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Critiques de Lucien Suel (85)
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50 Micronouvelles

Etonnant ! Pas seulement vite lu, ce qui est la qualité la plus évidente d'un tel livre. J'ai lu ces 50 micronouvelles avec intérêt, 50 petits messages, 50 tweets.



Ces micronouvelles donc, sont destinées à être lues en version numérique.

Je les ai lues sur mon ordinateur portable, pas sur ma liseuse (quoique le format y serait accessible aussi après quelques manipulations informatiques).



Les nouvelles ont plus souvent le goût étonnant d'un court polar, une touche de suspense, un trait d'absurde, d'humour noir ... Peu ont la poésie d'un haiku (pourtant une forme courte aussi, si on y songe), mais j'avoue largement préférer des micronouvelles à du "nouveau roman". Je peux lire avec plaisir des pavés, mais à condition qu'une ponctuation bienvenue permette de respirer.



50 courts textes à découvrir.



PS ouvrage disponible en EPUB gratuit à ce jour (27 septembre 2014). Bonne lecture.
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La patience de Mauricette

Je n'ai pas lu de façon continue ce livre qui me mettait mal à l'aise par le sujet évoqué et la façon de le traiter.

Les souffrances de cette femme âgée et maniacodépressive résonnaient en moi pour des raisons personnelles et familiales. Mais bien m'en a pris d'aller jusqu'au bout de ce témoignage bouleversant qui manie en désordre mais efficacement plusieurs procédés narratifs : le récit impersonnel, la narration des proches et le journal intime de Mauricette entrepris au cours de son séjour en établissement public de santé mentale (ex asile de fous)

Mauricette est à la fois une patiente au sens de malade mais elle est bien d'avantage car elle a la patience de vouloir guérir !

Grâce bien sur aux méthodes thérapeutiques modernes prodiguées par l'établissement (relaxation, hydrothérapie,pratique de la musique ou de la peinture...).

Mais c'est à travers ses propres mots qu'elle écrit sur un cahier et ceux qu'elle ose enfin exprimer de vive voix à sa psychologue que Mauricette va enfin pouvoir enterrer sa vie d'avant et avoir envie de vivre.

Emilie Delaleau , c'est le prénom et le nom de la psychologue et cette caractéristique n'a rien d'anodin, elle est prémonitoire. Car Mauricette se sent coupable d'avoir entrainé la mort de son petit frère Emile noyé dans l'eau.

Et c'est grâce à Emilie Delaleau que la vie de Mauricette noyée de culpabilité va enfin pouvoir sortir de l'eau.

Ce livre est parcouru tout du long de noirceur mais finalement c'est la lumière des mots qui finit par vaincre la douleur des maux.

Et c'est un très beau livre que je recommande à condition d'avoir la patience .....

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Blanche étincelle

Un livre de Flannery O’ Connor, un disque d’Elisabeth Schwartzkopf, la pluie… le récit de « Blanche étincelle » s’ouvre lentement sur une amitié balbutiante entre deux femmes de génération différente mais que le plaisir du partage, la tendresse affective et la compassion réciproque vont transformer en une relation intense et indéfectible.

Pour Mauricette, la plus âgée, cette amitié nouvelle est même un fil tenu auquel elle se raccroche fermement. Elle allège le poids de la douleur physique et morale, éloigne les morts qui l’accompagne dans sa solitude, apaise sa colère dissimulée face à la fatalité.



Subrepticement, Lucien Suel laisse éclore une relation presque filiale baignée par une chaleur familiale attendrissante. La vie de la vieille femme s’en trouve bouleversée au point de la libérer des traumatismes qu’elle gardait enfouis depuis soixante ans.





Lire « Blanche étincelle » c’est s’abandonner à un sentiment de fragilité et de permanence mêlées. La narratrice laisse entendre une voix claire, sensible, pudique et sans détours. Dans ce journal intime, Mauricette commence par consigner son quotidien entre jardinage, cauchemars et lecture avec des mots anodins, des phrases courtes, une voix sèche et réservée. Pas d’exubérance, pas d’épanchement excessif des sentiments, l’écriture est presque fugitive, parfois silencieuse. C’est un condensé de choses essentielles, Mauricette ne s’encombre pas avec la rondeur des mots, peut être parce qu’elle a perdu l’habitude de parler et de parler de soi.

Mais les retrouvailles de plus en plus fréquentes avec la famille de Blanche adoucissent l’écriture : progressivement la phrase prend de l’amplitude, s'épanouissant dans une poésie subtile, la langue se délie et prend de l’assurance. Dans un style qui a abandonné la raideur du début et qui laisse s'épanouir la délicatesse qui la caractérise, Mauricette a besoin de « tout mettre en lumière ».

Même si la parole demeure saccadée pour évoquer les évènements douloureux et tragiques, Mauricette contemple le monde avec un œil nouveau ; plus sereine, elle prend pleinement conscience de ce qu’est la vie avec ses joies et ses peines.



Parce qu’il raconte un bonheur fragile, simple, émouvant, plein de douceur, ce roman est une belle histoire.

