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Critiques de Jian Ma (108)
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Beijing coma





Après Lianke Yan, Yu Hua - deux magnifiques rencontres effectuées récemment, je poursuis ma découverte des grands noms de la littérature chinoise contemporaine. 



Écrivain dissident, censuré et interdit de séjour dans son pays, Ma  Jian signe avec Beijing coma (paru en 2008) un roman singulier, puissant, engagé, aussi ambitieux qu'abouti, ayant pour point d'ancrage - sans pour autant s'y réduire, les événements dramatiques qui ont mis fin au Printemps de Pékin. 



Ses quelques neuf cent pages ainsi que la teneur des propos relatés frôlant parfois l'insoutenable, en font une lecture à la fois exigeante et éprouvante mais ô combien enrichissante. C'est un ouvrage "coup de poing" propre à éveiller les consciences nous exhortant, à ne jamais oublier. 



*



"Tu brûles de sortir de ton cocon. Ta bouche est une porte dont la serrure n'a pas de clé."



Grièvement blessé par balle, Dai Wei est plongé dans le coma depuis le 4 juin 1989. Il gît sur son lit, prisonnier d'un corps qui ne répond plus. Il ne peut bouger, toucher ni même voir mais entend, comprend, sans toutefois pouvoir interagir, dépourvu de tout moyen de communication. Alors que l'on s'affaire à son chevet placé sous haute surveillance, lui tente de se remémorer le déroulement des faits avant cette fin tragique, possiblement irrémédiable.



"Que m'est-il arrivé? Je nous vois, Tian Yi et moi, courir  main dans la main pour sauver nos vies. (...) Des tanks roulent vers nous. Il y a des incendies partout, et des hurlements…Et maintenant?"



La narration oscille perpétuellement entre deux temporalités - le présent et le passé. Elle s'écoule en un flot ininterrompu (aucun chapitre), incontrôlable, méandreux, charriant images, souvenirs et sensations dont il est vain d'espérer se détacher.



"Tandis que tu dérives inconsciemment vers la mort, tu tentes d'attraper les bribes de sentiments qui flottent, espérant en trouver un qui soit de quelque façon lié à toi."



*



La trajectoire de vie de notre protagoniste se dévoile par fragments, épars et disparates. Son enfance, tout d'abord, aux côtés d'une mère communiste fervente et d'un père étiqueté droitiste qui a passé plus de vingt ans au sein de camps de rééducation. L'opprobre jeté sur sa famille. Les premiers émois sexuels et amoureux mais également la découverte (à ses dépens) des égarements du système judiciaire.



"La scène que tu viens de te rappeler sombre dans l'obscurité et est remplacée par une autre."



Ensuite, son adolescence - marquée par l'entrée à l'université et l'expérience fondatrice de la camaraderie. L'éveil de sa conscience politique, les idéaux poursuivis ainsi que son engagement auprès des voix contestataires.



"Nous étions une génération à l'esprit vide. Nous avions soif de savoir. Maintenant que la Chine s'était ouverte à l'Ouest, nous dévorions la moindre information qui nous parvenait. Le pays venait d'émerger de la catastrophe de la Révolution culturelle, nous brûlions de le rebâtir. Nous étions exaltés à l'idée de cette mission qui nous attendait."



La majeure partie du récit est consacrée au mouvement de révolte estudiantine, depuis ses balbutiements jusqu'aux manifestations réprimées dans le sang de Tiananmen. Revendications, avancées - entre espoir et désillusion, organisation logistique, dissensions en interne, quotidien dans les dortoirs, grèves de la faim, sit-in, bras de fer avec le gouvernement, issue horrifiante … Nous sommes  face à une restitution  extrêmement minutieuse, précise,  ne nous épargnant aucun détail. À ce titre,  certaines longueurs sont à déplorer mais celles-ci n'auront pas affaibli mon intérêt global - reconnaissante d'avoir tant appris et sensible à ce qui m'est apparu comme un vibrant hommage rendu à cette jeunesse-courage.



"Tu te rappelles quand tu étais au centre de la Place et que le vent brûlant te soufflait au visage. La Place était comme la chambre où tu te trouves à présent : un espace chaud avec un cœur qui bat, piégé au milieu d’une ville froide."



*



Foisonnant, éclairant, terriblement marquant, Beijing Coma balaye plusieurs décennies d'Histoire de la Chine Maoïste et post-Maoïste (du Grand bond en avant au second millénaire). Il met en lumière toute la violence, les aberrations,  les contradictions d'un régime autoritaire, répressif, meurtrier, étouffant toute forme d'opposition (réelle ou supposée) et régissant voire commercialisant jusqu'à la plus stricte intimité des individus.



Qu'il s'agisse d'évoquer la réforme agraire des  années 50, la Révolution Culturelle, la politique de l'enfant unique, le Printemps de Pékin (point central) ou encore le trafic d'organes et les dessous du système médical (non exhaustif), Ma Jian le fait avec un pouvoir d'évocation imparable. 



