Interview de Maïté Bernard et Christophe Guillaumot pour la sortie de leur roman co-écrit à quatre mains, "Petits désordres", chez Liana Lévi.
— Qu'est-ce qu'il aurait fallu que je dise ? Vas-y, apprends-moi le genre de conversation appropriée dans un pub. Et ne me dis pas que j'aurais dû parler du temps ! Qu'est-ce que ça a de si intéressant ?
— Quand même, ça décide de ta journée.
— Mais même pas ! Les Anglais savent qu'ils vivent dans un pays où il pleut, donc ils font ce qu'ils ont à faire, qu'il pleuve ou qu'il pleuve !
- [...] Comment une jeune fille bien élevée qui n'aime pas se faire remarquer va convaincre un Viking, si furieux d'être mort qu'il n'a plus parlé à personne depuis huit cent ans, de lui adresser la parole?
Elle réfléchit, puis elle dit :
- Parce que je vais le lui demander poliment?
Règle numéro 21 de l'art du consolateur :
Parfois, il faut se faire aider pour aider. Mais parfois, il faut aider pour se faire aider. Et d'autres fois, il faut aider sans attendre de retour, comme il peut arriver qu'on doive accepter de l'aide sans se demander comment la rendre un jour. Encore quelque chose qui n'est pas simple.
Sur cette photo, il a un jean propre, une chemise blanche, belle veste, belles pompes. Mais il l'aime pas, il dit qu'il fait peur. Le jour où je l'ai prise, on avait eu une discussion sur nos parents. Il avait dit: " J'ai pas de passion, pas de plan, pas d'identité. Mon père est mort pour un idéal et moi j'ai souvent l'impression de ne pas être le sujet de ma vie. Je dis "je", "je", "je", je balance mon ego à la tête de tout le monde , je fais du bruit pour ne pas entendre le vide.
Angharad et Ava étaient de ces consolateurs qui pensent qu'il ne faut pas s'embarrasser de circonvolutions avec les fantômes et oser employer les mots "mort" ou "mourir", mais aussi présenter ses condoléances au défunt, de manière qu'il intègre tout de suite qu'il a vraiment perdu la vie.
- Peut-être que tu ne pleures pas parce que tu ne te le permets pas, dit-il gentiment. Peut-être que tu as peur de la violence des sanglots qui pourraient sortir. Peut-être que tu es en train de minimiser tes émotions, parce que personne n'est là pour t'aider en ce moment. Mais endormir une émotion, c'est risquer de les endormir toutes. Tu ne veux pas souffrir, donc tu ne souffres plus du tout, de rien, d'ailleurs tu ne sens plus rien. Les éternuements, c'est peut-être ton corps qui explose, qui ne supporte plus la pression que tu lui mets, qui te rappelle ce que tu refuses de sentir.
Et je sais que je peux compter sur toi, que je peux te retrouver n'importe où dans Paris parce que...
Il va sûrement dire "Parce que tu es toujours là quand j'ai besoin de toi" mais, je ne sais pas pourquoi, je lance :
-Parce que "Paris est tout petit pour ceux qui, comme nous, s'aiment d'un aussi grand amour".
Il me regarde sans comprendre. Gênée, j'explique:
-C'est une réplique que tu avais dite dans le métro quand on revenait du musée Carnavalet...
- Je pense que Wallerand n'aurait jamais dû la pousser et je pense que Papa et Maman devraient le dire une bonne fois pour toutes, à haute et intelligible voix. Je pense que ça ferait du bien à tout le monde, notamment à Bertrand et Baudouin.
(...)
Quel exemple ça leur donne ? a continué Sidonie. Que c'est pas bien mais que ça peut arriver ? Qu'un homme peut avoir un moment d'égarement ? (p.72)
Pour la plupart des gens, une semaine, c'est cinq jours de travail, deux jours de bonheur. je dis "la plupart" parce que je connais des familles où ça ne va pas, et où la semaine, c'est cinq jours de soulagement parce qu'on a de longues heures loin de chez soi, puis deux jours de stress. La mienne, par exemple. (p.101)
Car jusqu'à ce... Je me suis rendu compte que nous ne savions même pas comment l'appeler. jusqu'à ce crime ? cet assassinat ? ce meurtre ? Quel était le mot quand la victime était dans le coma ? Disons jusqu'à ce drame. (p.93)