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Citations de Lucie Delarue-Mardrus (79)


ULULEMENT


La chouette crie,
Féerie,
Triste conte bleu,
Un peu
monotone,
De la grande automne.

Ce cri vient de soi, on croit,
Quand on est poète
Et bête.
Pourtant ce n'est rien,
Je suis bien,

Qu'un oiseau qui passe
Et chasse
Et qui ne sait pas
Son glas Identique
Au cœur romantique.
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AU JARDIN DE MAI


Le printemps, au jardin de mai, nous faisait fête,
Et nos pieds étaient prêts pour la course et le bond.
Des arbres entiers sentaient bon.
Nous en pensions perdre la tête.

Nous allions, nous tenant la main, comme deux sœurs,
Sans presque nous parler, à grands pas, bouche bée.
Une frêle pluie est tombée
Qui semblait parfumée aux fleurs.

Les marronniers illuminés, tout blancs, tout roses,
Portaient leurs fleurs ainsi que de légers flambeaux.
Des lilas étaient lourds et beaux.
Nous y fîmes de longues pauses.

L'herbe montait à l'arbre, et l'arbre descendait
À l'herbe ; et les gazons berçaient des ombres rondes.
Une branche basse pendait,
Offrant des corolles profondes.

Nous disions qu'on ne peut s'habituer jamais
Au printemps, cette histoire irréelle de fées.
Ivres, par vaux et par sommets,
Nous voulions vivre décoiffées….
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Automne
On voit tout le temps, en automne,
Quelque chose qui vous étonne,
C'est une branche tout à coup ,
Qui s'effeuille dans votre cou.
C'est un petit arbre tout rouge,
Un, d'une autre couleur encor,
Et puis partout, ces feuilles d'or
Qui tombent sans que rien ne bouge.


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Lucie Delarue-Mardrus
Nuits
  
  
  
  
J’aime, en quelque lieu que ce soit,
L’heure où l’existence, pour moi,
Redevient nocturne et muette.

L’heure sans lois et sans humains,
Sans hiers et sans lendemains,
Où je ne suis plus que poète.

La seule heure d’esprit total,
Celle où, jusqu’oublier mon mal
Je sens se fermer toute plaie,

Car je ne fus moi-même, vraie,
Car je ne fus ce que suis,
— Passionnément — que les nuits.
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Femmes élues


Comme un courant d'eau douce à travers l'âcre mer,
Nos secrètes amours, tendrement enlacées,
Passent parmi ce siècle impie, à la pensée
Dure, et qui n'a pas mis son âme dans sa chair.

Nous avons le sourire des blanches noces
Qui mêlent nos contours émouvants et lactés,
Et dans nos yeux survit la dernière beauté
Du monde, et dans nos cœurs le dernier sacerdoce.

Nous conduisons parmi les baumes et les fleurs
La lenteur de nos pas rythmés comme des strophes,
Portant seules le faix souverain des étoffes,
Les pierres et les fards, et l'orgueil des couleurs.

Nous sommes le miroir de nous-mêmes, l'aurore
Qui se répète au fond du lac silencieux,
Et notre passion est un vin précieux
Qui brûle, contenu dans une double amphore.

Mais parfois la lueur fauve de nos regards
Epouvante ceux-là qui nous nomment damnées,
Et l'horreur vit en nous ainsi qu'en nos ainées
Qui lamentaient les nuits dans leurs cheveux épars.
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Cinq Petits Tableaux.


II
À travers prés, à travers bois,
Commence la féerie étrange de l'année.
Partout où vont mes yeux, je vois
La grande automne empoisonnée.

Les branchages tordus et noirs
Sont lentement en proie à toutes les chimies.
Les dernières roses, blémies,
Fleurissent sur des désespoirs.

Dans la jonchée épaisse et rose,
Je m'avance, et mes pieds font un étroit chemin.
Et toute tremblante, à ma main,
Une feuille se décompose….
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Mystérieusement


La lenteur de tes pas que suivent les étoffes,
Au sol jonché ramasse une à une des fleurs
Et l'épode te montre au bout des antistrophes
Droite et debout, drapant ta souplesse aux ampleurs
De ta robe en qui meurt toute une gamme bleue
Fraîche de tant de fleurs dans les plis de sa queue.

Et les mille parfums doucement en allés
De ces calices, vont à ta gorge plénière,
Vont à la nudité de tes bras étalés
S'unir à la senteur de ta chair printanière ;
Et le désir humain qui rôde tout autour
De toi son rêve fou d'enlacement farouche
Confie à chaque fleur le baiser d'une bouche
Et dans chaque parfum met un aveu d'amour.
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À UNE MOUETTE

Qui donc aura souffert, pauvre mouette prise,
Ton grand essor capté ?
Tu tremblais dans mes mains, doucement blanche et grise
Toute chaude de liberté.