C'est un témoignage accablant que je referme sonnée, atterrée, profondément bouleversée : j'ai pris ce pavé en plein cœur. Il y aurait tant à dire, mes mots ne sont que modeste aperçu. Le mieux est que vous le lisiez. Je peux vous l'assurer, il y aura un avant et un après quoique vous en pensiez…

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La route sombre

Tous les lecteurs de La route sombre doivent être prévenus : La route sombre de Ma Jian est un roman atroce et insoutenable par instants. Ce qui ne signifie pas qu'il ne doit pas être lu, bien au contraire. A l'opposé de Yu Hua et de Mo Yan, pour ne citer que deux des écrivains chinois parmi les plus célèbres, Ma Jian est un dissident qui a quitté son pays depuis plus de 25 ans parce qu'il ne pouvait s'exprimer librement dans ses écrits. La route sombre raconte comment la politique de l'enfant unique, mise en place à la fin des années 70 (quelque peu adoucie en 2013 seulement), a condamné des milliers pour ne pas dire des millions de familles à fuir pour échapper aux foudres du planning familial. Il s'agit bien d'un roman qui s'attache aux pas d'un couple qui attend un deuxième enfant, en toute illégalité donc, mais la fiction ne fait que refléter qu'une réalité avérée d'une violence à peine imaginable. Avortements sauvages, viols, centres de détention et de "rééducation", corruption, bébés morts flottant sur les fleuves : le tableau est d'une horreur totale et la tentation est forte de refermer le livre avant la fin. Un cauchemar. En Chine, le ventre des femmes appartient au gouvernement et quiconque s'oppose à cet état de fait s'expose à toutes les "punitions" possibles, jusqu'à la mort. A travers La route sombre, Ma Jian dépeint la condition féminine sous le joug d'un Etat qu'il qualifie à nombreuses reprises de "fasciste." Le portrait de son héroïne, Meili, est celui d'une femme courageuse, qui ne connait pas un jour de paix et qui, pourtant, espère toujours un avenir meilleur. Son chemin de croix, au côté d'un mari machiste obsédé par l'idée d'avoir un enfant mâle est éreintant et désespéré. Ma Jian ne cède jamais aux sirènes du mélodrame, son constat est clinique et terrible. Le livre est à déconseiller aux personnes sensibles, pas à celles qui sont prêtes à connaître cette face très sombre de la Chine contemporaine. Bien que bousculé et écoeuré par ce qu'il découvre, le lecteur reste, impuissant, à mille lieues de la souffrance endurée par ces femmes.



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Chemins de poussière rouge

Étonnant « road trip » à travers la Chine des années 80.



L'auteur est un artiste, à la fois peintre, photographe, poète et écrivain. C’est donc un suspect, un rebelle qui risque d’être arrêté ou exécuté dans cette période de « lutte contre la Pollution spirituelle ». Le salut est dans la fuite et Ma Jian quitte son travail pour entreprendre un périple aux confins du pays. En bus, en train, mais surtout à pied, il va de Beijing jusqu’aux plateaux du Tibet, en passant par les déserts de la Mongolie intérieure.



Dans son voyage, il rencontrera toute sorte de gens, des amis qui l’aideront et des mécréants qui tenteront de le voler. Il souffrira de la soif dans le désert, suffoquera dans l’humidité de la jungle ou gèlera dans la montagne.



Son voyage met en lumière l’important clivage entre les milieux ruraux et urbains de la Chine, des villages isolés aux coutumes traditionnelles aux villes modernisées de capitalistes avides. C’est un monde de changements sociaux dans lequel il n’est pas facile de trouver son identité.



La longue marche devient aussi une quête spirituelle au fil des visites des lieux sacrés, des temples et des bouddhas.



Sans être aussi riche que « La montagne de l’âme » de Gao Xingjian, la balade sur ces Chemins de poussière rouge présente un panorama intéressant des mutations du pays de Mao.

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La route sombre

Meili est une jeune femme lumineuse qui rêve d'un avenir souriant, née au cœur de la Chine Rurale,mariée à Kongzi, l'instituteur du village, lointain descendant de Confucius. Enceinte d'un deuxième enfant là oú la politique de l'enfant unique est strictement appliquée, elle s'enfuit avec son mari et sa petite fille pour rester maîtresse de son corps.....Commence alors pour eux un long voyage de fugitifs, insensé et cauchemardesque, une cavale au sud vers le fleuve Yangtze, à travers les paysages dévastés de la Chine. Ils deviennent des itinérants illégaux sans permis, sans papiers, ils vivent dans une péniche hôtel, puis dans de vieux rafiots improbables, la plupart du temps insalubres, dans les endroits les plus pollués de la campagne....Lorsqu'ils arrivent dans une ville,ils sont enfermés dans des centres de rétention ou envoyés aux travaux forcés. Les paysans et les paysannes itinérants sont considérés comme des criminels. Ils doivent travailler à l'image d'esclaves, traités comme du bétail, ils survivent dans une misère humaine et environnementale incroyables!

Meili est pauvre, dénuée de tout, mais continue de croire que le mariage doit durer toute la vie. Elle affronte des moments terrifiants: injection de poison dans le ventre, avortement forcé, soumise à des amendes insensées,embarquement dans un camion poitrine dénudée, pieds et bras solidement attachés, traitée en criminelle, ligotée à une table d'opération, violée: " Votre ventre appartient à l'état...."Elle réussit toujours à surmonter ces moments horribles. C'est une femme courageuse, lumineuse , éblouissante à qui la vie n'épargne rien- : " "L'amour est le début de toutes les douleurs ". Son mari , désespéré, avide de sexe se met à boire et à jouer.