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Le lapin mystique

Parfois, il est bon de simplement commencer par l'incipit. « C'est dans le ruisseau que les matières s'écoulaient, consacrées par une novice qui avait vœu de chasteté sincère, mais temporaire. Au long de la nuit, le vacarme héroïque des torturés rugissant dans leur retraite s'ajoutait à la rude déclamation des mendiants mystérieux de l'enfer alcoolique. Une bouteille tomba de la poche du kangourou ventriloque au regard fixe. » (p. 7)



Cela vous paraît bien abscons ou tout à fait perché ? Ne laissez pas cette entrée en matière surréaliste et extraordinaire vous freiner. Continuez la lecture, tout prendra sens au fil des pages et des boucles du récit. Oui, tout est décalé, étrange, halluciné ; rien n'est ordinaire.



Alors, de quoi est-il question ? Il y a un homme blessé, sa compagne d'infortune ou peut-être son guide. Passées les plaies liminaires, le récit se déploie dans un raffinement moribond et une violence exquise. Il y a aussi le lapin, gigantesque évidemment puisque les Flandres sont à l'honneur.



Je refuse d'en dire davantage ou de résumer platement cette œuvre regorgeant de symboles et de poésie. Ouvrez ce texte sans craindre l'inconnu : ce n'est pas le saut qui fait peur, c'est l'hésitation.



Ce roman circulaire, comme nommé par l'écrivain lui-même, est le premier de Lucien Suel, mais pas le dernier que je lis de lui. Dans la bibliographie de cet auteur que je découvre, ai-je choisi ce livre pour son titre ? Indubitablement : je ne cesse jamais de courir après le lapin, blanc, mauve, mystique, qu'importe ! Et c'est toujours un plaisir de découvrir des artistes de ma chère région des Hauts-de-France, surtout s'iels sont publié·es par une maison d'édition locale.
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Rivière

"Rivière trop tôt partie, d'une traite, sans compagnon,

Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion.



Rivière où l'éclair finit et où commence ma maison,

Qui roule aux marches d'oubli la rocaille de ma raison.



Rivière, en toi terre est frisson, soleil anxiété.

Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de ta moisson.



Rivière souvent punie, rivière à l'abandon.



Rivière des apprentis à la calleuse condition,

Il n'est vent qui ne fléchisse à la crête de tes sillons.



Rivière de l'âme vide, de la guenille et du soupçon,

Du vieux malheur qui se dévide, de l'ormeau, de la compassion.



Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarisseurs,

Du soleil lâchant sa charrue pour s'acoquiner au menteur.



Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards éclos,

De la lampe qui désaltère l'angoisse autour de son chapeau.



Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer,

Où les étoiles ont cette ombre qu'elle refuse à la mer.



Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux,

De l'ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau.



Rivière au coeur jamais détruit dans ce monde fou de prison,

Garde-nous violent et ami des abeilles de l'horizon.



René Char, "La Sorgue" dans le recueil ​​​​​​​Fureur et mystère.



Je n'ai pas résisté! Lucien Suel est un poète, il a beaucoup de cordes à son arc et nous donne à lire ici son quatrième roman.

Ici, il s'agit de Jean-Baptiste Rivière qui préfère la marche au vélo, la lenteur à la rapidité. En 1970, l'histoire commence par le mariage avec Claire. En 2 CV, ils traversent la France du Nord au Sud jusqu'en Lozère où ils festoient avec Paul et Brigitte, leurs amis.

Bref retour sur l'enfance de JB: il lit, d'abord le Larousse, seul ouvrage présent dans la maison , les livres de la bibliothèque de classe et ceux d'une gentille dame qui étale des livres dans son salon.

En 2009, il est sauvé de la noyade dans une bâche de la côte d'Opale par un champion de natation; il n'oubliera pas ce 23 août! c'est à cela qu'il pense en regardant sur internet les naufrages, notamment ceux des migrants.

La suite est l'évocation d'un amour sublime pour Claire; elle et lui regrettent seulement que leur désir d'enfant ne se soit pas réalisé. Evocation de leurs jours heureux, nuit sous tente, beuveries entre amis...

Vient bien trop tôt la maladie de Claire (cancer du pancréas) l'hôpital puis les soins palliatifs. JB toujours auprès d'elle.

Claire n'est pas une morte muette: (née en 52, morte en 2001). "Je suis morte. Je suis présente absente, âme flottante..."Elle lui rappelle son amour.

Tout devient indifférent à JB enfermé dans son chagrin; grande solitude si ce n'est son chien et le jardinage. Finie la musique, fini le cinéma. Un peu d'internet, de twitter car la contrainte des cent-quarante signes oblige à être bref; un moment d'échanges avec Darkdada pas vraiment intéressant. JB jardine avec frénésie...il finit par briser sa sauvagerie en offrant ses légumes aux voisins puis en rendant visite à des amis auxquels il n'a pas appris la maladie et le décès de son épouse. Le jardin de ses amis est à l'abandon, il va s'y mettre et peu à peu il va renouer avec la vie par ses travaux.

