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Citation de rotsenamrub


Et voilà qu'une question murit, spontanément: ces pièces où le vice triomphe et où la vertu est bafouée, ces pièces sont véridiques, elles sont la vraie vie, c'est comme cela que ça se passe dans l'existence, ou les méchants sont victorieux, où les meilleurs périssent, alors pourquoi, dans la vie, en voyant tout cela restons-nous calmes, alors que cette même image de la vie qui nous entoure nous indigne et nous rend furieux quand elle est montrée au théâtre? N'est-il pas étrange que la même image, passant devant les yeux du même homme, laisse cet homme calme et indifférent dans l'un des cas (dans la vie) et dans l'autre cas (au théâtre) fasse naître en lui l'indignation, la révolte, la fureur? Et ne serait-ce pas la preuve évidente que la cause de tels sentiments par lesquels nous réagissons aux événements extérieurs doit être recherchée non pas dans le caractère de ces événements, mais entièrement dans l'état de nos âmes?
Une telle question est très importante et il convient d'y répondre avec précision. Tout s'explique sans doute par le fait que dans la vie nous sommes lâches et que nous ne sommes pas sincères; dans la vie nous sommes avant tout préoccupés par notre bien-être personnel, et c'est pourquoi nous flattons, aidons et quelquefois personnifions nous-même tous ces scélérats et agresseurs dont les actes provoquent en nous une si horrible indignation au théâtre.
Au théâtre, en revanche, ce côté intéressé, cette lâche petite aspiration aux biens terrestres disparaît de nos âmes, au théâtre rien de personnel ne viole la noblesse et l'honnêteté de nos sentiments, au théâtre nous devenons meilleurs et plus purs. Alors, les meilleurs sentiments d'équité, de noblesse et d'humanité guident entièrement nos aspirations et nos sympathies.
Et c'est là que vient s'imposer une pensée terrible. La pensée que si, dans la vie, nous ne nous rebellons pas ne nous indignons pas, ne nous révoltons pas, ne devenons pas complètement des bêtes, et ne tuons pas les autres au nom de l'équité bafouée, c'est seulement parce que nous sommes lâches, dépravés, avides, d'une façon générale mauvais, et que si dans la vie
nous avions, comme au théâtre, attisé en nous les sentiments les plus humains, si dans la vie nous étions devenus meilleurs, nous aurions, exaltés par le frémissement dans nos âmes des sentiments d'équité et d'amour pour les dépouillés et les faibles, accompli, ou ressenti le désir d'accomplir (ce qui, décidément, est la même chose dans la mesure où nous parlons des mouvements de l'âme) une quantité de scélératesses, d'effusions de sang, de tortures et d'assassinats vengeurs telle qu'aucun scélérat n'en avait jusqu'alors perpétrée et n'aurait voulu le faire dans un but de lucre et d'enrichissement.
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