Quant à "Monsieur", il entraperçoit une grande femme aux yeux bleus, ni belle ni laide, assise à côté d'une autre plus frêle, bien mise, de belle allure. Sa joie se mue en consternation au moment où Liselotte descend les marches du carrosse. Déboule la blonde massive à l'allure d'un rustique lansquenet, ressemblant à un valet de chambre en jupons. Toute ressemblance avec une aristocrate ou un membre de la famille royale s'avère nulle et non avenue... Il est atterré.
Jusqu'alors, les portraits de la princesse présageaient d'une bonne surprise. Il a rêvé d'elle des nuits entières. Y aurait-il tromperie sur la marchandise ? Une plainte lui échappe dans un murmure : "Oh, comment pourrai-je coucher avec elle ?"
Une inversion de rôles inattendue s'immisce dans le scénario. La Cour jouit et se réjouit : "Madame est très Monsieur et Monsieur très Madame."
La chipie est imprévisible et difficilement contrôlable. De maîtresse docile, soumise, affectueuse, elle peut devenir colérique et perfide. Son ambition démesurée la projette dans le fauteuil de reine. Son objectif, quasi avoué, est d'assister au renvoi en bonne et due forme de "la Florentine" et de faire déclarer son futur enfant Dauphin, en espérant que ce soit un garçon. Henri le lui a promis.
Au 16ème siècle, des croyances tenaces prétendent que le sexe de l'enfant est lié au comportement de la mère pendant son accouchement. Si l'accouchée est pleureuse, ce sera une fille ; si elle est déterminée, ce sera un garçon.
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Venu au monde sans larmes ni gémissements, un garçon courageux certainement ! Il s'appellera Henri, comme son grand-père.
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Et il emporte le petit prince chez lui, enveloppé dans un pan de sa robe. Après lui avoir frotté les lèvres avec une gousse d'ail, il les humecte de jurançon tout en déclarant : "Va, va, tu seras un vrai Béarnais !"
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Henri d'Albret dit à qui veut l'entendre que son petit-fils "est né en deux coups de culhier à Pau".
Chassée de la cour, Jeanne a juste le temps de dire au revoir à son enfant, lui faisant promettre de rester fidèle au protestantisme et de ne jamais aller à la messe.
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En larmes, Henri voit partir cette mère chérie qu'il est le seul à aimer.
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Jeanne commentera cet épisode de sa vie, bien des années plus tard : "Ce fut une dure épine, je ne dirai pas au pied mais au cœur."
A huit ans, Henri est confronté au choix religieux à l'intérieur de sa propre famille comme des millions de Français dans le royaume. Il change de religion au gré des volte-face de ses parents en guerre. Chacun veut lui imposer sa religion.
"Vous serez catholique mon fils ! Vous irez à la messe, non au prêche !" tonne Antoine.
Ce à quoi Jeanne rétorque : "Non ! Vous serez protestant mon enfant ! Vous n'irez plus à la messe, mais au prêche !"
A qui obéir ?
Le 18 août 1572, Henri de Navarre et Marguerite de Valois s'unissent pour le meilleur et pour le pire.
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A la question "Acceptez-vous de prendre pour époux Henri de Bourbon, roi de Navarre ?", la légende dit que la princesse est restée immobile et muette pendant quelques secondes et qu'une grosse claque derrière la tête administrée par Charles IX lui a fait retrouver la parole, la forçant à s'incliner en signe de consentement.
Son percepteur met à profit les longues journées de tête-à-tête pour lui faire apprendre par cœur de nombreuses sentences : "Vaincre ou mourir", "Il vaut mieux conserver un seul citoyen que de faire périr mille ennemis", "Un souverain qui aime la flatterie et craint la vérité n'a que des esclaves autour de son trône".
Et les nourrices d'Henri ?
La liste des filles de bonne composition, choisies par Jeanne, s'allonge au fil des mois, parce qu'il ne suffit pas de lui promettre, il faut lui donner. Péréfixe nous apprend qu'il en consommera huit ou neuf en année. Peut-être un avant-goût de son amour prononcé pour les femmes ?
"Chère Sophie,
La situation vécue actuellement me partage entre rire et larmes. La rencontre tant attendue a eu lieu. J'ai bien vu tantôt que je déplaisais à "Monsieur" mon époux, ce qui ne doit pas étonner, laide autant que je le suis. Philippe est un homme ventru, avec un grand nez et une bouche trop petite garnie de vilaines dents, maquillé à outrance, juché sur des échasses tant ses souliers paraissent hauts, paré comme une femme, des bagues partout, des pierreries en veux-tu en voilà, des rubans de toutes les couleurs où il ne peut mettre - une longue perruque toute établie au-devant, noire et poudrée -, plein de toutes sortes de parfums. Voilà donc un précieux ridicule avec tant d'excentricités visibles...
Quant à "Monsieur", il entraperçoit une grande femme aux yeux bleus, ni belle, ni laide, assise à côté d'une autre plus frêle, bien mise, de belle allure. Sa joie se mue en consternation au moment où Liselotte descend les marches du carrosse. Déboule la blonde massive, à l'allure d'un rustique lansquenet, ressemblant à un valet de chambre en jupons. Toute ressemblance avec une aristocrate ou un membre de la famille royale s'avère nulle et non avenue... Il est atterré.
Jusqu'alors, les portraits de la princesse présageaient d'une bonne surprise. Il a rêvé d'elle des nuits entières. Y aurait-il tromperie sur la marchandise ? Une plainte lui échappe dans un murmure : "Oh ! comment pourrais-je coucher avec elle ?".