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Citations de Louise Erdrich (874)


Alors que leurs critères moraux appliqués au reste du monde étaient stricts, ils savaient toujours trouver des excuses à leurs défauts personnels.
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Alors je l'ai senti : la terre a retenu son souffle, une lente expiration, puis un doux silence tamisé. J'ai éteint ma lampe et mes pensées se sont estompées. Il venait de se mettre à neiger. Pure et fragile, la neige tombait enfin, séparant l'air et la terre, les vivants et les morts, la lectrice et le livre.
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Alors on en est là, se dit Thomas en fixant la froide succession de phrases de la proposition de loi. On a survécu à la variole, à la carabine à répétition, à la mitrailleuse Hotchkiss et à la tuberculose. À la grippe de 1918 et à quatre ou cinq guerres meurtrières sur le sol américain. Et c'est à une série de mots ternes que l'on va finalement succomber. Réallocation, intensification, termination, assurer, et cetera.
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La journée était plus douce que depuis pas mal de temps, et une fraîcheur fugace s'attardait encore dans l'herbe, dans les feuilles, le goût de la rosée matinale. Franz courut dans la chambre de sa mère, se calma, et lui effleura le bras. Elle était réveillée et déjà vêtue pour la sortie d'une vaporeuse robe d'intérieur blanche semée de roses épanouies, certaines de couleurs rose, d'autres d'un rouge plus profond dans les replis des pétales. Des feuilles délicates d'un vert tendre flottaient partout dans les plis du tissu. Les cheveux d'Eva, abîmés par les traitements, pointaient courts et fins sur sa tête en boucles pelucheuses. D'une main tremblante, elle avait mis un peu de rouge à lèvres clair et s'était gargarisée, remarqua-t-il, avec un bain de bouche agréablement parfumé au lilas. Certains jours son haleine avait l'odeur de moisi d'une cave triste, à cause de ce qui se passait à l'intérieur, expliquait-elle, et lui faisait horreur. Elle aimait être toujours très propre. Ses yeux étaient beaux, se dit Franz, verts et en amande dans son visage mince, blanc comme le papier.
"Maman, annonça-t-il timide et fier, ton avion est avancé.
- Hilf mir", lança-t-elle, en se tournant avec empressement vers lui, et il l'aida à étendre les jambes et à s'asseoir sur le bord du lit. Elle lissa ses cheveux en arrière et, affaiblie, se leva et glissa un pied puis l'autre dans ses souliers à lacets en cuir marron. Elle respirait à fond, pour prendre des forces et aussi pour maitriser son excitation... Eva essaya d'avancer, sans traîner les pieds, en marchant aux côtés de Franz, mais au moment où ils entraient dans la cour de côté, il l'arrêta.
En un geste immense, il la prit dans ses bras et l'emporta tout simplement dans le champ. Elle rit de surprise, puis passa un bras autour de son cou, en pensant Mon fils, mon fils tout petit.....
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La beauté des feuilles avait disparu, un autre quart de la grande roue de l'année avait tourné. Les branches élégantes étaient nues. Il adorait ce moment où la véritable forme des arbres se révélait. Il dormait et dormait encore. Pouvait dormir tout un jour et toute une nuit. C'était étrange, se disait-il, qu'avec si peu de temps devant lui, il choisisse de le passer délicieusement inconscient. Il éprouvait pourtant toujours l'envie folle de s'abreuver à la grandeur du monde. Les jours les plus doux, quand il s'emmitouflait pour s'installer dehors sur sa petite chaise, il sentait le murmure des racines sous la terre. Les arbres buvaient une dernière goulée des grandes eaux coulant dans les profondeurs avant de s'endormir. S'endormir, comme lui. Sous cette couche d'eau, il percevait la présence d'autres êtres qui bougeaient si lentement que les humains n'avaient généralement pas conscience de leur existence. Mais lui détectait leurs mouvements, tout là-bas dessous. Et plus profond encore, bien plus profond, sous ces êtres, il y avait le feu de la création, enterré par les étoiles au centre de la terre.
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Emmaline essayait de pleurer, essayait d’avoir les larmes aux yeux pour trouver un peu de soulagement. Mais Emmaline, c’était Emmaline.
LaRose lui tapota le bras, le cou.
T’en fais pas, tu vas y arriver, promit -il. Si tu tiens bon, tu te sentiras mieux. Un pas après l’autre au jour le jour.
LaRose était habitué au désespoir des mères, et ses mots étaient ceux qu’employait Peter avec Nola.
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Cinq jours après sa mort, Flora venait encore à la librairie. Je ne suis toujours pas totalement rationnelle - normal : je vends des livres. N'empêche. J'ai eu du mal à l'accepter. Elle débarquait systématiquement quand la boutique était vide et que c'était moi qui tenais la caisse. Elle connaissait nos heures creuses.
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C’est un pisseur discret, a remarqué Cappy.
Ben, c’est un curé, a dit Angus.
Ils ont une drôle de façon de pisser ?
Ils font pas l’amour, a répondu Angus. Si on s’en sert pas régulièrement, peut-être que la plomberie finit par rouiller.
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Depuis sa découverte de la réserve de livres à l'étage du dessous, sur son lieu de travail, elle avait été mêlée à une foule invraisemblable de gens et à leurs faits et gestes. Elle lisait Edith Wharton, Hemingway, Dos Passos, George Eliot, et pour le réconfort, Jane Austen. Le plaisir de ce genre de vie - livresque, pouvait-on dire à son avis, une vie passée à lire - avait donné à son isolement un caractères riche et même subversif. [...] Qu'elle garde son père drogué sur son lit à côté de la cuisinière, qu'elle soit sans enfant, sans mari et pauvre, comptait moins dès lors qu'elle prenait un volume en main. Ses erreurs y disparaissaient. Elle vivait avec une énergie inventée.