Des chapitres courts, une lecture facile et agréable, un style poétique, émergence de souvenirs heureux jusqu'au drame. Parfois un peu d'humour mais surtout de la mélancolie. Que d'émotion!



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Rivière

Une lecture tout en suspension pour ce doux roman de LUCIEN SUEL. RIVIERE nous emporte dans un flot d’émotion, de souvenirs, de petite madeleine, avec une histoire d’amour fou, celle d’un homme, Jean Baptiste, qui doit se reconstruire après la disparition brutale de sa femme de notre monde réel. Une maladie soudaine et dévastatrice, qui emporte le corps de Claire sans que celle-ci n’abandonne son homme, l’accompagnant avec poésie depuis ses nuages, guidant ses pas, le ramenant à l’essentiel, la relecture de ses plus beaux souvenirs avec elle, la quête d’une relation saine avec notre monde, avec la nature, avec les choses simples de la vie.



En parallèle de la vie poétisée du héros Jean Baptiste et de son amour Claire, l’auteur tente une incursion dans le monde fantasmé des réseaux sociaux, sans doute pour avertir le lecteur de sa vacuité, sans que cela n’apporte quelque chose au roman, sinon un peu d’humour.



Je retiens de ce roman le personnage de Jean Baptiste, sincère, émouvant, entier, dont la bienveillance, nourrie sans limite par sa chérie Claire, se retrouve jusque dans sa relation avec son chien Alpha, que, comme lui, j’aurais plaisir à caresser tous les jours.

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Rivière

"Comment vivre encore quand les clartés de l'amour, de la connaissance, de la foi et de la raison s'éteignent brusquement, quand ce qui faisait le sel de la vie disparaît ? " Claire est décédée trop tôt, laissant son compagnon, Jean-Baptiste Rivière inconsolable. Accompagné de son chien, Jean-Baptiste se laisse envahir par les flots de souvenirs de leur jeunesse , de cet amour vécu dans les années 70. Mais le sentiment de révolte s'est émoussé et c'est quasi indifférent que le vieil homme assiste en spectateur à la victoire d'un capitalisme débridé qui saccage la nature et méprise l'humain.

Pourtant, mine de rien, c'est en se tournant vers les autres, en appréciant de nouveau le spectacle de la nature que notre héros va reprendre pied...

Rivière est aussi le récit d'un amour par delà la mort, Claire continuant à prendre la parole, sans que Jean-Baptiste en soit conscient, un roman lumineux porté par l'écriture maîtrisée et poétique de Lucien Suel. Une éclaircie dans la morosité.















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Mort d'un jardinier

Lucien Suel est un poète, et ce livre est plus un long poème en prose qu’un roman. Avec les avantages et les inconvénients que cela peut avoir. Une langue qui coule, de belles images, une jolie balade dans la vie simple et champêtre d’un homme qui s’éteint doucement après avoir goûté des plaisirs simples et universels. Mais aussi un style avec lequel j’ai eu du mal à accrocher. Le « tu » pour désigner le personnage m’a beaucoup embêtée, je me suis aperçue que c’est un procédé stylistique que je ne goûte pas du tout et qui m’empêche de rentrer dans le texte, de m’identifier. Je suis restée pendant près de la première moitié du livre un regard extérieur, une sorte d’entomologiste regardant les mouvements semble-t-il erratiques d’un insecte mille fois observé. Et puis cette ponctuation comme semée au hasard, souvent inexistence et parfois coupant un élan en son milieu.

J’ai bien failli abandonner ma lecture, mais vers la moitié ou les deux tiers, la langue et son flot ont fini par l’emporter. Je me suis laissée bercer, j’ai imaginé, j’ai vu les parallèles avec ma propre vie, la crise cardiaque trop précoce en moins je l’espère. Les instants anodins célébrés car ce sont eux qui donnent leur signification à une vie que l’on pourra dire à la fin « bien vécue ».

C’est un beau plus livre, qu’il faut lire assez vite, pour véritablement se laisser happer et en ressentir le mouvement. C’est un bon moment passé à l’air vif et matinal d’un bout de campagne, et que j’ai apprécié de lire pas loin d’un lopin de terre endormi qui est devenu ma propriété il y a quelques semaines et qu’il va me falloir bientôt remettre en production, à l’écoute du sol et au rythme des saisons. Ma place dans le mouvement du monde, dans le passage du temps, une goutte, un relais à transmettre, des moments qui en définitive ne comptent que pour moi mais cela ne les en rend pas moins précieux.
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50 Micronouvelles

Etrange ouvrage s’il en est que ce recueil de textes ultra courts ! Les éditions Thaulk ont proposé à 50 auteurs d’écrire autant de micro-nouvelles de 140 caractères maximum. Le résultat en est aussi disparate que leur notoriété (importante pour Norbert Spinrad ou Joëlle Wintrebert, un peu moindre pour Thierry Crouzet et quelques-uns ou carrément confidentielle pour certains autres). Le lecteur y trouvera quelques haïkus, aphorismes, poèmes en prose, sans oublier quelques additions ou jeux de mots ou d’idées. Comme toujours, du bon et du moins bon, du quelconque et de l’excellent. Chaque micro-nouvelle est présentée sur une page elle-même précédée de la couverture d’un livre de l'auteur.

