« L'un des plus grands livres du siècle. » The Irish Times
Une femme, mère au foyer, vit l'essentiel du quotidien dans sa cuisine. L'âge est venu, elle a surmonté un cancer, et dans sa tête elle rumine le monde, ses folies, ses dangers, les fusillades dans les écoles, la crise économique qui fait toujours payer les mêmes, la pauvreté, l'angoisse du lendemain, les équilibres plus que précaires, sa mère décédée d'une longue maladie. Ça se passe dans l'Ohio. Et ça nous parle, au plus profond, de tout, partout. Cette femme pense aux diverses tâches domestiques qui l'attendent, nécessaires à faire tourner le ménage. Elle s'indigne, contre Trump, ce président terrifiant, ou face au dérèglement de la planète, mais aussi contre la domination patriarcale, l'asservissement des femmes ou l'extermination des Amérindiens. Tout cela roule dans sa tête. Et c'est parti pour une formidable aventure narrative, en une coulée pleine de rebondissements, scandée par une formule litanique « le fait que » qui vous emporte dans une apnée littéraire exceptionnelle.
Dans ce livre finaliste du Booker Prize et salué par une presse dithyrambique, Lucy Ellmann réussit le miracle de nous faire toucher à l'universel par le biais du plus intime et du plus infime. Par son humour corrosif, elle mène une charge impitoyable contre l'Amérique et le monde d'aujourd'hui, et dresse un admirable portrait de femme de toutes les femmes.
Traduit de l'anglais par ClaroLucy Ellmann est née à Evanston, dans l'Illinois. Lauréate du Guardian Fiction Prize en 1988 pour son premier roman, Sweet Desserts, elle consacre depuis sa vie à l'écriture. Un seul de ses livres a paru à ce jour en France : Petits Désastres de la vie ordinaire (Seuil, 1995). Les Lionnes est son huitième roman. Lucy Ellmann vit aujourd'hui à Édimbourg.
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Elle leur apprenait à emprunter les sentes et les chemins de terre envahis par les herbes, plutôt que de se fier aux grandes entailles droites dans la terre, aux autoroutes qui attiraient toutes ces voitures et tous ces camions qui grondaient et couinaient et puaient. Des boules de métal filantes.
le fait que Ben dit que tout le monde sur terre va bientôt mourir de faim ou mourir de pneumonie atypique ou suffoquer, Ebola, H5N1, le fait que le H5N1 n’a qu’à muter plusieurs fois et on sera tous fichus donc tout ça n’aura peut-être servi à rien, l’aventure humaine, mais avant que ça arrive, on doit remplir notre déclaration d’impôts
[...] le fait que je devrais vraiment penser à des choses agréables, le fait qu'au lieu de ça je pars en vrille dans les toilettes, ricoche d'une horreur à l'autre comme une toupie, tourniquet, à pleurnicher dans les toilettes [...]
...le fait que Leo n'a vraiment aucune idée de ce qui se passe ici toute la journée, le fait qu'il deviendrait sûrement dingue si jamais il découvrait ce que signifie vraiment nourrir, habiller, loger et occuper un troupeau d'enfants, une troupeauté, le fait que je passe désormais mes journées à répondre à leurs besoins et à leurs demandes, nettoyer les toilettes, préparer les paniers-repas, étiqueter leurs effets personnels, leur laver et brosser les cheveux, pinailler sur tout, chercher les choses égarées, faire des fanouropitas pour les retrouver, supplice de la planche, Fanourios, "Hauts les coeurs, mes chéris !"...
Les seules personnes qui devraient avoir le droit de gouverner des pays dotés d'armes nucléaires sont les mères, celles qui allaitent encore leurs bébés. (Tsutomu Yamaguchi)
le fait que je dois faire la vaisselle avant qu'ils soient tous réveillés, je dois, le fait que je suis une feignasse, pétasse,, radasse, bad-ass, brontosaure, ptérodactyle, raptors, T-Rex, têtes jivaros, petit tracteur jaune, le fait que c'est assez rapide de faire la vaisselle, dix minutes max, franchement, alors pourquoi cette résistance, le fait que je dois tous les jours me faire violence, genre dix fois par jour, le fait que les tâches ménagères ne m'enthousiasment pas spécialement, mais la vaisselle sale c'est déprimant, comme disait Anat, et je n'ai pas envie que les enfants soient déprimés, ni Leo, ni moi
[...] le fait que j'étais vraiment amoureuse de Maman quand j'étais petite, et que ce n'était pas une "tocade", le fait que c'était plutôt un amour à sens unique, le fait que j'avais toujours peur de l'aimer plus qu'elle ne m'aimait, et je crois que c'était le cas, le fait que c'est quelque chose qui m'inquiète encore parfois, le fait que les relations mère-enfant sont des relations très inégales, le fait que pendant que mes enfants engloutissent leur lait et leur roulé à la cannelle et pensent que je suis passionnée par leurs histoires de natation je suis incapable de penser à eux plus d'une minute, parce que, bon, je ne sais pas pourquoi mais mon esprit passe à d'autres choses [...]
Le fait que ce n’est pas parce que c’est une activité très répandue que ça veut dire que ce n’est pas important, le fait que la personne avec qui vous avez des enfants est très importante, le fait que c’est pour ça que Roméo et Juliette en font tout un plat, le fait qu’on n’a pas envie de se retrouver avec la mauvaise personne et de devoir faire avec, le fait que les sopranos sont toujours obligées d'épouser le mauvais type ...
(...) le fait que se livrer à la cueillette dans les bois n'est plus amusant, le fait qu'il y a tellement de chasseurs, le fait que quand vous voyez un type avec un fusil se diriger vers vous entre les arbres, vous ne savez jamais si vous devez prendre la fuite ou ne pas bouger; le fait que ça peut être un vrai chasseur expérimenté capable de faire la différence entre votre enfant et un chevreuil à un kilomètre de distance, ou ça peut être un amateur à la gâchette facile, qui vous abattra parce qu'il vous aura pris pour un chevreuil, ou alors ça peut être un taulard en fuite ou un terroriste, un représentant de commerce fondamentaliste qui ne met pas ses enfants à l'école, et s'énerve vite, un déséquilibré armé avec un chien, ou juste un type qui tire sur tout ce qui bouge, le fait que c'est anti-américain, je sais, d'avouer qu'on a peur de tous ces tarés, mais moi j'ai peur (...)
Dans ses rêves, elle en massacrait des hardes entières. Elle recherchait la prise ferme sur la nuque du cerf, la rapide déchirure de la peau, sa gueule s’emplissant enfin de cette chose humide, chaude et nécessaire.