- (...) vous pourriez devenir poète.
- Vraiment ?
- Ne dites pas n'importe quoi, rétorqua Elise. Les femmes poètes, cela n'existe pas.
- Et Mme de La Fayette ? Et Mme de Sévigné ? objecta Louison.
- Elles ont écrit des romans et des lettres, pas de la poésie, répliqua Elise. Et puis, c'étaient des exceptions à la règle.
- Et bien moi, je prétends que Laure pourrait le faire, insista Louison. Notre siècle bouillonne. avec les philosophes, de nouvelles idées émergent. Je pressens de grands bouleversements à venir. Un jour, les femmes écriront et exerceront des métiers d'hommes.
Nous avions travaillé sur ma diction, une élocution parfaite étant un signe de distinction. " Un chasseur sachant chasser sans son chien, ça se chasse aussi, sachez-le ! "
J'eus peur de cette part ténébreuse qui se révélait, qui émergeait du plus profond de mon être... Cette part de moi qui aspirait à se rebeller, se révolter. Comme le dit le proverbe, il faut se méfier de l'eau qui dort. J'avais toujours pensé que les gens calmes étaient des personnes qui bouillaient intérieurement.
Les pensionnaires n'avaient pas le droit de se quereller, de conclure des marchés entre elles, de faire des échanges, d'écrire des lettres en cachette, et les divertissements (danse, jeux de cartes, romans, chansons...) leur étaient proscrits. Toutes les élèves savaient tricher pour faire fi des interdits.
Qui sera le prochain?
Tenez vous prêt
Signé Mlle Versailles
J'imagine déjà certains d'entre vous grincer des dents, se ronger les ongles, s'arracher les cheveux - ou ceux de vos perruques -, mais que mes lettres vous perdent ou vous sauvent, cela ne tient qu'à vous. En attendant, je vous surveille. Je sens que cette année sera agitée. J'ai hâte de découvrir vos futures incartades. Qui sera le prochain ? Tenez-vous prêts !
Signé Mlle V.
- Non, je sais que cette rupture était difficile pour toi... Plus difficile que de subir vingt coups de bâtons ou de faire le tour de Versailles en courant. Tu as dû blesser une fille, toi qui préfères être gentil qu'être franc. Le plus grand courage, c'est d'être vrai. Tu es allé au bout de toi-même. Je te remercie de l'avoir fait sans que je le demande. Tu es pardonné.
- Parfois, il faut savoir sacrifier son confort pour les idées qui nous tiennent à coeur, affirma Louison. Je ne ferai pas de compromis avec mes valeurs.
Pour ma part, ce cercle de débauchés avait toujours attisé ma curiosité [...].