Esclave, je t'avais achetée au passage
À ces mauvais garçons,
Et ce geste me plut d'aller jusqu'à la plage
Te rendre à tes quatre horizons.

Les plumes de ta tête étaient lisses et belles
Sous mon baiser fervent;
Puis j'ouvris mes deux mains, tu ouvris tes deux ailes
Et partis librement dans le vent.

― Emporte sans le savoir le baiser du poète
Au large inapaisé.
C'était toute la mer, ô chère sœur mouette,
Que j'embrassais en ce baiser.

p.268-269

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Sous le marronnier énorme dont les feuilles tombaient déjà, tous deux se remirent à chercher des marrons. C'était l'aîné qui, d'un coup de talon, cassait en deux les coques, merveille pour le plus petit. Vernis comme des joujous neufs, les marrons jaillissaient d'entre leurs piquants et roulaient jusqu'à la porté du bébé. Ce soir ou demain, le valet Donatien choisirait les plus beaux pour y sculpter avec son couteau des petites figures humaines. Les autres formeraient ces lourds colliers que les gosses aiment porter sur leur sarrau.

Page 12
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Lucie Delarue-Mardrus
Si tu viens

Si tu viens, je prendrai tes lèvres dès la porte,
Nous irons sans parler dans l’ombre et les coussins,
Je t’y ferai tomber, longue comme une morte,
Et, passionnément, je chercherai tes seins.


A travers ton bouquet de corsage, ma bouche
Prendra leur pointe nue et rose entre deux fleurs,
Et t’écoutant gémir du baiser qui les touche,
Je te désirerai, jusqu’aux pleurs, jusqu’aux pleurs !


–Or, les lèvres au sein, je veux que ma main droite
Fasse vibrer ton corps – instrument sans défaut-
Que tout l’art de l’Amour inspiré de Sapho
Exalte cette chair sensible intime et moite.


Mais quand le difficile et terrible plaisir
Te cambrera, livrée, éperdument ouverte,
Puissé-je retenir l’élan fou du désir
Qui crispera mes doigts contre ton col inerte !

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JE SAIS...


Je sais que je suis un poète
Assez grand, ou qui le sera,
Le jour où le suprême drap
Sera replié sur ma tête.

Mais qu'advienne ce lendemain,
Gloire tout de suite ou future,
Qu'importe ? On n'est rien qu'un humain,
Peu de chose dans la nature.

Un nuage traversant l'air,
Un couchant sur un paysage,
Une fleur, un arbre, la mer
Dépassent la plus belle page.

J'aurai trop aimé la beauté,
Moi qui suis comme née en transe,
Pour n'avoir pas l'humilité
Qui va jusqu'à l'indifférence.
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Tempête d'octobre


Pour remplacer partout l'ancienne verdure
Par on ne sait quel iodure,

Les feuilles mortes ont de si belles couleurs
Qu'on peut croire qu'il pleut des fleurs.

Le féroce chasseur de la vieille ballade
Parcourt cette pourpre malade.

Taïaut ! C'est la tempête, au fond du lointain d'or,
Qui passe et qui sonne du cor.

Tout s'effeuille, se tord, s'enfuit. La forêt bronche,
Le vent immense arrache et jonche.

On dirait que plus rien ne va rester debout
Dans cette grande fin de tout.

Et l'on s'en va parmi cette ivresse farouche
En courant, en ouvrant la bouche,

Avec l'âpre désir, dans ces tourbillons d'or,
De voler comme eux à la mort.
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Cinq Petits Tableaux.


V
Sous ce ciel pluvieux et rapide, l'automne
Reste flamboyante. Et le soir
Qui vient et fait cesser cet oiseau qui chantonne,
Le soir ne peut devenir noir.

Comme un vaste incendie allumé par les hommes,
Le paysage est empourpré.
Et tout le soleil reste en ce panier de pommes
Qui rutile au milieu du pré.

Rouge, rousse, orangée et jaune, et qui insiste,
La couleur ne veut pas mourir.
Parmi ce soir en flamme où j'aime tant courir,
Mon Dieu, comme mon cœur est triste.
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Printemps


Je voudrais évoquer à cause du printemps
Quelque rêve fleurant la joie et la tendresse
Où flâneraient des pas d'amant et de maîtresse
Ivres de leur amour et de leurs beaux vingt ans.

Car voici sur le bleu des ciels les aubépines,
Roses bouquets perdant au vent par millions
Leurs pétales mêlés au vol des papillons
Légers plus follement qu'un pas de ballerines.