Il est bien difficile de donner une impression générale de ce recueil à la Prévert. Le lecteur se contentera de noter au passage ce qui lui a plus particulièrement plu : « Le lendemain de la fin du monde, le silence se fit dans l'univers. Soulagé, Dieu rangea ses éclairs et ôta ses boules Quiès. » (Michel Pagel) ou « Suite à des restrictions budgétaires, l'auteur de ce texte a été licencié avant d’entamer l’écriture de son manuscrit. » (Nicolas Ancion) ou encore « La souffrance des autres, je peux la supporter, mais pas la mienne. Bizarre. Les morts ont raison d'être morts, la preuve : ils y restent. » (Ulysse Terrasson) ou bien « Las de constater qu’ici tout était sexe, là tout était argent, qu’ailleurs tout était Dieu, il se contenta de penser que tout était relatif. » (Pacco) Rien que pour ces quelques (rares) pépites, cet ouvrage mérite la lecture, sans s’illusionner toutefois sur le côté promotionnel de cette bizarre entreprise.
Lien : http://lemammouthmatue.skyne..
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Oeuvres ouvertes, numéro 1 : Apparitions

Œuvres ouvertes, c’est d’abord un site de littérature créé au tournant des années 2000 qui a accueilli de nombreux textes d’auteurs dont la plupart étaient eux-mêmes actifs sur le web. Site à la fois personnel et collectif, Œuvres ouvertes est une espèce de chantier d’écriture permanent, un work in progress à la vue de tous, avec notamment de nombreuses traductions. Les Grains de pollen et d’autres fragments de Novalis traduits par mes soins, mais aussi plus d’une centaine de récits de Kafka, et une édition critique en cours de ses journaux et cahiers. La littérature allemande – aussi contemporaine – y est donc amplement représentée.



Aujourd’hui, Œuvres ouvertes franchit un cap : revue web aux nombreuses ressources (4000 fichiers en ligne, soit plusieurs dizaines de milliers de pages imprimées), elle sera aussi une revue numérique et papier une fois l’an.



Pour ce premier numéro, un thème s’est imposé à moi : Apparitions. Le sommaire s’est en effet dessiné à partir d’une nouvelle traduction d’un récit de Kafka que je venais d’achever. Y surgit dès la première page un enfant fantôme avec lequel le narrateur engage aussitôt un dialogue. Comme une parabole de la littérature elle-même, épreuve intérieure au cours de laquelle des personnages, des lieux, des situations hantent littéralement celui ou celle qui écrit, jusqu’à le transformer. Kafka déclarait devant des amis, à propos de l’écriture de La Métamorphose : « Ce fut une chose horrible », comme s’il s’était agi d’un événement qu’il avait réellement vécu et qui l’avait marqué en profondeur.



On pourra donc lire ici des auteurs qui, pour la plupart, laissent surgir sur le web leurs propres apparitions (pas forcément spectrales !). Qu’ils soient ici vivement remerciés d’avoir accepté de participer à cette aventure d’Œuvres ouvertes.



Sommaire:



http://oeuvresouvertes.net/spip.php?article3980

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Les aventures de la limace à tête de chat

Pas de scénario dans cet album qui met en scène une curieuse bestiole née d'une union improbable, juste une série de tableaux aussi surréalistes qu'hilarants La limace à tête de chat reste imperturbable quelque soit la situation dans laquelle la fourre son créateur, elle n'exprime ni peur ni surprise , elle a juste l'air ahurie ou très philosophe.. Ses bacchantes fort peu félines lui donnent un air humain qui la rend irresistiblement attachante. j'ai adoré !

Une limace comme celle-ci, j'en veux bien dans mon jardin !

Dommage Monsieur Suel que vous n'ayez pas consacré un dessin à la copulation de la limace qui offre un spectacle aussi beau que surprenant.
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Rivière

Lorsque Jean-Baptiste Rivière perd sa femme, Claire, c'est un flot de souvenirs qui l'envahit. Décennie psychédélique, utopie hippie, rock. Nous sommes littéralement plongés dans tout ça. Une histoire à plusieurs voix dans laquelle Claire s'exprime en tant qu'âme errante. Des paroles spirituelles.

J-B se balade entre la pureté de la nature et de son jardin, et le numérique des réseaux sociaux. Il parle avec son chien Alpha toujours à ses côtés, et ce mystérieux DarkDada sur Twitter. Un étrange internaute que l'on ne voit qu'à travers ses publications. Et je me suis demandé quelle utilité avait ce personnage. Qu'allait-il apporter au deuil de JB ? C'est en lisant que je me suis prise une forte vague en plein visage. Celle qui nous a tous déjà englouti à la plage et que nous n'attendions pas, qui nous surprend, qui nous chamboule.

C'est ainsi que je pourrais décrire ce livre, c'est une Rivière qui chamboule.

Impossible de retourner à la surface tout de suite, nous sommes obnubilés par cette lueur des profondeurs qui fait briller nos yeux et nous hypnotise.

