce droit exclusif à la première place.
Ce que Velâzquez fut pour Philippe IV, Alonzo Sanehez Coello l’avait été pour Philippe II, le peintre chéri, le courtisan familier, le privado del rej. Fort jeune encore, et après avoir épousé à Madrid, en 1541 dona Luisa Reynalte, Sanchez Coello accompagna Antonio Moro à Lisbonne, lorsque ce peintre y fut envoyé par Charles Quint pour y faire les portraits de toute la famille royale. Coello resta au service du prince don Juan, époux de dona Juana, fille de l’empereur et sœur de Philippe II. Devenue veuve, dona Juana le recommanda à son frère, auquel il plut par son talent et par son esprit, et qui en fit son peintre de confiance et d’intimité.
En Espagne, comme en Italie, comme dans la Grèce antique, l’art de l’architecture précéda les autres arts. Avant la fin du moyen âge, il avait élevé les cathédrales de Léon, de Saint-Jacques, de Tarragone, de Burgos, de Tolède, auxquelles il faut ajouter les mosquées arabes de Cordoue et de Séville, devenues églises chrétiennes après la conquête. La sculpture, qui naît partout presque en même temps que l’architecture, parce qu’elle lui fournit ses principaux ornements, se signalait dès le quatorzième siècle par d’intéressants essais, dus aux artistes nationaux, avant qu’un siècle plus tard Diégo de Siloé, Alonzo Berruguete, Gaspar Becerra et plusieurs autres allassent chercher en Italie et rapportassent dans leur pays les leçons d’un art qu’avait enseigné aux Italiens la statuaire antique. Mais la peinture vint plus tard, se forma plus lentement, et dès l’origine, sur l’exemple des étrangers.
Partout ailleurs, à Saint-Pétersbourg, à Munich, à Dresde, nous ne trouvons pour œuvres de Velâzquez que de simples portraits, et plutôt de ses copistes que de lui-même. L’Italie entière ne possède que le portrait d’innocent X, Panfili, qu’il fit à Rome en 1648, et qui reçut, comme les grandes œuvres de Raphaël et de Titien, les honneurs de la procession et du couronnement. Et quant à notre Louvre, il n’a de vraiment authentique et vraiment beau que le portrait à mi-corps de la jeune infante Marguerite, qui épousa l’empereur Léopold six ans après que sa sœur aînée, Marie-Thérèse, eut épousé Louis XIV. C’est bien peu lorsqu’on voit combien de jeunes artistes pressent continuellement leurs chevalets autour de cette tête d’enfant pour en prendre copie ; il serait temps qu’on leur fournît de nouveaux modèles de ce maître préféré.
Les statuaires égyptiens firent emploi de matières beaucoup plus variées que les statuaires grecs, et surtout plus dures, plus résistantes, de plus long travail et de plus longue durée. Le marbre ne leur suffisait point, et l'on peu dire que toutes les autres substances propre à la sculpture se trouvent dans leurs oeuvres: granit rouge, noir et gris, basalte, diorite, porphyre, jaspe, serpentine, coraline, aragonite, pierre à chaux, pierre à sablon, - or, argent, bronze, fer, plomb, - cédre, pin, sycomore, ébène, mimosa, - ivoire, verre, jaïence, terre cuite. Les bas-reliefs étaient très-déprimés, très-bas, et quelquefois exécutés en creux, au rebours du relief, comme ceux des pierres gravées. Mais les statuaires égyptiens en firent peu d'usage, et la généralité de leurs oeuvres sont en ronde bosses.
On serait encore injuste si l’on ne mentionnait, au moins de nom, l’historien Giorgio Vasari (1512-1574), plus connu par son livre que par les œuvres de son pinceau. S’il a laissé beaucoup de fresques, dans les églises et les palais, ses tableaux de chevalet sont restés fort rares. Vasari a dit lui-même de ses ouvrages : « Je les ai faits avec une conscience et un amour qui les rendent dignes, sinon d’éloges, au moins d’indulgence. » On peut lui reprocher d’habitude une évidente précipitation, que les procédés de la fresque rendaient alors nécessaire dans la peinture murale, mais qui pouvait, avec une facilité indéfinie de retouches et de corrections, s’éviter sur la toile ou le panneau. L’on sont, dans Vasari, le style florentin et l’imitation de Michel-Ange, qu’il connut vieux à Rome, qu’il aima comme un père, qu’il admira comme un maître. Par ces caractères, il ressemble au premier Bronzino, mais sans l’égaler, et si, comme disent les annotateurs de son livre, « aucun défaut notable ne déprécie ses ouvrages, » il faut ajouter avec eux : « mais aucune qualité forte ne les recommande. »
La grande fresque du Jugement dernier, qui occupe toute la muraille en face de l’entrée, est un ouvrage très-postérieur aux peintures de la voûte et d’un caractère aussi différent que l’était devenu le caractère de son auteur à trente ans de distance. Ce fut après sa brouille avec Jules II et le raccommodement bizarre qui la suivit — après son ambassade à Bologne — après le long siège de Florence, en 1550, lorsque cette ville républicaine lutta seule et vaillamment contre le pape, l’empereur et les Médicis ligués pour sa ruine, et que Michel-Ange, nommé par le conseil des Dix procurator e générale des travaux de défense, resta six mois entiers sur le mont San-Miniato ; — ce fut, dis-je, après les actes principaux de sa vie politique, qu’il résolut de traiter un sujet si bien approprié à la nature de son vaste et sombre génie.