Car voici susurrer les sursauts clapotants
Des ruisseaux clairs en qui ne dort aucune lie,
Et se mirer déjà quelque longue ancolie
Comme une étoile au fond du glauque des étangs.

Car voici les pigeons aux saluts réciproques,
Le cou gonflé d'amour et de roucoulement,
Et, comme un éventail étalé largement,
Ouvrir leur roue énorme et riche, les paons rauques.

Car les échos moqueurs aux gorges des coucous
Et les rires aigus d'hirondelles alertes
Et les cris des gibiers au sein des ombres vertes,
Tous les refrains qui sont au fond de tous les cous,

Tout ceci, tout cela, l'eau qui court, ce qui passe,
Le vent et la nuée en haut et le sous-bois
Et les champs et la route et les fleurs et les voix,
Toute cette harmonie et toute cette grâce,

C'est l'accompagnement haut et bas tour à tour
Qui soutient le duo de l'homme et de la femme,
C'est tout le renouveau chantant l'épithalame
Pour l'auguste union d'un couple dans l'amour !
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Lucie Delarue-Mardrus
Et qui donc a jamais guéri de son enfance?
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Lucie Delarue-Mardrus
Femmes
  
  
  
  
Et tout dit à la femme : « Allez à la douleur. »
M.D.V.

Complexe chair offerte à la virilité,
Femme, amphore profonde et douce où dort la joie,
Toi que l’amour renverse et meurtrit, blanche proie,
Œuf douloureux où gît notre pérennité,

Femme qui perds la vie au soir où ta jeunesse
Trépasse, et qui survis pour des jours superflus,
Te débattant, passé qu’on ne regarde plus,
Dans le noir du destin où ton être se blesse,

Humanité sans force, endurante moitié
Du monde, ô camarade éternelle, ô moi-même !…
Femme, femme, qui donc te dira que je t’aime
D’un cœur si gros d’amour et si lourd de pitié ?
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Lucie Delarue-Mardrus
L'odeur de mon pays

L'odeur de mon pays était dans une pomme
Je l'ai mordue avec les yeux fermés du somme,
Pour me croire debout dans un herbage vert.
L'herbe haute sentait le soleil et la mer,
L'ombre des peupliers y allongeaient des raies,
Et j'entendais le bruit des oiseaux, plein les haies,
Se mêler au retour des vagues de midi....
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Fatigue :

Je veux rester dans mes coussins aujourd’hui,
Seule à goûter, muette et presque inanimée
L’heureux éreintement de t’avoir trop aimée
Et d’avoir énervé tes sens toute la nuit ;

Je sentirai profondément que ma jeunesse
Est à présent un fruit mordu dans sa fraîcheur
Par cet amour de toi qui me creuse et me blesse
Et laissera sa marque au meilleur de mon cœur.

Et je rirai tout bas, folle, cernée et blême
Du désir de ma bouche humide et de mes doigts,
Et de savoir mon âme enrouée elle-même
Irréparablement, en moi, comme une voix.
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COQUELICOTS

Seule, je parcourais la colline punique
Et féroce, où guettaient encore des échos,
M'épouvantant de voir, le long des champs tragiques
Ces mares de coquelicots.

De si vastes, profonds, écartâtes espaces,
Nul n'en a jamais vu. Par places.
C'était, dans l'herbe haute où je me promenais,
Comme si, largement, les ruines saignaient...

— Serait-ce que la Souvenance
A travers cette terre où plus rien n'est vivant,
Incita le hasard vagabond et le vent
A ces semailles-ci qui demandent vengeance?

p.68
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MÉDITATION SUR UN VISAGE

J’ai douloureusement médité devant vous
Et j’ai pleuré sur vous, vieille dame étrangère
Qui ne pouviez savoir ma jeunesse légère
Occupée à fixer vos traits pâles et mous.

Je m’étonnais si fort que vous fussiez rieuse,
Moi qui d’abord pensais que vous n’aviez plus rien
Ayant à tout jamais perdu l’unique bien
D’être tentante, d’être étrange et vaporeuse.

La vie est-elle donc moins dure qu’on ne croit,
Puisqu’elle soigne encor comme une bonne mère,
Qu’elle sait égayer cette vieillesse amère
Où tout semblait devoir n’être que morne et froid ?

Et pourtant avec quelle épouvante cachée
Je regardais, songeant à la blancheur de lis
De nos âges, la peau ravagée et tachée
De ce masque qui fut jeune femme, jadis !

— Moi qui veux vivre jusqu’au bout, est-il possible
D’imaginer qu’ainsi je pourrai rire un jour
Lorsque je n’aurai plus ce trésor indicible :
L’audace, la beauté, l’entrain, l’orgueil, l’amour ?...

p.185-186
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