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Luc Blanvillain le répondeur éditions Quidam
Coup de d'Alison au rayon Littérature en poche
Baptiste sait l'art subtil de l'imitation. Il contrefait à la perfection certaines voix, en restitue l'âme, ressuscite celles qui se sont tues. Mais voilà, cela ne paie guère. Maigrement appointé par un théâtre associatif, il gâche son talent pour un quarteron de spectateurs distraits. Jusqu'au jour où l'aborde un homme assoiffé de silence. Pas n'importe quel homme. Jean Chozène. Un romancier célèbre et discret, mais assiégé par les importuns, les solliciteurs, les mondains, les fâcheux. Chozène a besoin de calme et de temps pour achever son texte le plus ambitieux, le plus intime. Aussi propose-t-il à Baptiste de devenir sa voix au téléphone. Pour ce faire, il lui confie sa vie, se défausse enfin de ses misérables secrets, se libère du réel pour se perdre à loisir dans l'écriture. C'est ainsi que Baptiste devient son répondeur. À leurs risques et périls.
Disponible sur le site https://www.ombres-blanches.fr/product/28850/luc-blanvillain-le-repondeur
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OMBRES BLANCHES
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il faut suivre l'exemple de gens comme Jésus, Gandhi ou Luther King. Ne jamais répondre. Tendre l'autre joue. Quand on te fout un gnon, tu balances de l'amour.
- Tu sais comment ils ont fini?
- Je sais. Massacrés. Tous les trois. Mais quand même
Sur le moment, ses paroles m'avaient juste émerveillé, mais à la différence des chewing-gums, les mots ont plus de goût quand on les mâche longtemps.
Baptiste avait souvent envisagé cette question de la célébrité. À certains égards, il lui fallait même reconnaître qu'il l'avait désirée. Mais il n'avait jamais fait l'effort de se la représenter, de s'en figurer les implications. Né à la fin du XXème siècle, il avait intégré l'idée qu'elle constituait un état sans contour net ni causes précises. Il y avait eu une époque, déjà terriblement lointaine, son enfance ou celle de ses parents, au cours de laquelle elle était perçue comme la récompense publique d'un mérite, d'un talent. Il y avait eu des scientifiques célèbres, des écrivains célèbres puis des acteurs, des chanteurs, des mannequins célèbres.
Ensuite, progressivement, étaient apparues les célébrités.
En inversant les causalités, la renommée s'était quintessenciée. On n'était plus célèbre parce qu'on avait tourné dans un film. On devenait acteur parce qu'on était célèbre.
Au réveil, saisi d’une impulsion philanthropique, il lika sur Facebook les statuts de ses amis. Fabien dénonçait un projet félon du gouvernement. Tony relayait une pétition en faveur des migrants et Yannick, un ancien collègue qui ne faisait pas mystère de son admiration pour Élisabeth Levy ironisait sur l’écriture inclusive. Concernant ce dernier, au terme d’un bref débat intérieur, il substitua au pouce bleu une émoticône souriante, parfaitement amphibologique, susceptible d’être interprétée comme une adhésion distanciée ou de suggérer une ironie bonhomme. Baptiste se méfiait, certains de ses contacts lui prêtant des affinités avec la nébuleuse néo-réac parce qu’il avait, une fois, exprimé dans un commentaire des réticences à propos d’un éditorial des Inrockuptibles. (p. 125)
Comme à chaque fois qu'il tombait amoureux, sa vie lui apparaissait sous un jour grotesque et futile.
J'ai toujours rêvé d'un ordinateur qui soit aussi facile à utiliser qu'un téléphone. Mon rêve s'est réalisé : je ne sais plus comment utiliser mon téléphone. (p. 139)
- Bjarne Stroustrup, informaticien.
Monsieur et madame Manchec avaient eu la mauvaise idée d'appeler leur fille Adélaïde et leur fils Rodrigue. On ne pouvait pas faire tellement pire, à la fin du vingtième siècle. La vie des deux malheureux promettait d'être rude. Pourtant, les parents n'avaient pas voulu se montrer malveillants, ils étaient juste irrémédiablement romantiques. Monsieur Manchec était conservateur dans un musée, spécialiste des paysages du XVIIIe siècle, et son épouse enseignait le violoncelle. Ils vivaient dans un monde doux, beau, raffiné, qui sentait bon la cire d'abeille et le thé. Adélaïde venait d'atteindre sa quinzième année. Trois ans plus tôt, toutes ses copines étaient devenues des monstres. C'était normal. Vers douze ans, les filles deviennent des monstres. Elles rient avec des yeux terrifiants. Elles essaient d'être exactement comme les autres filles, comme les magazines pour filles de leur âge, comme les émissions pour filles de leur âge, comme les chanteuses de leur âge, elles veulent être exactement de leur âge. Des monstres. Les garçons, me direz-vous, c'est un peu pareil. Oui, mais dans cette histoire, ce sont des filles qui vont mourir. Principalement.
Il n’en revenait pas. Un producteur, il aurait pu comprendre. Mais un écrivain? Peut-être l’un de ceux qu’il admirait le plus, un auteur aussi célèbre que discret, Goncourt à la toute fin du vingtième siècle, prosateur raffiné dont la voix douce et rare illuminait certaines fins d’après-midi d’automne, sur France Culture. Par quelle fantaisie du destin Pierre Chozène avait-il pu se retrouver dans sa loge ? C’était inimaginable.
— Tous mes livres?
Chozène paraissait sincèrement épaté. Pourtant, il écrivait peu. Un roman tous les quatre ans, en moyenne. Une demi-douzaine en tout, traduits dans vingt langues.
— J’ai commencé par hasard, dans une librairie, les premières lignes du Voyage d’été… p. 11-12
A peine sorti de l'adolescence, il possédait une conscience aigüe de la finitude et de l'urgence. Il savait que des vies entières pouvaient se dérouler sans événement. Celle de ses grands-parents, qui habitaient dans une petite ville du Cher, était rythmée par la télé, le jardin, l'ouverture et surtout la fermeture des volets électriques, à heures fixes, été comme hiver. Le ronronnement des volets électriques lui avait déclenché très tôt des crises d'angoisse, quand, par malheur, on l'envoyait passer quelques jours chez eux, pour les vacances.
(p. 17-18)
(...) son téléphone portable avait disparu. C'était LA catastrophe internationale. Pas tellement à cause du téléphone, qui était vieux, de toute façon, un modèle de l'année dernière qui ne permettait pas de se connecter à internet. Même, à la limite, c'était une chance. (p. 73)