Un vrai jardinier poète qu'est Lucien Suel, c'est un titre qui lui va à merveille.

Il n'y a pas d'âge pour se jeter dans cette rivière. C'est un roman magnifique d'une typographie bleutée que je conseille de lire.
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Théorie des orages

Cette Théorie des orages est un texte (poème ?) en prose composé d'une multitude de visions associant la réalité la plus brute à des forces inconnues, à des énergies invisibles.



Théorie : observation, contemplation selon l'étymologie grecque ; « construction intellectuelle méthodique et organisée (dixit mon Petit Robert) ; et aussi (et peut-être surtout pour ce qui nous intéresse ?) : cortège, défilé, procession. le texte de Suel serait une procession d'orages, phénomènes physiques et météorologiques se produisant dans une masse d'air instable, au coeur de laquelle se produisent des décharges électriques. Mais il n'est pas dit que la théorie ne soit pas également organisation et observation.



A chaque ligne, à chaque page de ce texte surgissent des images inattendues, des associations étranges qui rappellent évidemment la poésie surréaliste. Une forme d'écriture automatique semble pratiquée. Mais loin de n'être que de pures productions psychiques, il semble qu'une espèce de « physique du langage » s'exprime ici, conciliant actes de l'esprit et réalité terrestre : « À travers les larmes de vent, l'âme respire l'odeur passagère de la vie potagère ». Images même grotesques parfois, comme si l'électricité de l'air orageux générait des éclairs verbaux, déchirant notre espace de représentation dite « logique ».



D'où les variations dans les styles d'écriture, parfois lyrique, puis plus narratif – mais c'est toujours l'électricité qui emporte tout, poussant la langue à des bonds, à des métamorphoses soudaines, et c'est bien elle le personnage principal de ce récit qui n'en est pas un : « L'électricité se gave de viande et de cellulose ».



Jusqu'à ce point du texte où se produit une série de représentations de l'orage sous forme de poème visuels qu'affectionne Lucien Suel. Il en est question dans l'entretien que j'ai réalisé avec lui : « Je peux utiliser un logiciel de traitement de texte et dans la minute qui suit, prendre mes ciseaux et de la colle pour fabriquer un poème visuel ou concret avec des mots et des images découpées dans du papier (que je pourrai éventuellement scanner et mettre en ligne). »



Un des orages qu'évoque ce texte dans sa dernière partie est celui de la technique. Comme dans l'air, l'électricité y règne en maître : "Les antennes du monstre multinational fouillent le cosmos. Autocollants des appellations blasphématoires : TF1 F2 F3 CBS CNN CANAL+MTV M6 RTL..."



Force de cette électricité imposant heure après heure son langage, auquel s'oppose un « orage secret » sur lequel se conclut ce texte étonnant, orage de la poésie générée par une entente éternelle entre l'homme et la nature : « L'homme se tourne vers les soupirs croissants, soulève le col de sa veste en toile et regarde l'air en mouvement. La haie change de

couleur. »
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Angèle ou le syndrome de la wassingue

L'infiniment vaste de l'horizon et le tout exigu d'une bille colorée trouvée sur le chemin de l'école et gardée en trésor comme la promesse d'une possibilité d'ailleurs... Le regard d'Angèle se pose sur les choses, sur les lieux et sur les gens, troublé par leurs mystères. Un pas après l'autre, un rêve après l'autre, Angèle absorbe ce qui fait son monde familier jusqu'à l'incertain, jusqu'à une opacité qu'elle pressent sans en discerner les contours. Comme en suspens juste au-dessus de la frontière de l'enfance, elle observe, elle s'imprègne du monde, en essayant de lui donner sens avec les moyens que l'enfance met à sa disposition. Elle essuie la méchanceté et la bonté d'un même mouvement, comme elle essuie le carrelage de la maison familiale avec une wassingue, sans toutefois avoir la force de tordre. Tordre la serpillière, tordre les mauvais rêves pour en essorer la crainte, tordre les gestes cruels pour ne garder que l'innocence, tordre la réalité pour parvenir à en extraire les mots qui libèrent, il faut grandir pour y réussir et grandir c'est tout un apprentissage...



Lucien Suel excelle à dire aussi bien la consistance de la terre et de la brique que l'impalpable frémissement d'un être qui s'éveille. Sous ses mots, Angèle devient fillette-fée, aussi légère que les nuages auxquels elle donne forme, et aventurière d'un quotidien ordinaire, alourdie de tout ce qu'elle ne peut exprimer. La poésie, le lyrisme se déploient dans les évocations sensibles comme dans les détails les plus prosaïques. C'est toute l'enfance qui nous revient en vagues sensorielles et craintives. Ce moment d'équilibre instable où la conscience s'affûte sans que les mots puissent encore l'affirmer. Ce moment où, comme une wassingue, on éponge toute la réalité en vrac, sans pouvoir trier, ni essorer. Angèle, personnage solaire par la grâce d'une écriture ciselée, sautille sur la marelle du temps et fait sans cesse renaître les saisons tendres et cruelles de tous les apprentissages.