C'est un voyage cauchemardesque, éreintant, dérangeant qui dénonce avec force la politique de la natalité en Chine.

Rien ne nous est épargné entre corruption de la police, violence des autorités, dépravation comme recours à la misère, dans une conception de la femme servante,procréatrice, prostituée de force à 20 ou douze ans...réduite à un ventre, à un trou, travailleuse des champs ou des usines ...Une pollution apocalyptique, montagne de déchets électroniques en tous genres, air irrespirable,eaux rouges de liquides toxiques, bébés malformés, peaux abrasées, odeurs insoutenables, puanteur.....

C'est un ouvrage violent, bouleversant, hallucinant ,terrifiant écrit au scalpel, troué et éclairé de quelques échappées poétiques, fantastiques, humoristiques.....(que l'on a envie de refermer sans cesse.)...qui nous permettent de continuer notre périple apocalyptique.....le lecteur frémit devant l'immensité du désastre. Je me suis sentie humiliée et profondément touchée et révoltée en tant que femme....

Un livre qui va vous habiter longtemps aprés l'avoir refermé.....





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China dream

Je n'ai pas pu finir ce livre. Désolée...

Le meilleur se trouve dans l’avant-propos. Ma Jian est un écrivain dissident installé à Londres. Il explique que « China Dream » fait référence à un discours du Président Xi Jiping. Celui-ci l’a prononcé en 2012 deux semaines après avoir été nommé secrétaire général du Parti communiste au Musée national de Chine, un bâtiment stalinien « somptueusement rénové ». Il s’y tenait alors une exposition intitulée « la Route vers le renouveau » dans laquelle on retraçait l’histoire de Chine depuis 1839 jusqu’à nos jours en passant complètement sous silence les catastrophes causées par l’utopie communiste durant le Grand bond en avant et la Révolution culturelle. Dans son discours, Xi jiping a fait part de son rêve chinois de renouveau jurant que le prolongement du régime permettrait d’atteindre un niveau de prospérité inégalé et de rendre à la Chine sa gloire passée. Plus tard le ministre de l’Éducation a assuré que la pensée de Xi Jinping « trouverait sa place dans les livres scolaires, les salles de classe et « le cerveau des élèves ». Ma Jian va prendre l’expression au pied de la lettre et imaginer une dystopie qui tourne en dérision ce fameux rêve chinois.

Son personnage principal, Ma Daode est un fonctionnaire du Parti en charge du "Bureau du rêve chinois". C’est un fonctionnaire ventripotent alcoolisé qui a une demi-douzaine de maîtresses. il travaille pour effacer des esprits chinois "tous les rêves et souvenirs privés". mais 'il est lui-même hanté par des cauchemars récurrents datant de la Révolution culturelle. Avant de laver le cerveau des autres il doit donc laver le sien qui est très sale.





C’était une très bonne idée ! Le problème c’est que Ma Jian n’est ni Georges Orwell ni Yan Lianke. C’est un récit embrouillé, très difficile à suivre, vraiment pénible à lire. On n’y trouve absolument pas la beauté de la langue chinoise si chère à son auteur. Aucun rythme, aucun style. L'humour est saboté par le manque de simplicité du récit. Il faut dire que le livre est traduit de l’anglais. Sauf le titre. Les gens de Flammarion ont utilisé "China dream" plutôt que "Rêve chinois". Li Xiping pensait certainement à Martin Luther King quand il a pondu son discours…

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Nouilles chinoises

Et hop, un petit livre chinois pour la route. Enfin , livre d'un exilé chinois, puisque Ma Jian n'a pas que des copains dans son pays natal qu'il a quitté en 1987.

Un écrivain professionnel, à savoir assujetti au parti, doit écrire un roman s'inspirant de Li feng , héros de la Révolution maoïste. On est en 1990 , la Chine s'ouvre au libéralisme sous l'égide de Deng et à travers ses recherches de sujet pour son livre , l'écrivain va nous faire rencontrer divers personnages truculents , évoluant dans un monde qu'ils essaient plus ou moins d' appréhender.

Il s'agit sans doute d'un recueil de nouvelles mais certains livres sont assimilés à des romans pour moins que cela.

Qu'en dire de ses nouilles chinoises ? Elles m'ont paru bien insipides au début ou tout au moins trop complexes, ne sachant pas si l'on était dans le récit de l'écrivain, dans une histoire vraie dont il s'inspirait..

Et puis la verve des mots , la puissance des idées , la truculence des situation et surtout le choc cataclysmique que les chinois ont vécu aux alentours des années 90 ont pris le dessus. Et je me suis laissé porter par ces phrases loin d'être innocente, qui traduisent certes l'absurdité du système politique chinois mais aussi la grande plongée dans l'inconnue qu'est le capitalisme , avec des entrepreneurs qui exploitent les gens autour du dons du sang , de la mort.

Rare sont les romans chinois sans un petit couplet autour du cul, et celui là ne déroge pas à la règle. L'étude des rapports hommes/ femmes autour de ce thème là me donne toujours une impression que je ne retrouve dans aucune autre littérature . Il y a de la soumission , de la violence , des consentements incompréhensibles vus de ma position occidentale . Il y a aussi le poids des traditions. On est loin de "faire la pluie et le vent ".