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Le cerveau d'une mère est un monceau de déchets où subsiste le guano culturel des âges de chacun de ses enfants.
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J’avais passé une gomme rose sur mon enfance et flouté le chagrin.
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" Nous t'aimons , ne pleure pas.
Le chagrin dévore le temps.
Sois patient.
Le temps dévore le chagrin. "
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Vous n’avez jamais vu les dents d’un trappeur blanc, mais ces gens-là n’avaient pas l’habitude que nous avions, nous les Indiens, de nous nettoyer les dents en les frottant à l’aide d’une brindille de bouleau. Ils les laissaient pourrir. On sentait son haleine à plus d’un kilomètre avant de voir apparaître le trappeur. D’ordinaire, son haleine sentait pire que tout le reste de sa personne, ce qui n’était pas peu dire, hein ?
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On ne peut pas savoir si quelqu’un est indien d’après les empreintes digitales. On ne peut pas le savoir d’après le nom. On ne peut même pas le savoir d’après un rapport de la police locale. On ne peut pas le savoir d’après une photo. D’après une photo d’identité judiciaire. D’après un numéro de téléphone. Du point de vue du gouvernement, la seule façon de savoir qu’un Indien est un Indien consiste à examiner son passé. Il doit avoir de lointains ancêtres qui ont signé un quelconque document officiel, ou qui ont été enregistrés en tant qu’Indiens par le gouvernement américain, quelqu’un qui a été déclaré membre d’une tribu. Ensuite il faut examiner le pourcentage de sang, quelle est chez cette personne la quantité de sang indien appartenant à une seule tribu. Dans la plupart des cas, le gouvernement déclarera cette personne indienne si elle a un quart de sang indien – en général, ce sang doit être celui d’une seule tribu. Mais cette tribu doit aussi être reconnue au niveau fédéral. En d’autres termes, être un Indien c’est, d’une certaine façon, un imbroglio de paperasserie bureaucratique.

Par ailleurs, les Indiens se reconnaissent entre eux sans avoir besoin du pedigree fédéral, et cela – comme l’amour, le sexe, avoir ou ne pas avoir de bébé – n’a rien à voir avec le gouvernement.
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Des petits arbres avaient attaqué les fondations de notre maison. Ce n’étaient que de jeunes plants piqués d’une ou deux feuilles raides et saines. Les tiges avaient tout de même réussi à s’insinuer dans de menues fissures parcourant les bardeaux bruns qui recouvraient les parpaings. Elles avaient poussé dans le mur invisible et il était difficile de les extirper. Mon père a essuyé la paume de sa main en se la passant sur le front et a maudit leur résistance.
(Incipit)
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Pendant cette époque de désunion, Fidelis mit en place ce qui devait devenir une institution d'Argus. La chorale à laquelle il avait appartenu autrefois, à Ludwigsruhe, lui manquait. Bien que celle de là-bas fût uniquement composée de maîtres bouchers, il lui vint à l'idée, peu après avoir chanté avec le docteur Heech, qu'en Amérique il était inutile de compartimenter une chorale par profession.
La première rencontre eut lieu dans l'abattoir Waldvogel, doté d'un plafond élevé et de murs répercutant le son avec un effet agréable... Et à tous Fidelis offrait des biscuits salés, du fromage, de la saucisse sèche,et une perpétuelle réserve de bonne humeur, car dans le chant c'était un homme heureux. Il n'y avait pas d'obscurité en lui, pas de pesanteur. Il était léger comme la lumière, entièrement musique.
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Tomber amoureux c'est aussi tomber dans l'état de connaissance. L'amour durable survient quand nous aimons la majeure partie de ce que nous apprenons sur l'autre, et sommes capables de tolérer les défauts qu'il ne peut changer. (p.34)
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Tous les soirs, Sonja me donnait un oreiller de son lit. L’oreiller sentait le shampoing à l’abricot et aussi une vague senteur sombre – une sorte de décomposition érotique intime comme le cœur d’une fleur fanée. J’y enfouissais mon visage pour l’aspirer.
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L'histoire, c'est deux choses, après tout. Pour qu'elle ait un sens, l'histoire doit se composer à la fois de l'évènement et du récit. Si elle ne racontait jamais rien, s'il ne racontait jamais rien, s'ils n'en parlaient jamais entre eux, il n'y avait pas de récit. Et l'acte, , même s'il avait eu lieu, était ainsi dénué de sens.Il ne comptait pas pour une infidélité. Il ne comptait pas du tout. (p.108)
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Restée seule, il me fallait échapper à mon environnement, comme en prison. Là-bas, j'avais appris à lire avec une force proche de la folie. Une fois dehors, je m'étais aperçue que je ne pouvais plus lire n'importe quels livres, car je voyais clair en eux : les petites ruses, les accroches, le décor diligemment planté au début, la pesante menace d'une fin tragique et puis la façon dont, à la toute dernière page, l'auteur tirait le tapis de tristesse sous les pieds du lecteur en sauvant un personnage chéri. J'avais besoin que l'écriture soit d'une densité minérale. Qu'elle procède d'une intention authentique et non d'une fabrication cynique. J'étais devenue allergique aux manipulations.
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