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La patience de Mauricette

L'histoire de Mauricette Beaussart (celle qui a été présente sur http://etoilepointetoile.blogspot.fr/ ), vieille femme maintenant, dit-elle, est-elle d'ailleurs ou plutôt vieillissante - d'outre 60 ans et portant toutes ces douleurs, ce passé, ces morts, cette culpabilité.. mais aussi la mère, le grand-père jardinier, les enfants auxquels elle a enseigné, qu'elle a aimé, faute d'en avoir...) - qui vient de s'échapper, de partir tranquillement, du service psychiatrie de l'hôpital d'Armentières, et l'inquiétude de Christophe son ami (et cette partie est divisée entre des renseignements donnés comme un récit un peu impersonnel, distancié, et ce qui filtre à travers les mots, les gestes de Mauricette pendant son séjour à l'Hôpital), alternant avec, en italique, les pensées, le débat intérieur, les notes qu'elle a portée dans son cahier jaune pendant son séjour (écriture recréée par Lucien Suel, parente de celles des malades de Marco Ercolani dans «j'entends des voix», et autres livres, sans caricature, comme vécues)

Et la tendresse, la beauté, tourmentée à des degrés divers, de tous les personnages, et celle que nous éprouvons, que j'éprouve, que Lucien Suel éprouve pour Mauricette.

La beauté de ce qu'elle écrit, comme ceux qui ont lâché les rênes, et comme une qui a vécu avec la découverte et l'amour des livres et de la poésie.

Avec, à la fin, au moment de son départ volontaire, ces pages qu'elle a arrachées du cahier, qui s'ouvrent sur l'acceptation, l'apaisement, l'espoir (et comme j'ai lu sans suivre l'ordre de parution, le développement de Mauricette chez Lucien Suel, dans «Blanche étincelle», j'avais en souvenir cette renaissance, qui ne nie pas le passé, ce goût des bonheurs, de l'amitié, du jardin..)
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Rivière

Rivière. Jean-Baptiste Rivière.

En quatrième de couverture, lorsque je lis ce nom, immédiatement le flot du Jourdain me vient à l'idée.

Sans savoir le moindre mot de la prose poétique que contient le roman.

A la lecture, je serai heureux un peu plus tard d'en trouver une évocation.



Dans le roman Rivière, le deuil est omniprésent.

Complexité, le deuil cela ne se partage pas vraiment.

Claire, l'amour de Jean-Baptiste, l'âme-soeur, est décédée brutalement avant ses 50 ans.

Nous revivons les débuts.

En 1970, l'histoire commence par le mariage de Jean-Baptiste avec Claire. Ils se déplacent en 2 CV, Nord, Sud, Ardèche, Artois et même l'Italie. Ils visitent leurs amis, les aident à construire leur maison.

Il y a la culture, l'art, les livres (j'ai bien aimé leur système décalé pour lire les auteurs de polars suédois Maj Sjöwall et Per Wahlöö qui ont créé Martin Beck) et …la musique.



Et quelle musique.

Ah, quelle jubilation à la lecture de certains noms des groupes de musique qui ont pavé en partie mon propre parcours musical, pour la plupart des artistes rencontrés, génération oblige, après coup.

C'est le sujet d'un chapitre magique sur le festival d'Amougies, près de Tournai.

« Les hippies d'Europe » affluent par milliers, Claire et Jean-Baptiste sont de la partie. Côté groupes français, Ame Son est le seul nom connu pour moi, voisinant avec Moving Gelatine Plates, Blossom Toes, Chaos Rampant. La douce folie de ces noms qui marquent l'époque m'évoque van der Graaf Generator.

A l'affiche du festival, aussi, les anglo-saxons, et je connais un peu mieux, jesuis plus « à l'aise », avec Archie Shepp, Don Cherry, l'Art Ensemble of Chicago, Franck Zappa, Pink Floyd, Pretty Things, Keith Emerson et surtout Captain Beefheart.

Ce sont des noms qui sonnent à mes oreilles, et si certains sont présents dans mes étagères, hélas ils ne sont pas parmi les 33 tours survivants. Mais ils ont bien là.

Grâce à Jean-Baptiste et Claire, je me replonge avec délice dans la fin des années 60, début 70, ce moment prodigieux pour la musique. Même si je ne me tiens jamais très loin de ces plages, de ces rives.



Claire est toujours là.

Même si Claire est décédée brutalement avant ses 50 ans.

Car Rivière c'est aussi, en quatorze passages, peut-être quatorze écluses (je n'ose dire stations), quatorze textes d'elle, Claire, qui s'intercalent régulièrement et qui rythment le récit au point qu'on se surprend à les attendre, telles des lettres qui font partie du fil, qui sont le fil.

C'est du temps qui ne compte pas, c'est une mémoire qu'on n'efface pas.

Diverses, profondes, surplombant l'espace-temps, ces pages forment une possible carte de vie qu'on pourrait rassembler dans un cahier à consulter pour savoir où aller. Viatique pour ne pas se perdre et, ultimement, ne pas perdre l'amour. A Love Supreme, bien sûr.