Il y a ici un chapitre sur l'importance des seins , là aussi apparaissant démesuré et un couplet sur la politique de l'enfant unique .

Un livre original, dont finalement on se moque de la structure . Un livre sur l'émergence de la Chine de Shenzhen, des femmes qui bouclent leurs cheveux et parent leurs ongles de couleurs, un livre où l'attrait du libéralisme et les contraintes étatiques semblent antagonistes. Un livre sur la mutation de la Chine.
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Beijing coma

C’est du lourd, autant par le nombre de pages que par certains des sujets traités.



Une écriture où alternent plusieurs temps. Il s’agit d’un jeune homme dans le coma, mais dont l’esprit s’éveille peu à peu même si son corps demeure immobile. On aura donc en parallèle son temps présent et ses souvenirs du passé.



Son présent c’est la biologie, les neurones qui entreront en fonction, les sensations immédiates, les voix qu’il entendra, les traitements et les remèdes chinois que sa mère utilisera pour tenter de le guérir, c’est un peu l’évolution de la société qu’il percevra à travers les conversations des amis qui viennent lui rendre visite.



Son passé, c’est d’abord son enfance, la vie quotidienne, la découverte de l’amour et de la sexualité, mais aussi son père musicien condamné comme droitiste, un père qui a vécu l’enfer des camps.



C’est sa vie d’universitaire, ses amis et les détours qui le mèneront aux manifestations de la Place Tian’anmen, les groupes d’étudiants, les tentatives d’organisation et les guerres de pouvoir entre leurs leaders.



Même si on y voit les conséquences de la torture et de la répression, ce n’est pas un réquisitoire politique. C’est une oeuvre qui s’attache minutieusement au quotidien, le calendrier sur le mur, la nourriture partagée, les odeurs et les sentiments, avec beaucoup de détails, trop peut-être. On y sent bien le lent passage du temps, mais le temps de lecture est aussi allongé en plus de 600 pages à petits caractères.



C’est un roman empreint de vérité, une vérité lourde à porter, du poids lourd de la marche de l’histoire.

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Chemins de poussière rouge

Nous sommes dans les années 80. Ma Jian, ne supportant plus sa vie à Pékin, commence un périple à travers la Chine. Ce livre est donc largement autobiographique. J'ai souvent beaucoup de mal à lire des auteurs chinois contemporains car leur style est foisonnant, avec beaucoup d'actions et de descriptions, mais pas forcément de manière linéaire. Je m'y perds. J'ai donc commencé cette lecture en me demandant si je la poursuivrai jusqu'au bout. Mais, dès le deuxième chapitre, lorsque le narrateur commence son voyage, j'ai été, presque à mon insu, emporté par ses descriptions des régions traversées. Au-delà du portrait qu'il fait de son pays, ce qui m'a le plus surpris et intéressé est la relation qu'il entretenait avec les personnes rencontrées sur son chemin. Notamment les minorités ethniques que le gouvernement actuel parvient à éliminer progressivement ou "ré-éduquer". La description de la vie de ces villageois se rapproche de l'anthropologie. L'autre facette que je retiens de ce voyage est l'emprise policière qui enferme chaque personne dans un rôle auquel il ne peut échapper sans ruse et sans prise de risque, pouvant mener à la prison ou à la mort. Ce n'est pas sans humour que Ma Jian nous fait partager ses péripéties, ce qui aide à faire passer la pilule de cette dictature impitoyable et déshumanisante. C'est assez rapidement que je suis arrivé au terme de cette lecture, avec plaisir. L'auteur nous livre également des réflexions philosophiques ou religieuses, qui lui permettent de donner un sens à ce voyage et à sa vie. On peut y voir aussi un voyage d'initiation, une sorte de passage rituel qui va lui permettre ensuite de retourner et s'installer à Pékin pour quelques années avant de quitter définitivement la Chine. C'est une belle leçon de vie qu'il nous donne à travers ce livre.
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China dream

Ma Jian fait partie de la diaspora des écrivains chinois. Ses romans n'ont aucun relai dans son pays natal.

Lors des deux premières pages de China Dream , Ma Jian nous expose la situation actuelle de son pays et le rôle qu'y tient Xi Jing Ping, président nommé à vie et développant dans des proportions inquiétantes son culte de la personnalité. China Dream , le rêve chinois est une réalité . Celle de devenir la première puissance économique mondiale à l'horizon 2049, pour fêter le centenaire de l'arrivée au pouvoir des communistes. c'est avec cet arrière plan que Ma Jian a construit un roman intéressant mais décousu.



Ma Daode est un haut dirigeant et tente de développer une puce neuronale qui effacerait le passé de chaque individu , laissant place à l'implantation du rêve chinois de Xi dans chaque cerveau. Cependant, son passé l'obsède et le ramène à la révolution culturelle (1966) et la mort de ses parents.



Beaucoup de bonnes idées dans ce roman , des passages très réussis comme celui de la résistance du village ...mais aussi trop de mélange entre fiction , réalité, vivants, morts qui donnent une sentiment de confusion.

Dommage car l'idée initiale , du lavage de cerveau (expression née en Chine) est intéressante.

Il n'empêche que l'on retrouve quelques caractéristiques des romans chinois : Cruauté, la révolution culturelle est bien décrite notamment dans les clivages humains qu'elle a pu engendrer, amour débridé, situation cocasse, nom de personnage exotique, insultes, lutte des classes...

