On ne peut pas lire le Coran – on ne doit pas le lire – comme si chacun de ses versets revêtait une portée absolue et éternelle. Si Dieu a voulu que certains de ses commandements aient une portée uniquement conjoncturelle, c’est trahir sa volonté que de leur prêter une portée intemporelle. Le dogme de l’imprescriptibilité globale du Coran doit être rejeté, parce qu’il est démenti par le Coran lui-même.
En montrant que l'islam est à la fois un message divin et une histoire humaine, en réintégrant la dimension du temps là où la Tradition ne veut voir que l'éternité, en retrouvant la vérité vivante de la Révélation sous les interprétations qui prétendent la figer une fois pour toutes, la pensée réformatrice est une école de liberté et de responsabilité. Elle offre à chaque croyant la chance de conjuguer sa foi en Dieu avec son intelligence du monde.
Les enfants apprennent à chanter le Coran avant même de savoir lire. Le texte est formulé dans une langue très élaborée, très belle. Même pour qui n'est pas pratiquant, quand il entend cette musique, cela l'émeut.
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Muhammad disait : dans la Révélation, c'est Dieu qui parle par ma voix. Résultat, beaucoup de gens se disent : "C'est la parole de Dieu, on n'est pas obligé de la comprendre, il faut la prendre à la lettre !" Or, dès les premiers siècles, des penseurs musulmans se sont dit : "Parole de Dieu, certes, mais faut-il la prendre telle quelle ou la replacer dans le contexte de sa révélation ?
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Dans le Coran, beaucoup de versets sont très clairs sur la vie des musulmans d'alors (...) Les Arabes découvrent Aristote et la puissance de l'outil philosophique rationnel des Grecs. Un courant de rationalistes musulmans se développe, qui prône l'interprétation du texte sacré à la lumière de son contexte.
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où que nous allions, les gens voulaient d'abord savoir "ce que dit le Coran" sur quelques questions élémentaires trottant dans toutes les têtes (...)
Nous nous appuyons sur des textes incontestés, attribués aux compagnons de Muhammad et cités par des exégètes classiques, comme Al- Wâhidî, Al -Suyûtî, Al-Tabarî, Muqâtil... Nous aurions pu citer beaucoup plus de versets du Coran. Nous avons surtout choisi ceux qui mettent en rapport le texte avec le contexte, son historicité.
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Nous avons découvert combien l'esprit des musulmans de l'époque était plus ouvert et plus libre que celui des musulmans d'aujourd'hui. Ils ont vécu l'avènement de l'islam comme une ouverture, une libération. Dieu, par le truchement de son Messager, donne une dimension individuelle à la conscience de l'homme. Pour les Arabes du VIIe siècle, ce fut un début d'affranchissement hors de l'esprit des clans, des tribus qui structuraient la conscience arabe.
Dieu ne s'est pas contenté de révéler aux premiers musulmans les principes essentiels de l'islam. Il a choisi d'entrer dans leur quotidien, en vue de leur permettre de traduire ces principes en règles de vie, dans le contexte historique qui était le leur. Or ce contexte ne pouvait pas être métamorphosé d'un seul coup, il ne pouvait qu'être modifié progressivement.
les musulmans ne peuvent donc pas se contenter d’une condamnation de principe… ils se doivent de contre-attaquer en cette qualité, et ce faisant de mettre au jour les contours d’un autre islam, fécondé par les valeurs de l’humanisme…
C’est pourquoi le texte coranique entrelace des commandements métaphysiques, eschatologiques, rituels, et des préceptes légaux et comportements dans le contexte social et culturel de l’Arabie du VIIe siècle
Si, au long des siècles, tant de régimes différents, voire concurrents, ont pu se prévaloir du Coran et et des hadiths, c’est en privilégiant tel ou tel moment de la Révélation, telle ou telle de ses dimensions, telle ou telle de ses résonances, par rapport à d’autres
Les grands califes ont choisi d’assumer cette puissance en faisant pari de l’intelligence. Ils cherchent à s’approprier l’ensemble des savoirs antiques, y compris les savoirs profanes, puisés dans le patrimoine de la philosophie et de la science grecques, qu’ils font traduire en arabe
Qui étions-nous ? Que représentions-nous ? Un millier d’opposants de gauche, globalement catalogues comme marxistes (….) désormais disséminés dans différents camps de concentration.