Les épisodes "twitter" un peu décalés avec un mystérieux correspondant D4rkD4d4 illustrent la pratique des réseaux sociaux par Jean-Baptiste, elle apparaît surtout ludique, dérivative, à coups de perche et d'astuces tendues (bons mots, double-sens, références). Et quand l'épisode en miroir se termine, c'est presque étrangement, et il semble bien que le retour à l'essentiel ait pris le pas.

Au fil de Rivière, on se réjouit aussi de retrouver certaines références, des clins d'oeil parfois malicieux,ce sont comme des correspondances, presque des lettres à l'encre sympathique qui scellent la complicité entre auteur et lecteur. Les voisins s'appellent Poirier.



Dans Rivière, s'il y a quelques légères touches d'humour, le ton est à la mélancolie, sans qu'elle enferme et assèche.Non, elle appelle à la vie, c'est ce que fait Jean-Baptiste qui jardine, avec son chien Alpha, qui aide ses voisins avec lesquels il se lie peu à peu et de plus en plus. Dans ces moments-là, on mesure combien Jean-Baptiste est un personnage attachant.

Et il y a l'écriture, ce sens de l'observation, fine, aiguisée qui sait dire au plus près.

On voit et sent les paysages, les plantes aquatiques, les arbres, le jardin.

Et que dire de ce « lyrisme contenu » (cité en 4e de couverture) : il y a une intensité, une émotion peu communes. Simple. Juste. Sobre.



J'y apprécie une fois de plus au plus haut point l'absence d'effets de manche, l'épure où me semble-t-il l'émotion qui nous touche naît des mots posés et ajustés avec un soin patient et de ce qu'ils nous décrivent et nous racontent.



Rivière, on s'y baigne, le flot en est étonnamment paisible, d'une sagesse fluide et mélancolique, ode à une vie simple, d'humanité au quotidien.



Je remonterai à bord pour lire Rivière, c'est sûr, un peu comme on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. J'ai même déjà commencé !



Et rien ne dit que je ne planterai pas un jour un gingko biloba.
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Le Bréviaire : Une lecture de La Retraite de ..

Je possède 40 livrets de la collection Ekphrasis de Invenit ,j'espère bien compléter!

Tous sont à la mémoire d'Alain Révellion "enseignant passionné qui, comme à tant d'autres, nous a appris à regarder". Je suis parmi ceux-là et je repense à cet homme qui m'a aidée à voir les Outre-noirs ; depuis j'apprécie Soulages dont je viens de voir les vitraux à Conques et le musée à Rodez (et je vais découvrir ce que propose la région)
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Je suis debout

Ces derniers jours, je regardais et écoutais Lucien Suel lire ses poèmes sur le web, notamment AHA (Cheval23) et plusieurs autres. Sans doute découvrira-t-on de plus en plus la poésie contemporaine de cette façon, en assistant à une lecture de l'auteur en ligne, - je pense ici à un précurseur de ces performances lors de lectures publiques, Ernst Jandl dont on peut découvrir plusieurs vidéos sur le web. La voix étant au coeur de l'expérience poétique, au-delà de l'espace silencieux, parfois mortuaire, de la page imprimée.



Le web rend facilement accessible la poésie sonore, expérimentale, et nous n'en sommes qu'aux prémices (le roman et de nouvelles formes narratives suivront). C'est ainsi que je comprends le titre donné par Lucien Suel à son anthologie de poèmes récemment parue : le poète debout parce que lisant son texte face à un auditoire, la poésie conçue comme un exercice physique, comme une expérience de la langue dans son oralité.



J'ai perçu cette dimension orale de la poésie de Lucien Suel en lisant d'abord seul plusieurs poèmes de Je suis debout, puis en tendant des pages d'un texte intitulé Devenir le poème à une personne chère qui s'est alors mise à lire à voix haute, et tout à coup le texte a pris une nouvelle vie, le mouvement du poème m'est apparu avec plus de force et de netteté, comme si la voix transmettait l'existence magnétique des mots écrits, leur nature essentiellement sonore avant d'être visuelle sur la page. le poème est composé d'une suite d'actions qui mettent le lecteur en mouvement aux côtés de l'auteur, on est dehors, emporté par sa voix.



"Je vis la quotidienneté en continu. Je suis debout, tenant dans mes mains levées l'écheveau du rêve et les fils du réel.



...



Je soulève un coin de la tapisserie pour révéler l'évidence : le monde est poème est monde, le poème est monde est poème.



...



C'est moi qui agis, qui fais, qui fabrique, qui pratique en fin de compte, en fin de cycle, dans le franchissement furtif."