Il manque juste le ciment, le fil conducteur qui eut pu rendre l'ensemble plus fluide.

Cela reste cependant une lecture rapide et agréable.



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Nouilles chinoises

Roman très étrange et déroutant où le vulgaire côtoie le poétique. Mais je n’ai probablement pas toutes les clés pour apprécier pleinement la saveur de ces nouilles chinoises, et pourtant j’adore la cuisine chinoise.



On y trouve tous les ingrédients de la Chine moderne: séances d’auto-critique pour comportement petit-bourgeois, chants patriotiques diffusés par haut-parleurs dans les rues des villages, réunions interminables du Parti dont seuls quelques privilégiés peuvent « bénéficier », influence et fascination pour la culture japonaise, politique de l’enfant unique, et enfin semblant de revirement doctrinal avec l’adoption d’une politique dite d’ouverture qui a provoqué une perte totale de repère pour la société chinoise.



On est très loin du romantisme d’autres écrivains chinois. Ici on se rapprocherait d’un réalisme fantastique, peut-être de la même veine que Mo Yan. L’auteur, exilé à Londres, décrit son pays sur un ton cynique derrière lequel se cache peut-être une immense tristesse.



Dans l’ensemble, j’ai eu beaucoup de mal à m’approprier cette succession de nouvelles. Deux histoires, sur une petite dizaine, m’ont tiré d’une sorte d’apathie : celle de l’écrivain public qui tombe amoureux des destinataires des lettres d’amour que ses clients lui commandent (ce sont les risques du métier) et celle du chien parlant qui nous explique quel est le régime politique idéal.

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Chemins de poussière rouge

Ma Jian travaille pour la propagande chinoise . parallèlement , c'est un artiste (peintre, poète). De moins en moins en phase avec son métier et la dictature qui entoure ses fonctions, il décide de quitter son poste et de parcourir son pays.



Ce récit auto biographique possède plusieurs intérêts. D'une part, on y découvre des lieux méconnus des touristes , on peut apprécier toute la diversité du l'empire du milieu , que ce soit en termes de paysages , coutumes , ethnies , mode de vie, religion. Il n'y a que le fuseau horaire qui est commun à tout le monde.

Mais , dans ce road trip un peu particulier, on retiendra surtout la vision du pays par ses habitants et aussi bien que celle l'auteur (qui finira par décamper en 1997).



On est en 1983 au début d'un voyage qui durera trois ans et Deng Xiaoping fait souffler un vent nouveau , à travers ses quatre modernisations . Ouverture de quelques lieux aux touristes étrangers, assouplissement religieux , métamorphose économique pour un pays qui a pris un siècle de retard . Le symbole de cette Chine nouvelle : Shenzhen . Dans ce livre , on va croiser une quantité de Chinois attirés par ce symbole de liberté : des riches , des pauvres, des intellectuels, de laisser pour compte. Shenzhen , c'est le graal du Chinois des eighties (tandis que nous , ceux qui peuvent se coiffent comme Robert Smith :))

L'évocation de minorités est très poignante : leur combat quotidien,l'incompréhension du monde communiste : Les Miao, les Wa, les Tibétains , les Li, les Hui..., ce livre est un mine culturelle.

On peut aussi s'intéresser à la quête personnelle de l'auteur , moi je m'en fiche un peu , il se cherche , je ne suis pas sur qu'il se soit trouvé à la fin, il a des relations compliquées avec les femmes mais ne crache pas dessus quand l'occasion se présente...



Beau roman donc , foisonnant de culture, dont l'apogée se trouve lors de la traversée du Yunnan et du Tibet. Bel instantané de la Chine des années 80, de sa société , de son écologie flageolante , de ses minorités.

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Chemins de poussière rouge

Magnifique récit autobiographique qui nous offre l'opportunité de réaliser plusieurs voyages en un seul....



Un voyage dans le temps et dans une contrée lointaine:

Ce récit nous plonge dans la Chine des années 80 sous le régime de Deng Xiaoping qui a succédé à Mao. L'auteur raconte alors son périple de trois ans à travers un pays au bord de la crise mais en même temps d'une grandeur exceptionnelle.



Un voyage personnel:

Ce périple, résultant des affres d'une politique se voulant à la fois communiste et capitaliste, requiert à la fois un aspect collectif en ce sens que c'est l'histoire de tout un peuple qui est en train de se jouer mais également un aspect individuel: on pénètre, durant ces centaines de pages, la vie, l'esprit, les pensées, les idées et les choix d'un individu qui de parfait inconnu devient au fur et à mesure de ce voyage une infime partie de nous-mêmes. En effet, on partage les mêmes jours et les mêmes nuits, parfois même les mêmes pensées. On voyage à travers son être, on s'imprègne de ses souvenirs...



Un voyage spirituel:

Un voyage personnel qui se mue en une véritable quête spirituelle. Une réflexion sur nos croyances et sur la vie qui mène le lecteur à s'interroger, à méditer et à prendre du recul sur sa propre existence. Certaines choses qui pouvaient nous paraître importantes voire vitales deviennent alors superficielles et inversement. C'est alors qu'on se rend compte que la vie représente un tout et qu'il faut savoir l'apprécier à sa juste valeur. On se rend compte qu'il est important de savoir écrire soi-même les propres lignes de son existence et ne pas laisser de place à un destin déjà tout tracé d'avance.



