Émission "Une Vie, une uvre", par Jacqueline Kelen, diffusée le 15 décembre 1988 sur France Culture. Invités : Vasco Graca Moura, Joao Marinho Dos Santos, Jorge Cardoso Branco et des étudiants.
Triste condition des humains ! Sur mer, les tourmentes et les naufrages, à chaque instant la mort sous les yeux ! Sur terre, les combats, les trahisons, l'indigence et toutes ses horreurs ! Où fuir ? où trouver un asile pour cette existence si malheureuse et si courte ?
L'amour est un feu qui brûle sans se voir;
Est une blessure qui fait mal mais ne se ressent pas;
Est un contentement mécontent;
Est une douleur qui rend fou sans faire mal;
Est un non vouloir plus que bien vouloir;
Est être solitaire parmi des gens;
Est ne jamais se contenter d'être content;
Est un soin qui se gagne en le perdant;
Est vouloir être emprisonné par sa propre volonté;
Est servir celui qui vainc, le vainqueur;
Est avoir pour qui nous tue de la loyauté;
Mais comment peut-il causer, s'il vous plait;
Dans les cœurs humains l'amitié;
Si tant contraire à lui-même est ce même amour?
J'ai chanté jadis, à présent je pleure
le temps que je chantais si assuré ;
il semble dans le temps déjà passé
que mes larmes étaient ensemencées.
De mon état je suis si incertain
Que consumé d’ardeur je suis tremblant de froid;
Et sans motif je pleure et je ris à la fois,
J’embrasse l’univers et j’étreins le néant.
Tout ce que je ressens est une confusion;
Un feu sort de mon âme, un fleuve de mes yeux
Tantôt j.espère et tantôt j’ai des doutes,
Tantôt je déraisonne et tantôt je vois clair.
Je suis sur terre et je m’envole au Ciel,
Je découvre en une heure mille années,
Et en mille ans ne puis trouver une heure.
Si quelqu’un veut savoir pourquoi je suis ainsi,
Je dis que je l’ignore; et pourtant je soupçonne,
Madame, que ce n’est que pour vous avoir vue.
Dispersion( extrait)
Je me suis perdu en moi,
Labyrinthe que j 'ėtais;
Et voici que désormais
Je sens le manque de moi.
Et j'ai traversé la vie
En astre fou qui rêvait.
Anxieux d'outrepasser,
J'ai même oublié ma vie...
Poème de Sá-Carneiro
Un peu plus de soleil-et j'aurais été braise.
Un peu plus d'azur-j'aurais été au-delà.
Pour l'atteindre, me manqua un coup d'aile ...
Si au moins j'étais resté en-deçà...
Mario De Sà-Carneiro
Sans toi, tout me chagrine et m’impatiente;
Sans toi, je suis perpétuellement
Au plus fort de la joie dans la pire tristesse.
Faites, Seigneur, que jamais les peuples que l'on admire, Allemands, Français, Italiens, Anglais, ne puissent dire que les Portugais sont faits pour obéir plus que pour commander. Ne prenez conseil que d'hommes d'expérience, qui ont vu de longues années, de longs mois : car si une tête savante contient beaucoup de choses, l'homme d'expérience sait mieux les détails.
L'or envahit les forteresses ; il fait les faux amis et les traîtres, conseille des bassesses aux plus nobles coeurs, et de lâches défections aux vaillants capitaines. Il ravit aux vierges timides les pudiques alarmes de l'honneur. Il tente quelquefois les enfants de Minerve, il déprave leur conscience et flétrit leur génie.
L'or interprète et dénature les oracles de Thémis. Il fait et défait les lois. Par lui le parjiure entre dans les familles, et la tyrannie dans le coeur des rois. Souvent même on l'a vu se glisser jusqu'au sanctuaire, éblouir le pieux cénobite et profaner la pureté des autels.
Dans mon âme sans trêve il est un feu vivant;
si je ne lui donnais de répit quand je parle,
cendre seraient et ma plume et ma peine;
mais l’immense douleur qui ne me quitte pas
s’adoucit sous les pleurs qui coulent de mes yeux;
ainsi s’enfuit, sans prendre vie, ma vie.