Les poèmes de Lucien Suel nous présentent le devenir-poème de leur auteur, ils sont inséparables de cette "quotidienneté en continu". La voix qui lit le poème nous raconte une osmose entre celui qui écrit/dit et les mots écrits/dits, c'est de ce travail dont il est question dans Devenir le poème. Est-on dans le langage, on est aussi dehors, chaque mot nous raccordant à un élément du réel, chaque phrase nous ouvrant une dimension de la réalité. Il n'y a pas de séparation entre l'intérieur et l'extérieur ("le monde est vraiment un atelier"). Il faut lire ce texte qui sonne comme un manifeste de toute la poésie de Lucien Suel (j'y inclus la prose, de Mort d'un jardinier à Blanche étincelle) :



"Il devint le poème, ayant parlé aux nuages et aux oiseaux, serré des arbres dans ses bras, réchauffé des pierres dans ses mains."



J'ai eu la chance d'entendre cette voix me lire Devenir le poème par une belle soirée d'été, fenêtre ouverte sur la ville. Chaque poème de Je suis debout évoque un mouvement et une métamorphose. Dans Les terrils, Suel s'ouvre à l'histoire de cette terre minière, il s'enfonce en elle, et les mots dans leur matérialité sonore nous mettent en relation avec ce qui est advenu réellement :



"Dans le coeur du terril, tous les déchets se sont mélangés. Aux schistes écartés se sont mêlés les crachats, la sueur, l'urine et le sang des mineurs. On pourrait y faire comme dans un cimetière, des recherches pour identifier l'ADN. Dans le terril, le métissage est réel."



Même les poèmes plus oulipiens, plus formels du recueil ne rompent pas avec des sensations brutes, avec une expérience quotidienne de la matière, qu'elle soit organique ou inorganique. Pas de grands paysages chez Suel, mais des objets qui peuvent être des outils humains, des choses, des êtres. le poète se sert des mots comme d'un matériau, il les triture, les découpe, les assemble, il est lui aussi à sa façon un ouvrier. Mais ici rien de gratuit, il ne s'agit pas de jouer avec les mots pareils à des symboles mathématiques (comme c'est trop souvent le cas avec l'Oulipo), mais au contraire de les rendre dans toute leur matérialité, c'est-à-dire dans le lien profond qu'ils entretiennent avec la matière.



La lecture debout que pratique régulièrement Lucien Suel prend alors un sens que je n'avais pas perçu avant de lire ce recueil et de le voir lire devant un public : rendre cette matérialité du langage poétique, faire percevoir au lecteur/auditeur que le langage est bel et bien un matériau dont chacun peut et doit s'emparer s'il veut lui aussi mieux connaître le monde et s'ouvrir à l'étrangeté des autres.
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Je suis debout

Viv(r)e la poésie !





Cette anthologie se compose de poèmes écrits entre 1990 et 2014, déjà publiés –en recueil et en revue- ou inédits.



Les procédés caractéristiques de la Beat generation –le cut-up et les coulées verbales– si chers à l'auteur côtoient vers justifiés, haïkus, de prose, tweets et sonnets, toutes formes à contraintes.



Au-delà de ces contraintes, fluidité et spontanéité sont au rendez-vous pour évoquer les choses ordinaires : le potager et les paysages urbains ; et les événements : la musique, le cinéma,... C'est tout un pan du 20ème siècle qui se dessine sous nos yeux, dans la vision tantôt engagée tantôt légère du poète.



Ecouter Lucien Suel dans "Ça rime à quoi" sur France Culture...
Lien : http://www.franceculture.fr/..
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Mort d'un jardinier

Je crois que tous les jardiniers pourront s’identifier au personnage de ce récit, retrouveront les sensations qu’ils aiment. Les femmes de jardiniers, les enfants de jardiniers, reconnaitront aussi des gestes qui leurs sont familiers. Le bêchage, les feux pour brûler les déchets, les soulagements de vessie sur le compost, tout y est. Dans ce jardin, on retrouve le contact de la nature, la rosée du matin, les toiles d’araignée dans la figure, la boue, le chant des oiseaux, le calme. On suit l’évolution de la vie, la terre retournée, les laitues qui poussent. On comprend qu’une graine contient de l’ADN, l’action du soleil sur la chlorophylle. On ne cherche pas à en savoir plus, mais on se sent en harmonie avec la nature.

Puis, soudain, une douleur dans la poitrine. Tous les souvenirs d’une vie se bousculent. L’enfance à la campagne, le premier amour, le premier concert de rock, la lecture, les enfants, les voyages, les disparus, le jardinage. Il n’y a pas de grandes réflexions sur la mort dans ce livre, juste une vie qui se déroule à toute vitesse.

Alors, bien sûr, on peut reprocher à Lucien Suel un excès de formalisme pour un tel sujet (sujet ô combien éculé, par ailleurs). L’emploi de la deuxième personne du singulier, les phrases aussi longues que les chapitres ressemblent à d’absurdes contraintes oulipiennes. Ces « trucs » ostensibles ont tendance à un peu trop étouffer le sentiment, à mon goût. C’est poétique, peut-être, en même temps on se dit qu’il en faut peu pour faire un style. Cependant les sensations sont bien là, en catalogue. Une vie particulière mais pas extraordinaire ; je crois que l’auteur a capté, ici et là, des sensations assez communes, ses souvenirs ont souvent trouvé des échos dans mes propres souvenirs. Un livre sans prétention mais aussi sans ambition.
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Il est debout

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