Historique, politique, spirituel, philosophique et j'en passe... Ce récit brille par son étonnant mélange de raffinement et de simplicité. J'ai adoré ce voyage dans le temps, j'ai beaucoup apprécié le regard du narrateur et j'ai aimé sa philosophie de la vie. Bref, que du positif pour ce roman que je conserve précieusement dans ma bibliothèque personnelle.
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China dream

La réputation de Ma Jian n’est plus à faire : peintre, journaliste, écrivain, cet auteur chinois éclectique a derrière lui de nombreuses années passées à lutter contre la dictature communiste. Dans son livre « China dream », il dépeint une forme de schizophrénie métaphorique qui imprègne la société chinoise.

Ma Daode, le personnage principal, est un fonctionnaire directeur du nouveau « Bureau du rêve chinois ».

Cet homme replet aux multiples maîtresses, qui se prélasse dans son duplex avec sa femme, a grandi pendant la Révolution culturelle.

Il veut créer un implant du rêve chinois qui remplacerait la mémoire et les rêves de la population par les projets et ambitions du parti.

En parallèle, il est assailli par les souvenirs de son enfance et son adolescence, des traumatismes resurgissent, au fur et à mesure des pages.

J’ai trouvé ce roman très poétique. L’auteur fait preuve d’humour et même de tendresse pour ses personnages, la dérision et le grotesque parsèment ses lignes.

Une manière douce et presque délicate de lutter contre la dictature et l’oubli des grands drames qui ont jalonné l’histoire de la Chine.
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China dream

En exil depuis plus de 20 ans, banni de Chine pour "pollution spirituelle", Ma Jian continue de publier loin de sa terre natale, inlassable pourfendeur des dérives du régime en place. China Dream peut ainsi aussi bien se lire comme un pamphlet que comme une satire aux solides vertus caustiques où le ridicule le dispute au tragique. Cependant, Ma Jian mêle la réalité, déjà souvent incroyable et désolante, à la fiction dystopique qui n'y va pas par quatre chemins pour stigmatiser cette société orwellienne. Le livre prend pour héros un haut fonctionnaire en bout de course, Ma Daode, directeur du Bureau des rêves, dont le but est d'éradiquer les souvenirs douloureux de chaque citoyen en les remplaçant par le merveilleux "rêve collectif chinois." De sombres desseins que notre homme a toutefois du mal à faire se concrétiser étant lui-même obsédé par son passé de la Révolution culturelle. L'époque actuelle et les funestes années 60 finissent par coexister de façon chaotique, non seulement dans l'esprit de Ma Daode mais aussi dans le roman, de manière tellement insistante que la démonstration en devient parfois irritante, dans un état de schizophrénie galopante. La fable en devient presque illisible dans ses dernières pages à mesure que l'état de Ma Daode se dégrade et que l'on plonge dans une sorte de délire incontrôlé. D'où l'impression mitigée que ressort de cette lecture singulière où en définitive il devient impossible de démêler le vrai du faux, la seule boussole restant le préambule écrit par Ma Jian qui lui est parfaitement clair et terrifiant.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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La route sombre

C’est un livre très noir sur la politique de l’enfant unique, du point de vue d’une jeune femme de 22 ans, qui essaie de jongler entre la pression de son époux qui désir ardemment un héritier mâle pour prolonger la descendance de Confucius à la 77 ème génération, et le Parti communiste qui par le planning familial traque les femmes enceintes à travers tout le pays. Cette politique, mise ne place en 1979, n’a été assouplie qu’en 2013 pour être quasiment abolie qu’en 2016.



Nous sommes très loin de la Chine touristique, des voyages et des cartes postales. Ici, on nous dépeint une Chine ravagée, aussi bien dans les conditions de vie de ses citoyens, en particuliers ruraux que de ses paysages, ses villes, sa culture…



La fuite en avant de cette famille tentant d’échapper à l’horreur des avortements forcés, des infanticides et des stérilisations abusives, la plonge au cœur d’une Chine de misère et de pollution. Les descriptions des paysages et de leurs conditions de vie font froid dans le dos. Ce que l’homme peut infliger à l’homme et à son environnent est effroyable.



Le récit commence de façon très réaliste pour finir sur un ton à la limite du fantastique qui n’est pas sans rappeler « 100 ans de solitude » ou « Beaux seins Belles fesses ».



Un récit marquant car l’horreur vécue par Meili a été une réalité pour de trop nombreuses femmes chinoises.

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La route sombre

Connaissant le sujet de ce roman, j'avoue avoir repoussé souvent le moment de me plonger dans cette Chine profonde lors de l'époque récente de la politique de l'enfant unique puisque mise en place en 1979, elle n'a été assouplie qu'en 2013 .



Ames sensibles et femmes enceintes s'abstenir !



Car à travers l'histoire de Meiji, une jeune paysanne enceinte illégalement de son deuxième enfant et de son mari Gongzi, instituteur , descendant de la lignée de Confucius et voulant pour perpétrer cette lignée un enfant mâle, Ma Jian nous décrit avec souvent force détails les conséquences d'enfreindre la loi: avortements, voir suppression brutale des nouveaux-nés, stérilisations obligatoires, amendes, destruction des maisons ,trafics d'enfants...



