Citations de Lu Xun (81)
Ne croyez que ceux qui doutent.
Le désespoir a ceci de commun avec l'espérance qu'il est aussi une illusion.
A partir de ce moment-là je goûtai un ennui que je n'avais jamais éprouvé. A l'époque je n'en comprenais pas la raison ; ensuite il me sembla qu'il s'expliquait ainsi : si les propositions de quelqu'un rencontrent l'approbation, il sera encouragé à avancer, si elles rencontrent l'opposition, il sera encouragé à lutter, mais si ses cris, lancés parmi des inconnus, ne suscitent aucune réaction, dans un sens ou dans l'autre, il se retrouve impuissant au milieu d'une terre vaine infinie - quelle tristesse ! Alors, je donnai à ce que j'éprouvais le nom de solitude.
(préface de l'auteur)
J'ai compris que leurs paroles étaient du poison, leurs rires des couteaux.
("Journal d'un fou")
Ce matin, je suis resté assis tranquille un moment. Chen le Cinquième m'a apporté à manger : un bol de légumes, un bol de poisson à la vapeur. Les yeux de ce poisson, blancs et durs, sa bouche ouverte, étaient exactement identiques à ceux de cette bande de mangeurs d'hommes.
("Journal d'un fou")
Quand j'étais jeune, j'ai moi aussi fait beaucoup de rêves ; j'en ai plus tard oublié une bonne partie, ce qui ne me semble guère regrettable. Ce qu'on appelle se souvenir peut certes procurer du plaisir, mais parfois aussi inévitablement un sentiment de solitude, un attachement des fils de la pensée aux jours révolus de solitude - quel intérêt cela peut-il bien avoir ? Moi, je souffre justement de ne pouvoir tout oublier, et cette part de chose que je ne parviens pas à oublier complètement est maintenant devenue la source de "Cris".
(préface de l'auteur)
Je m'en souviens, un frisson m'a parcouru de la tête jusqu'aux pieds.
Ils sont capables de manger de l'homme, peut-être ne seraient-ils pas incapables de me manger.
("Journal d'un fou")
Voulant manger de l'homme et craignant d'être mangés par d'autres, tous se dévisagent, le regard empreint de la plus profonde méfiance.
("Journal d'un fou")
Ils estiment aussi que la population est trop nombreuse, reprit le premier discoureur. En réduire un peu la taille est probablement la voie du retour à la Grande Paix. Ils parlent bien sûr des gens du vulgaire, de ceux qui ne peuvent dominer leurs passions, ni n'ont comme les Sages les moyens des plus subtiles conjectures. La maîtrise des affaires de ce monde exige un haut degré de subjectivité. Ainsi, disait Shakespeare...
Je me dis : l'espoir existe et il n'existe pas. Il en est ainsi des routes. La terre n'avait pas de routes à l'origine, mais quand les hommes passent en grand nombre par un même endroit, une route finit par y être tracée. (Préface janvier 1921)
Dans mon livre d'histoire, sur chacune des pages, s'étalent les mots : "humanité", "justice", "morale".
Comme je ne parvenais pas à m'endormir, j'ai lu attentivement pendant la moitié de la nuit, jusqu'au moment où j'ai décelé quelque chose d'écrit entre les lignes, deux mots qui remplissaient le livre tout entier : "Dévorer l'Homme".
Journal d'un fou
cité dans l'Art et la folie
« Fais-nous donc voir ton arbre généalogique, continua-t-il à voix forte en se tournant vers le rustique. Je me fais fort d'y voir que tes ancêtres sont tous aussi stupides que toi...
- J'avions point d'arbre ni général ni logique...
- Peuh ! C'est bien à cause de maudits incultes dans ton genre que mes recherches ne peuvent être aussi précises qu'elles le devraient. »
- Il faut que tu trouves quelque chose par toi-même.
- « Retourner ses propres armes contre l'ennemi »..., dit le vainqueur déconfit à voix basse.
Yi éclata de rire en se relevant.
« Te voilà encore à citer les Classiques ! Tes belles paroles ne sont bonnes qu'à abuser les petites vieilles.»
Je m'étais engagé sur la pente glissante qui va du sérieux à la farce, or la farce est l'ennemie jurée de la création (…).
(dixit Lu Xun dans l'introduction).
Histoires de cheveux
Dès mon arrivée à Shangaï, j'achetai une fausse natte-cela coûtait deux yuan. Je me l' attachai sur la nuque et rentrai à la maison. Ma mère ne dit rien, mais certaines personnes de mon entourage, après avoir examiné quelle sorte de natte c'était là et découvert qu'elle était fausse, émirent un ricanement sinistre qui me déclarait bon pour la peine capitale. Il s'en trouva même une qui pensa aller me dénoncer aux autorités, mais la crainte que plus tard le parti révolutionnaire ne reprît le dessus la fit changer d'avis. (p. 89)
Préface de Luxun
lorsque j'étais jeune, j'ai fait moi aussi, beaucoup de rêves. Mais j'ai oublié la plupart d'entre eux, ce qui ne me cause aucun regret. Si ce qu'on appelle se souvenir procure parfois du plaisir, il est inévitable que cela fasse parfois aussi de la peine, et l'on peut alors se dire qu'il n'y a guère de sens à laisser l'esprit traîner ainsi avec soi l'affliction des jours révolus. Mais ma peine à moi, c'est ce que je ne puis tout oublier, de là sont nés les récits qui composent-Cris- (p. 13)
« Moi, je n’ai envie ni de dire des mensonges, ni d’être rossé. Alors, maître, que dois-je dire ? »
Mon pays natal
Je pensai : " L'espoir n'est pas une chose dont on peut dire qu'elle existe ou qu'elle n'existe pas. C'est comme pour les routes sur la terre : à l'origine, il n'y en avait pas, mais tout endroit où les hommes sont passés nombreux s'est transformé en route" (p. 125)
"Les enfants sont toujours bons. Ils sont l'innocence même [...]. Les enfants n'ont pas le penchant mauvais des adultes. Ce mal qu'il y a en eux [...], ils l'ont appris de leur milieu, c'est leur milieu qui est mauvais. Par nature, ils ne le sont pas, ils sont innocents..."
Préface de Luxun
Mais elle pleura aussi, ce qui était normal, car à cette époque la seule voie convenable pour un jeune homme de bonne famille, c'étaient les études classiques. Quiconque apprenait ce qu'on appelait les "choses étrangères" était considéré comme une sorte de bon à rien sans avenir qui serait contraint de vendre son âme aux diables étrangers, un raté que tous railleraient et rejetteraient. (p. 14)