Franchissons encore les longs ténèbres du moyen-âge, ainsi que les premiers et respectables essais d'art national, tentés partout, mais donc l'histoire est trés confuse et trop incertaine pour nous fournir d'utiles leçons, et passons enfin à cette admirable époque du réveil général de l'esprit humain qu'on nomme la Renaissance.
C'est en Italie, c'est à Florence d'abord, qu'il faut nous placer.
Florence est bien l'Athène moderne : toutes deux républiques, toutes deux populaires, agitées, pleine d'action et de vie débordante. L'une eut Homère par Pisistrate, l'autre Dante et le vieux Cosme; l'une Périclès,l'autre les Médicis; l'une Thucydide et Aristote, l'autre Guicciardini et Machiavel; l'une Polygnote, Ictinus, Philias, Apelles, l'autre Giotto, Brunelleschi, Léonard, Michel-Ange.
La Pinacothèque de Bologne (c'est ainsi qu'on l'appelle, et ce nom, qui nous paraît bizarre, ne l'est pourtant pas plus, pour exprimer une collection de tableaux , que le mol bibliothèque pour exprimer une collection de livres) n'est pas très considérable; elle ne contient que deux cent quatre-vingt-six ouvrages. Mais, pour premier mérite, elle est rangée, quoique dans un emplacement peu convenable et des salles irrégulières , avec un ordre et un goût irréprochables. On trouve en entrant une série curieuse de vieux tableaux, de ceux qu'on appelle gothiques , et c'est avec un intérêt mêlé de vénération qu'on examine ces ouvrages âgés de tant de siècles , qui marquent le passage, la tradition entre l'art des anciens et l'art des modernes. Il y a douze à quinze morceaux, auxquels il serait sans doute impossible de donner une date précise et un nom d'auteur, qui appartiennent à l'école grecque, ou plutôt gréco-italienne, née de la communication ouverte, môme avant les croisades, entre les artistes de Constantinople et ceux de l'Italie. Il y a aussi un précieux ouvrage du grand Giotto, de ce petit paire dont le vieux Cimabuë fit son élève , et qui , dépassant son maître , abandonnant l'imitation des Grecs , et justement loué par Dante, par Pétrarque, par tous ses contemporains, pour avoir été le premier peintre original , pour avoir comme inventé l'expression, ouvre l'ère magnifique de la Renaissance. Dès avant Giotto, et de son temps, Bologne avait eu des maîtres nés dans son sein, Ventura, Ursone , Guido antichissimo : et de Giotto, l'on arrive successivement , par quelques-uns de ses élèves et de ses imitateurs, tels que Franco, Lorenzo Cristofano, Jacopo Avanzi, Simone des Crucifix, Vitale des Madones, Lippo le Dalmate, Marco Zoppo, jusqu'à Francesco Francia, l'illustre fondateur de l'école bolonaise.
Mais, sous cette forme primitive,sa création est à peu près contemporaine de la plus ancienne collection qui se soit formée en Europe, celle que fondèrent les Médicis, non que leur résidence particulière, le palais de Pitti, acheté et terminé par eux un peu plus tard, mais dans l'édifice où se trouveraient alors les bureaux des magistrats florentins, d'où lui vint le nom qu'elle porte encore, "Degl'Uffizi". De ce cabinet des rois de France le créateur est François 1er. C'est lui qui, rapportant de ses guerres d'Italie le goùt des beaux-arts, éveillé déjà parmi les Français pendant les rapides expéditions de Charles VII et de Louis XII, rapporta aussi quelques belles oeuvres des artistes italiens; c'est lui qui, par d'honorables largesses et de flatteurs accueils, attira dans sa cour plusieurs de ces artistes, et des plus éminents, Léonard de Vinci, Andreaa del Sarto, Benvenuto Cellini, il Primaticcio, il Rosso, Niccolo dell' Abbate, Pellegrini, il Bagnacavallo, etc.; c,est lui qui, ne pouvant enlever Raphaël à Rome ou Titien à Venise, reçu d,eux du moins, en formes d'excuse, quelque chef-d'oeuvre de leur pinceua; c'c'est lui enfin qui, prélevant dans un trésor épuisé sur les nécessités de la politique et de la guerre, et ne se rebutant pas d'avoir été trompé par le malheureux Andrea del Sarto, expédia en Italie d'autres commisionnaires zélés et plus fidèles (Primatrice, entre autres, devenu le riche abbé de Saint-Martin), qui lui rapportèrent des tableaux, des statues, des bronzes, des médailles, des ciselures, des nielles, finalement une collection choisie parmi toutes les oeuvres de l'art antique et des arts de la Renaissance.