Les familles en situation illégale ,pour échapper aux délégués du Planning Familial prennent la fuite devenant alors des itinérants illégaux, des sans papiers et sans permis ,vivant souvent à bord de vieux rafiots dans les endroits les plus pollués de la campagne, pourchassés lorsqu'ils arrivent dans les villes, enfermés dans des centres de rétention et envoyés aux travaux forcés.



Malgré ce sombre tableau, Meiji garde l'espoir d'une vie meilleure alors que son mari ayant bien sûr perdu son statut d'instituteur se met à boire et à jouer.



Etonnamment la dernière partie du roman prend une autre tournure, beaucoup plus détachée, assez répétitive comme si l'obtention pour la jeune femme d'un emploi stable et d'un salaire repoussaient au second plan cette politique qui nous parait si aberrante et cruelle et les problèmes cruciaux de pollution dont les pauvres gens qui la subissent n'ont aucune protection contre les ravages sur leur santé .



L'écriture est efficace mais sans grand style.



Une sombre lecture même si elle reste instructive et vraisemblablement encore en partie d'actualité .
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Chemins de poussière rouge

Pendant trois ans, l’auteur a parcouru la Chine, des vastes plaines de l'extrême Ouest jusqu'au Tibet,en passant par les côtes du Sud.

Il a rencontré aussi bien des paysans dépossédés de leurs terres que des poètes, des danseuses, des militaires, des étudiants…



De cette expérience, il en tire ce récit palpitant, véritable odyssée à travers un pays ravagé par la misère et la corruption où transparaît cependant une formidable énergie.



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China dream

L'auteur, Ma Jian, est un dissident chinois, dont les livres sont interdits dans son pays. Exilé à Londres, il recourt à un mélange de farce cynique et d'informations quasi journalistiques sur son pays afin de dénoncer la situation politique établie par le président Xi Jinping et ses partisans.



Le personnage central est Ma Daode, directeur municipal de la ville de Ziyang. Sa tâche actuelle ? Participer au Rêve chinois en détruisant la pensée ancienne, les rêves anciens, pour laisser le champ libre à la nouvelle idéologie. En fait, permettre à la Chine, lors du centenaire de la république (2049, donc) de réaliser l' « unité mondiale » souhaitée par Gengis Khan !



Vaste programme ! les Chinois devraient se voir implanter une puce de l'oubli, celle du Rêve chinois. Fini, les souvenirs de la Révolution culturelle, les millions de morts, les intellectuels envoyés aux champs se faire rééduquer par les paysans. Finies aussi les luttes entre factions de Gardes rouges, plus violentes et plus ambitieuses les unes que les autres. Finies aussi les petites faiblesses des chefs, corruptions en tous genres et profits illégaux.



Oui mais. Finis aussi les joies tendres de la jeunesse, les douceurs de la vie au foyer, les amis étudiants, la famille, les rires d'autrefois. Finis aussi les deuils, les chagrins d'avoir mis au tombeau ses parents dans un cercueil en carton, faute de moyens dignes d'eux. Fini aussi le souvenir de ses parents, droitiers, comme ils disent, humiliés publiquement, sa mère torturée par les Gardes rouges, et leur double suicide par pendaison, en cachette dans le grenier où on a relégué la famille. Oubliée aussi, la trahison de Ma Daode qui a proposé aux Gardes rouges de détruire leur maison. Et le voilà devenu un notable du Parti, mais à quel prix !



Le regard de Ma Jian est acéré, éminemment critique, partisan bien sûr. Pourtant, je retrouve sous sa plume ce que j'ai moi-même observé en Chine, et c'était bien avant Xi Jinping. Commissaires de quartier, chargées (c'étaient des femmes) de faire avorter celles qui prétendaient avoir plus d'un enfant, abandon des enfants nés hors la loi, impossibilité pour eux d'exister socialement : ni déclarés, ni scolarisés, ni soignés. Et ces étudiants de la Place Tian'anmem, brillants, auxquels il a été demandé de choisir entre droit à l'étude et internement. C'était en 1989. Mais la vie est-elle plus facile aujourd'hui en Chine pour ceux qui voudraient penser par eux-mêmes ? L'idée de l'auteur, celle du lavage de cerveau via un implant de puce, est peut-être farfelue et presque amusante. Jusqu'à quel point ?



Quant à cette volonté de s'imposer comme première puissance mondiale, on en a vu les effets sur les vieux quartiers de Pékin et de Shanghai, pour ne citer que ces deux villes : destructions des maisons anciennes, de quartiers entiers aux populations déplacées, pour construire immeubles de bureaux, parkings et zones industrielles à leur place. Nous ne reverrons à peu près rien des anciens hutong de Pékin, pas plus que le quartier des Légations, démolis pour faire place à des gratte-ciel.

Le progrès ? Je ne sais pas. En tous, cas, à quel prix... !



Ma Jian fait intervenir un « guérisseur qi gong », susceptible d'aider Ma Daode à faire le tri entre ses pensées anciennes à oublier (trop dangereuses) et celles qu'il veut garder. Moyennant finances, fortes finances. Là, je regrette de devoir dire à l'auteur : stop ! Le qi gong ne permet rien d'aussi farfelu et, pratiqué par des gens de qualité, ne s'assortit pas de cette cupidité. Mais dans ce domaine, je ne suis pas impartiale, moi non plus !!



En conclusion, un livre à lire absolument, l'esprit critique ouvert et la volonté d'aller s'informer ailleurs également, pour ne pas tomber dans ce que reproche l'auteur à la Chine actuelle : la pensée monolithique.
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China dream

Farce cynique et déjantée, China Dream tombe à point nommé comme un pendant fictionnel teinté d'onirisme au passionnant essai "Dictature 2.0: quand la Chine surveille son peuple " qui dresse un portrait documenté et assez terrifiant de la Chine de Xi Jingping, nouveau grand timmonier résolument décidé à embarquer son peuple dans le rêve chinois qui renversera les valeurs occidentales.



La promotion du rêve chinois, c'est précisément le boulot de Ma Daode, fonctionnaire corrompu jusqu'à l'os, finançant ses multiples maîtresses à l'aide des pots de vin reçus, et qui rêve de la mise au point d'un implant contrôlant pensées et souvenirs de chaque citoyen.

À défaut de puce implantée, c'est la réminiscence de son passé que Ma va devoir s'affronter à l'occasion de son intervention officielle sur un site qui va être détruit (à l'image des milliers de villages rasés depuis trente ans pour construire la Chine nouvelle ), ce site étant le village dans lequel il commit les pires exactions pendant la révolution culturelle quelques cinquante ans auparavant. Dès lors, Ma est envahi de souvenirs qui perturbent sa personnalité et sa carrière, et qu'il doit à tout prix faire disparaître.

Roman militant d'un dissident particulièrement original et talentueux, China Dream peut surprendre avec sa tonalité tragico-burlesque très décalée mais vaut vraiment le détour pour sa mise en perspective d'une société chinoise moins en phase qu'il n'y paraît avec les rêves de grandeur d'un Parti toujours aussi omnipotent et plus que jamais décidé à contrôler les esprits.

Sans jeu de mot déplacé, on rit beaucoup à cette lecture mais on rit jaune, tant le propos est glaçant.
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Beijing coma

Da Wei est dans le coma depuis qu’il a été blessé lors des évènements de la place Tienanmen dix ans plus tôt. Il égrène ses souvenirs de ce qui s’est passé pendant ces quelques jours, tandis que la vie continue autour de lui.



Le récit alterne entre les sensations ressenties par le personnage principal alors qu’il est dans le coma, l’histoire de sa vie et de celle de sa famille et le détail des manifestations étudiantes ayant conduit à une répression sanglante qu’il est, encore aujourd’hui, tabou de mentionner en Chine.



Je n’ai que deux reproches à faire à cette lecture. Le premier est qu’on rencontre quelques longueurs et répétitions. Mais je m’y attendais, sachant que l’auteur allait raconter les évènements au jour le jour. Je ne considère pas que c’est un vrai défaut: même quand on trouve un peu le temps long, c’est parce qu’on vit ce que les personnages ont vécu au jour le jour et que ce n’était pas forcément hyper palpitant.



Le deuxième reproche est plus gênant: c’est le format du récit. Non pas dans l’alternance temporelle, mais sur un point plus prosaïque: sa mise en page (du moins dans mon édition de chez J'ai lu). Le texte est déjà extrêmement dense et demande pas mal de concentration du fait des nombreux noms chinois et des références à l’Histoire et à la culture chinoise peu familiers aux lecteur-ice-s occidentaux-ales. Du coup je me suis souvent sentie étouffée par la mise en page: il n’y a pas de chapitres, ni de sauts de pages, seulement des sauts de lignes quand on change de temporalité. Les interlignes sont serrées, la police de caractère aussi. Sur près de 900 pages, autant vous dire qu’il faut être motivé-e pour avancer.



Pour tout vous dire, il m’a fallu pratiquement trois semaines pour venir à bout de ma lecture, alors que c’était pourtant extrêmement prenant et très intéressant, que la plume était très fluide et accrocheuse. Impossible de dévorer ce roman comme j’aurais voulu et pu le faire dans d’autres circonstances. J’ai dû faire souvent des pauses, ne serait-ce que parce que mes yeux n’en pouvaient plus. J’ignore si d’autres éditions proposent un texte plus aéré, je pense que l’auteur a voulu son roman de cette façon. Mais avant de vous lancer, je vous conseille de vérifier que celle que vous choisissez offre un bon confort de lecture.



Je n’ai pas grand chose à dire de plus sur ce roman-témoignage. Il dénonce des faits que le gouvernement chinois a tout fait pour planquer sous le tapis et souligne que les choses ne se sont guère améliorées depuis. Beaucoup d’éléments sont choquants, et pas seulement les scènes de massacres. La description du système médical fait froid dans le dos, tout comme celle des camps de rééducation pendant la Révolution culturelle, de la corruption du régime ou des intrusions d’un état policier dans la vie des citoyens.



Il y a également quelques moments absurdes, notamment une étrange « secte » de buveurs assez particuliers qui m’ont laissée un peu abasourdie 😆



Une excellente lecture, qui a pâti de la densité de sa présentation, mais qui permet de mieux comprendre un évènement majeur de la fin du 20e siècle (le premier qui m’ait marquée). Je recommande très vivement, mais soyez prévenu-e-s que ce livre demande beaucoup d’investissement en temps et en concentration.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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